On ne peut qu’être d’accord avec le texte de l’Intersyndicale. Du moins, en partie. En effet, malgré tous les efforts de désinformation du gouvernement, des flics et de la météo (le 31), « les mobilisations des salarié-es, des étudiant-es et des lycéen-nes contre le projet de loi travail ne faiblissent pas ». En témoignent les manifestants du 31 mars, avec plus d’un million de personnes dans les rues. En effet, en dépit de « l’entêtement du gouvernement à maintenir son projet, la détermination reste intacte et soutenue massivement par l’opinion publique ». C’est ce dont atteste le fait que près de trois-quarts des sondés se disent opposés à la bien mal nommée loi travail. Le nom du texte est, on ne peut plus mal choisi, car, effectivement, « ce projet est irrespectueux des droits, conditions de travail et de vie des générations actuelles et à venir. La flexibilité et la précarité n’ont jamais été facteur de progrès et d’emploi ».
Une quatrième journée de grève entre le 14 juillet et le 15 août ?
En revanche, nombre de camarades, syndiqué-e-s, encarté-e-s ou non, sont tombés de leur chaise en lisant la fin du texte : « déterminées et conscientes de leurs responsabilités, les organisations syndicales appellent à une nouvelle journée de grève interprofessionnelle et de manifestations le 28 avril 2016 ». Mais pourquoi laisser passer un mois entre chaque mobilisation ? D’abord le 9 mars, puis le 31 mars, et enfin le 28 avril… pourquoi pas une quatrième date entre le 14 juillet et le 15 août ? Et pourtant, la volonté d’en découdre n’a jamais été aussi forte. Les chiffres sont là pour le prouver, de même que la perception selon laquelle cette loi représente une attaque majeure contre le monde du travail comme seul Gattaz aurait pu en en rêver et qu’un Sarkozy n’aurait jamais osé mettre en musique.Pour les directions de la CGT, de FO, de la FSU, de Solidaires, de l’UNEF, de l’UNL et de la FIDL, tout se passe comme si rien n’avait changé, comme si l’on était dans une séquence « normale » de contestation des attaques. On passera sur la portée du coup qui nous est porté, absolument historique, de même que sur le niveau actuel de répression, qui vise non seulement les jeunes, notamment des lycées populaires, mais également un nombre croissant de délégués et des militants syndicaux.
Saute-mouton, steeple-chase… ou construire la grève générale et la reconductible ?
On ne peut imaginer un seul instant contrecarrer cette offensive en mettant en musique le même plan d’action qui a été mis en œuvre de par le passé, avec une mobilisation épisodique tous les X temps. D’une part, les journées saute-mouton (ici steeple-chase) ont toujours mené dans le mur, et il faudrait en tirer des conclusions. Pourquoi reproduire un tel schéma aujourd’hui ? D’autre part, le gouvernement n’a jamais été aussi affaibli, et il est absolument possible d’envisager de sa part une reculade sur toute la ligne, ce qui nous mettrait en de bien meilleures conditions pour nous bagarrer sur mille autres dossiers par rapport auxquels on aurait notre mot à dire. En ce sens, dire que le gouvernement est aux abois et au bout du rouleau n’est pas une lubie de gauchiste optimiste. Même les députés de la majorité n’écartent pas la possibilité d’un « écroulement » de l’exécutif alors que certains journaux très sérieux (et droitiers) comme Le Point évoquent la possibilité d’une marche-arrière-pas-de-côté-démission de Hollande lui-même.Attendre, dans ce contexte, le 28 avril est, au mieux, irresponsable, car cela veut dire refuser de mettre toutes les chances de son côté pour obtenir ce que toutes et tous, dans la rue, réclamons depuis plus d’un mois : le retrait du texte. Pour construire le tous ensemble, on aura besoin plus que de plusieurs « Nuit Debout », on ne pourra pas ne pas exiger l’arrêt de la répression et des poursuites contre tous nos camarades et, surtout, on ne pourra faire l’économie d’une grève générale, maintenant, pas pour dans un mois.