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Interview du secrétaire de l’UL CGT

A Saint-Ouen, le maire veut amputer la bourse du travail mais la CGT résiste

Depuis plusieurs mois, les unions locales CGT et CFDT de Saint-Ouen (93) sont sur le qui-vive, après avoir appris qu’un projet immobilier menaçait une partie de la bourse du travail où elles sont logées depuis des décennies. Jeudi dernier, elles ont reçu un courrier du maire de Saint-Ouen William Delannoy (UDI) leur annonçant que la grande salle allait leur être amputée, et que les travaux de condamnation des accès auraient lieu le lundi suivant. La riposte ne s’est pas fait attendre côté syndical, la CGT ayant entrepris depuis une occupation nuit et jour des locaux. Nous avons interviewé Bruno Beylat, secrétaire de l’UL CGT de Saint-Ouen.

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Révolution Permanente : Cela fait déjà plusieurs années que des doutes pèsent sur l’avenir de la bourse du travail non ?

Bruno Beylat : « Oui. En 2015, on avait déjà écrit au maire parce qu’on avait vu qu’il avait un projet sur le site, donc en tant qu’utilisateurs du lieu on avait cherché à avoir des explications, sans succès. Alors en septembre dernier on l’a relancé. Au début il nous disait qu’il n’y avait rien, et puis quand on lui a montré qu’on connaissait quand même un peu le sujet, il a dit « oui c’est sur la grande salle, mais ça sert à rien la grande salle ». Or c’est notre lieu d’activité syndicale : on a les bureaux pour recevoir les gens et la grande salle dans laquelle les entreprises en lutte viennent. On a besoin d’une autonomie parce qu’on ne sait quand il va y avoir des luttes.

Le maire nous avait dit de ne pas nous inquiéter, qu’il nous donnerait autre chose à la place. Mais en octobre, l’administration n’avait toujours rien à nous proposer. En novembre ils nous ont convoqué un jeudi et nous ont annoncé que les travaux commenceraient le lundi. On leur a expliqué qu’on n’allait pas partir du jour au lendemain sans rien en échange. Il nous a dit qu’il reprendrait contact avec nous en décembre mais pas de nouvelles. En janvier, on est à nouveau invités à une réunion, et cette fois-ci la personne qui nous reçoit nous confirme qu’ils n’ont pas prévu d’autre lieu pour nous. Donc on leur explique qu’on a une convention d’utilisation. On est dans ces locaux-là depuis 1955, on a une subvention de la mairie, on lui rend des comptes d’ailleurs, avec compte-rendu d’activités, etc., tout ça n’est pas rien. Et jeudi dernier on reçoit un courrier nous annonçant que les travaux commencent ce lundi, qu’ils vont faire murer la salle et faire constater mardi par un huissier que les locaux sont bien disponibles. C’est ahurissant ces méthodes ! »


R.P. : Tout ça est très politique non ?

B.B. : « Oui, nous ce qu’on pense, c’est que derrière ce projet immobilier l’idée c’est de supprimer la salle où il y a un peu de résistance sur la ville : on a organisé il y a peu une projection-débat sur la Palestine avec la femme de Salah Hamouri par exemple… il y a tout un tas de choses qui le gênent. Par exemple, demain il y a une action des salariés de la SEMISO (Société d’économie mixte de Saint-Ouen). C’est le maire le président de la SEMISO, donc si demain on devait lui demander une salle pour accueillir des salariés de la SEMISO en grève, c’est évident qu’il ne nous en donnerait pas. C’est pour ça qu’on a besoin de notre indépendance, les bourses du travail ça doit servir à ça.

En plus à Saint-Ouen il y a 37.000 salariés, donc une bourse comme celle-là ce n’est pas trop grand, entre PSA, Alsthom, les amicales de locataires, les territoriaux, les retraités, les salariés des impôts, les chômeurs… On reçoit des salariés tous les jours, donc on a besoin de permanences. On a des conseillers des salariés qui accompagnent les gens dans les entreprises, aux prud’hommes. On a 2 salariés, et sinon ce sont les syndicalistes qui font le boulot. Malgré tout ça, les subventions des UL CGT et CFDT ont déjà été supprimées, on ne touche plus qu’une subvention pour la Bourse du travail. En plus on sait qu’il a un deuxième projet sur l’autre partie de la bourse du travail pour 2020, donc le maire n’est pas près de s’arrêter là, et vu les méthodes employées, on sait qu’on a intérêt à se battre. »

R.P. : Il y a d’autres villes où les bourses du travail ferment ou se voient couper leurs subventions… Est-ce que ce n’est pas un contexte général d’attaque contre les droits syndicaux ?

