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« On a supprimé des postes dans l’Education comme on a supprimé des lits dans l’hôpital »

A Provins, fermeture d’un lycée « cluster » grâce à la mobilisation des personnels

Au lycée Thibault de Champagne de Provins (Seine-et-Marne), la direction académique a décidé de fermer l’établissement, face à la multiplication des cas de Covid et à la détermination des personnels, des parents mobilisés. « Ce que raconte Blanquer sur la continuité pédagogique, c’est du blabla quand il ne reste qu’une poignée d’élèves en cours » raconte Béatriz Gutierrez, enseignante dans ce lycée « cluster » et représentante syndicale pour Sud Education. Entretien.

Correspondant-e

12 janvier 2022

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Révolution Permanente : Comment vous êtes-vous rendu compte que l’établissement devenait un cluster ?

Y compris avant les vacances de fin d’année, les cas se sont multipliés. Il n’y avait plus que des moitiés de classes, voire même 6 ou 7 élèves sur certaines classes. On était déjà inquiets avant même que le protocole de Blanquer publié dans le Parisien ne soit annoncé. Mais le pire, c’est ce qu’on a observé au retour des vacances. Entre le lundi et le mardi, le nombre d’élèves Covidés et de cas contacts a doublé.

Dans ces conditions, il devient impossible de faire cours : les élèves viennent et repartent au compte-goutte. Ce que raconte Blanquer sur la continuité pédagogique, c’est du blabla quand il ne reste qu’une poignée d’élèves en cours. Pour les élèves covidés, on ne pouvait pas être au four et au moulin. Certes, on leur envoyait les cours par Pronote, mais avec toutes les difficultés que ça représente pour eux d’assimiler les enseignements. Il est impossible de faire cours aux présents et aux absents. Cette absence totale de continuité pédagogique a mis à mal les enseignants, les parents et les élèves : alors que les épreuves de spécialité au baccalauréat sont toujours prévues pour mars… et que la réforme du Bac Blanquer est un vrai désastre pédagogique pour les élèves.

RP : comment a été accueilli le nouveau protocole sanitaire ?

Le nouveau protocole annoncé sur le Parisien a été vécu comme du mépris : par rapport à la décision de le transmettre dans un journal payant, mais aussi face à la multiplication des absences dans les classes, il paraissait totalement insuffisant.

Les enseignants se sentent maltraités : il y a un vrai sentiment d’échec et de maltraitance au travail face à l’impossibilité de pourvoir assurer sa progression pédagogique. Les classes se vidaient sans qu’on puisse suivre les élèves qui étaient absents.

Mais le malaise est véritablement plus profond. La pandémie est le miroir grossissant de nos mauvaises conditions de travail en temps normal. On a l’impression d’être maltraités et de maltraiter nos élèves en retour. Depuis que le lycée est fermé, j’ai enfin pu reprendre le contact avec mes élèves.

RP : comment s’est déroulée votre mobilisation ? Comment expliquer la décision de fermeture de l’inspection académique ?

Le lundi on s’est réuni pour décider d’une mobilisation et alerter l’inspection académique et le Rectorat. Nous avons décidé de nous mettre en grève le mardi, enseignants, Assistants d’Educations et agents. Le fait que nous soyons ensemble, toutes catégories confondues est important pour nous. Suite à une nouvelle AG, le mardi, la grève a été largement majoritaire : plus de 70% d’enseignants se sont mis en grève, la vie scolaire était totalement en grève, tout comme une bonne partie des agents d’entretien.

Ce qui explique ce front commun, ce sont d’abord nos habitudes de luttes. On fait toujours les Assemblées ensemble, le plus possible, toutes catégories confondues. Nous sommes tous des travailleurs de l’Education quelque soit notre statut. Et d’autant plus dans le contexte de la pandémie, nous sommes tous au même titre en première ligne du Covid. Pour les questions financières, on compte sur la solidarité en mettant en place une caisse de grève entre les personnels.

On avait décidé le mercredi de reprendre le travail et de faire un droit d’alerte pour pouvoir ensuite faire valoir un droit de retrait. L’objectif était de faire réagir la hiérarchie et faire intervenir le CHSCT départemental et académique pour qu’il y ait une enquête ; ce que ne désirait pas forcément notre hiérarchie. Les parents d’élèves commençaient à se mobiliser en publiant un communiqué, des rumeurs circulaient autour d’un potentiel blocus des élèves. C’est surement ça qui a poussé la direction académique a fermé. D’habitude, ils laissent pourrir les conflits.

C’est le mercredi qu’on nous a annoncé que le Rectorat avait décidé de la fermeture de l’établissement le lendemain. Depuis jeudi 6 janvier et pour toute la semaine, le lycée a fermé ses portes. La fermeture a été décidé, notamment par la pression du rapport de force.

RP : Quelles sont vos revendications ?

Nous on demande la réelle continuité pédagogique et la fermeture ne nous satisfait pas. Le problème c’est qu’on n’avait jamais les mêmes élèves en face de nous : où est la continuité pédagogique ? C’était de la garderie du Medef. Le lycée devenait un cluster géant et c’est face à l’absence de mesures pérennes pour ralentir la propagation du virus que la seule solution devenait la fermeture.

Mais ce qu’on souhaite véritablement, c’est le retour à la demi-jauge, comme l’année dernière après la grève sanitaire de novembre, principalement afin de limiter les contaminations et respecter la continuité pédagogique. Pour donner l’exemple de l’Espagne, ils ont embauché massivement et les enseignants ont obtenu des dédoublements pérennes. On réclame ces embauches dont on manque cruellement : non seulement chez les profs, mais aussi chez les agents dont la charge de travail a augmenté, chez les assistants d’éducation qui sous toujours en sous-effectifs, des infirmières, des Psy-EN… Et puis le minimum pour garantir la sécurité au travail : des masques FFP2, des capteurs de Co2 dans les classes.

Depuis 2 ans de pandémie, aucun moyen n’a été injecté dans l’Education. On a supprimé des postes dans l’Education comme on a supprimé des lits dans l’hôpital. C’est bien le fond du problème. La pandémie vient simplement mettre le doigt dessus en rendant ce qui était déjà insupportable totalement maltraitant.


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