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Impérialisme français

18 Rafale vendus à la Grèce. Alimenter les tensions en Méditerranée, un marché juteux

La ministre des Armées Florence Parly doit se rendre à Athènes le 23 décembre pour conclure la vente de 18 avions Rafale, dont 12 d’occasion provenant de l’armée française et 6 neufs de chez Dassault. La France renforce son statut de marchand de mort et contribue à exacerber les tensions déjà existantes entre la Grèce et la Turquie.

Irène Karalis

19 décembre 2020

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En début de semaine, le parlement grec a approuvé le budget 2021 pour le pays. Selon Les Échos, le budget prévoit le doublement des dépenses en matière de défense, le portant à hauteur de 5,5 milliards d’euros. Incluant le financement des avions de combat, il prévoit notamment l’achat de 18 Rafale français, dont le contrat a été négocié avec le ministère des Armées français en septembre et dont le coût s’élève à 2,5 milliards d’euros.

Cet achat d’armes s’inscrit dans la bataille d’influence que se mènent la Grèce et la Turquie en Méditerranée. Si cette stratégie de la Turquie s’est révélée efficace, avec plusieurs succès en Syrie, en Libye, ou plus récemment au Haut-Karabakh, où l’Azerbaïdjan, soutenu par Ankara, a réussi après un mois d’affrontements sanglants à prendre le contrôle de plusieurs territoires de la zone disputée avec l’Arménie, elle rencontre cependant certains obstacles, Washington ayant par exemple interdit lundi dernier l’attribution de tout permis d’exportation d’armes au SSB, l’agence gouvernementale turque qui s’occupe des achats militaires. Cette décision, prise dans le but de punir la Turquie de l’acquisition du système de défense antiaérienne russe S-400 il y a un an, s’ajoute par ailleurs à celle d’exclure le pays du programme industriel de fabrication des avions de chasse américains F-35. La Turquie, qui comptait profiter à la fois des avions haute technologie des États-Unis tout en bénéficiant du bouclier anti-aérien russe, risque ainsi de voir ses ambitions freinées. Avec l’achat des 18 Rafale, la Turquie se retrouve en plus face à un adversaire doté d’avions de chasse plus modernes que les siens (là où la Grèce était en désavantage), ce qui risque de la désavantager dans ce jeu des puissances dans lequel la domination des airs est un élément central.

Le gouvernement grec, de son côté, joue la carte du militarisme et attise les sentiments nationalistes de la population depuis son arrivée au pouvoir. Après une période économique difficile, Kyriakos Mitsotakis cherche à rebondir sur sa perte d’influence dans la région méditerranéenne au profit de la Turquie. L’achat des 18 Rafales s’inscrit par ailleurs dans un contexte où le gouvernement montre de plus en plus son visage répressif, comme l’ont montré les interdictions de manifester le jour de la commémoration de l’occupation de Polytechnique du 17 novembre 1973, mais aussi la répression subie par les manifestants le 6 décembre dernier, jour anniversaire de la mort d’Alexis Grigoropoulos, tué par la police à tout juste quinze ans.

Les tensions entre la Grèce et la Turquie ne sont que l’expression du jeu géopolitique de deux gouvernements réactionnaires dont aucun des deux n’est du côté de la population et des travailleurs. Un conflit armé serait catastrophique pour la population turque comme pour la population grecque.

Dans ces coordonnées-là, la position de la France, qui se situe du côté de la Grèce, se résume à attiser le conflit pour défendre ses intérêts économiques et géopolitiques. En ce sens, le contrat de 2 milliards d’euros signé avec le gouvernement grec est un cadeau pour le gouvernement français comme pour une de ses plus grosses entreprises, Dassault Aviation. Dans un contexte où les licenciements pleuvent de part et d’autre, l’aéronautique militaire, elle, ne semble pas connaître la crise et se porte mieux que jamais. En témoignent ainsi le contrat la nouvelle commande publique française de 1,3 milliard d’euros pour remplacer la flotte de surveillance de la marine composée de Falcon 200. Alors que la crise économique se fait sentir et que les services publics auraient bien besoin de ce milliard, cette nouvelle dépense faramineuse montre l’intérêt pour les capitalistes d’investir dans ce secteur « d’avenir ».

En ce sens, la commande grecque est une très bonne nouvelle pour le gouvernement français, dont la ministre des Armées s’est d’ailleurs félicitée « que pour la première fois, un pays européen souhaite se doter d’avions de combat Rafale », évoquant « un succès pour l’industrie aéronautique française ». Mais au-delà de la défense des intérêts de son complexe militaro-industriel, la vente d’armes à la Grèce par la France s’inscrit par ailleurs dans sa volonté de maintenir et d’étendre son hégémonie en Méditerranée, où elle se heurte à l’avancée de la Turquie, avec pour toile de fond économique la lutte pour des gisements gaziers, dont la valeur est estimée à 400 milliards de dollars sur 25 ans, mais aussi pour les marchés, les routes commerciales et les partenariats avec les pays méditerranéens.

Mais en réalité, loin de faire « rayonner » la France, l’industrie de l’armement est un fléau pour les populations, et les armes fournies par la France à la Grèce ne vont servir qu’à exacerber les tensions avec la Turquie. Plutôt que de faire fonctionner les usines d’armement pour les bénéfices de Dassault et les intérêts de la France en Méditerrannée, il s’agirait de réorienter la production, sous contrôle des travailleurs, vers les besoins essentiels et réels de l’ensemble de la population, encore plus dans un moment où 8 millions de personnes se trouvent en situation de précarité alimentaire.


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