B.B. : « Oui ça c’est sûr. Mais ce maire-là, ça fait un moment qu’il tape fort, que ce soit par les pressions sur les syndicalistes ou les discriminations syndicales.

Il y a par exemple Nasser, qui était délégué syndical de l’office public d’HLM et qui a été muté à la SEMISO - puisqu’ils ont fait leur bradage qui n’est même pas validé juridiquement vu qu’ils ont perdu leur procès - ils l’ont licencié sans même demander l’autorisation à l’inspection du travail. Ils s’en foutent, ils avancent et si on les attaque ça sera jugé dans 1 an, 2 ans, 3 ans… et s’ils sont condamnés ils paieront, de toute façon ils s’en fichent puisque c’est l’argent des audoniens. Nasser ils l’ont licencié et comme il était fonctionnaire ils l’ont réintégré à la ville, puis ils l’ont suspendu en disant qu’il pouvait être néfaste pour les autres collègues, alors qu’il était nouveau et ne connaissait personne. Et là ils le passent en conseil de discipline pour révocation. Le pire c’est qu’il avait un logement de fonction et ils lui ont supprimé son logement, c’est pas rien. Donc ça montre bien qu’ils s’attaquent aux délégués syndicaux. Ils tapent fort pour que les autres baissent la tête. C’est un maire qui a vraiment pour but de taper sur ceux qui résistent. »

R.P. : En parallèle à Saint-Ouen, ils sont en train de vider l’usine PSA de ses ouvriers aussi… Est-ce qu’il n’y a pas une démarche générale de gentrification de la ville aussi ?

B.B. : « PSA oui, ça fait un moment qu’on parle de risque de fermeture, on ne sait pas quand ça va arriver mais toutes les semaines il y a des pubs dans l’usine pour aller chercher du boulot ailleurs, il y a une grosse incitation à partir. Les machines qui tombent en panne ne sont pas réparées… Tout ça crée un climat où les ouvriers se demandent ce qu’il va leur arriver. Surtout qu’il y a aussi une forte pression foncière, les prix du mètre carré s’envolent à Saint-Ouen, avec la proximité de Paris, le prolongement de la ligne 14 de métro, les jeux olympiques, le futur conseil régional, l’hôpital… ils se disent que sur le terrain de PSA il y a de l’oseille à récupérer !

Pour la bourse du travail, au début on nous avait présenté le projet en nous disant qu’ils avaient besoin du terrain pour construire une école. Et en fait ce n’est pas une école qu’ils prévoient de construire mais des logements privés de standing. Quand on voit les images on se rend bien compte que ce n’est pas pour « monsieur tout le monde » !

L’idée c’est toujours la même, que les pauvres partent plus loin, démolir le vieux et créer du standing pour renouveler la population, c’est clairement l’idée du maire actuel. Nous on sait par les camarades qu’il y a plus de 200 logements HLM et SEMISO libres à Saint-Ouen. Ils attendent parce qu’avec Pécresse au conseil régional, ils se disent qu’il y a peut-être des gens qui habitaient ailleurs qu’ils vont pouvoir reloger à Saint-Ouen, pour renouveler la population. »

R.P. : Aujourd’hui vous occupez donc la bourse du travail, quelle est la situation exactement ?

B.B. : « Ils veulent pouvoir faire constater que la parcelle est disponible à la vente pour soumettre la vente au prochain conseil municipal. On a un rendez-vous avec la mairie ce mardi après-midi, on fera un point après mais ce qui est sûr c’est qu’on ne se fera pas enfumer une nouvelle fois. Ils n’ont pas respecté leurs engagements, et la semaine dernière ils sont venus entre minuit et 8 heures du matin et ils ont bloqué tous les stores métalliques extérieurs en position fermée pour s’assurer qu’on n’ait plus de moyen de rentrer dans la grande salle. Ca montre bien la démarche malsaine qui est la leur.

Donc vendredi on a fait une AG et on a décidé d’occuper la bourse dès ce lundi, on a un tableau de roulement, on occupe les locaux indéfiniment jusqu’à ce qu’on nous propose l’équivalent, qu’on ait les clés, une convention, et qu’on nous garantisse le maintien de notre subvention pour les 3 ans à venir.

Donc les ouvriers sont venus ce lundi matin : on a eu les maçons pour murer le passage vers la grande salle, puis on a eu les ouvriers pour l’alarme, pour l’électricité, tous les corps d’état tour à tour… mais on leur a dit que ça n’allait pas se passer comme ça, donc ils sont repartis. Et ensuite on a reçu une invitation à la mairie pour ce mardi après-midi. »

Propos recueillis par Flora Carpentier


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