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Une mairie socialiste

A Montpellier, la mairie et la préfecture chassent les pauvres pour faire place aux touristes

L’été s'installe, les touristes arrivent. La mairie de Montpellier et la préfecture de l'Hérault ont à cœur de montrer la plus belle image de la ville. Pas question que les gens repartent avec comme souvenir des gens qui font la manche et qui peinent à survivre dans la rue. Leur solution ? Harceler et réprimer les pauvres, leur grande spécialité.

Lucas Darin

29 juin 2022

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« Opération de sécurisation de centre-ville », un joli nom pour une véritable chasse aux pauvres

 
Les grandes vacances arrivent, et avec elles les commerçants du centre-ville de Montpellier vont pouvoir compter sur l’arrivée massive de touristes pour faire gonfler leur chiffre d’affaires. Un seul « léger détail » vient gêner les plans de la mairie et de la préfecture : Montpellier est une ville où le taux de pauvreté frôle les 30%, et qui compte plusieurs milliers de SDF, qui sont obligés de faire la manche pour survivre.
De plus, les commerçants du centre-ville sont ouvertement en guerre contre les personne qui font la manche et font régulièrement pression sur les pouvoirs publics pour les chasser, comme en juillet 2021 où 240 d’entre eux avaient signé une pétition pour obtenir une opération de police. La mairie et la préfecture sont évidemment plus promptes à réagir quand il faut défendre les intérêts de ces commerçants que quand il s’agit de garantir aux plus pauvres des conditions d’existence dignes. Pour justifier la répression, Hugues Moutouh, préfet de l’Hérault, n’hésite pas à utiliser des arguments odieux sur l’image de la ville et déclarait cette semaine qu’« il faut offrir une vitrine à la hauteur de l’écrin de Montpellier ».
 
Ainsi ce lundi, à la demande du préfet et sur réquisition du procureur de la République, la Police Nationale et la Police Municipale de Montpellier se livraient à une opération d’ampleur de « sécurisation du centre-ville » de Montpellier. L’objectif de cette mobilisation massive des forces de l’ordre ? Lutter contre la mendicité « agressive ». Autrement dit, sois SDF et tais-toi. Ce sont donc 109 personnes qui ont été contrôlées, et la police a procédé à 11 interpellations.
 
Fière de son opération scandaleuse, la préfecture a bien évidemment revendiqué ce harcèlement sur les réseaux sociaux.
 

 
La mairie socialiste n’est pas en reste et participe elle aussi au concours des tournures de phrases qui cachent l’horreur : à Montpellier on ne parle pas d’arrêté anti-mendicité, mais d’ « arrêtés de tranquillité publique ». Dans la réalité, ça consiste à interdire aux gens de consommer de l’alcool et de rester statiques avec des chiens sur la voie publique.

L’adjoint au maire chargé de la sécurité, Sébastien Côte, s’est lui aussi félicité de l’opération contre les « marginaux routards » sur Twitter :
 

 
 
 

Le préfet et son vieux fantasme de l’ultra-gauche comme justification de la répression

 
Même quand il s’agit de réprimer les populations les plus pauvres, Hugues Moutouh arrive à faire le lien avec sa deuxième passion : l’ultra-gauche. Le préfet nommé l’été dernier tient toutes ses promesses en faisant le lien entre la mendicité à Montpellier, l’insécurité et l’arrivée d’une « population de zadistes qui est arrivée et qui sème le trouble. ».
 
Une explication reprise par Yannick Blouin, directeur de la police de Montpellier, qui explique que ce sont des « gens de l’extérieur, au profil zadiste, qui se greffent sur nos SDF et c’est eux qui mettent le bazar ». Sébastien Côte développe la même rhétorique, en parlant d’une « marginalité de passage » qui ne « demande pas d’hébergement d’urgence ».
 
Cette distinction, qui tend à séparer « nos SDF » habituels qui seraient intégrés, à une nouvelle population, marquée à l’extrême-gauche et responsable des troubles, est flagrante d’hypocrisie quand on se rappelle des premières déclarations de Hugues Moutouh après sa nomination à Montpellier, qui annonçait vouloir « nettoyer la ville ». Une politique qu’il a menée avec le concours de la mairie, en expulsant et rasant plusieurs bidonvilles sans solutions de relogement pérennes.
 

La situation catastrophique de l’hébergement d’urgence à Montpellier

 
L’utilisation par Sébastien Côte de la non-demande d’hébergement d’urgence de ces populations pour justifier leur situation fait particulièrement grincer des dents quand on connaît l’extrême saturation des dispositifs d’hébergement à Montpellier, et le fait que la mairie a le pouvoir de réquisitionner logements et bâtiments vides.

En effet, c’est une véritable catastrophe sociale qui a lieu dans le silence depuis des années dans la ville, avec un tissu associatif de l’insertion complètement saturé, que ce soit au niveau de l’hébergement, des accueils de jour ou des suivis sociaux.

En mars 2022 par exemple, on compte quasiment 10.500 appels au 115, le numéro d’urgence sociale qui enregistre les demandes d’hébergement d’urgence. En avril 2022, ce sont près de 9.000 appels qui ont été effectués, par 2.500 ménages différents qui ont formulé une demande d’hébergement.
Parmi ces demandes, seule une toute petite minorité est pourvue. Pire, même lorsque vous avez une chance exceptionnelle et que le 115 vous propose une solution d’hébergement, dans 88% des cas cette solution est une mise à l’abri d’une seule nuit, soit dans un dortoir collectif, soit dans un centre d’hébergement en périphérie de la ville, où les « chambres » sont en réalité des préfabriqués divisés en 3, alignés sur un parking dans une zone industrielle. Ainsi, on comprend mieux pourquoi une grande partie des personnes à la rue n’est pas en demande d’hébergement, ou plutôt pas en demande d’un hébergement indigne et insécurisant.
 
Face à ces immenses difficultés et à des situations plus inhumaines les unes que les autres, les travailleurs sociaux du secteur se sont mobilisés toute l’année pour revendiquer des moyens à la hauteur des besoins, à travers des dates de manifestations nationales mais aussi en constituant un collectif local, le CAASOS, pour maintenir la lutte au quotidien. Face à un tel acharnement des pouvoirs publics à réprimer les populations les plus pauvres, il paraît évident que c’est bien la lutte et le rapport de force qui pourront les contraindre à arrêter leurs politiques scandaleuses et arracher des moyens pour la prévention et l’accompagnement social.


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