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Don du sang

Abstinence et don du sang. Marisol Touraine ressort l’homophobie du placard

Sarah Carah{{}} {{}} Une fois n’est pas coutume, François Hollande cherche à tenir une promesse de campagne. En effet, depuis plusieurs mois est discutée la possibilité de mettre fin à une discrimination persistante : celle excluant les hommes ayant eu des rapports sexuels avec d’autres hommes au don du sang. Enfin ! Mais c’est malheureusement dans la poursuite d’une logique homophobe et en faisant tout pour ne pas trop froisser les réactionnaires que le projet de loi est présenté par la ministre Marisol Touraine.

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Fausse solution contre le VIH, vrais préjugés homophobes

L’interdiction de don de sang pour les homosexuels date de 1983. A l’époque, le VIH venait de faire son apparition, et c’est une véritable chasse aux sorcières qui commence à l’encontre de la communauté gay rendue responsable de la « peste rose », les réactionnaires n’hésitant pas à instrumentaliser cette grave épidémie pour renforcer la stigmatisation et les discriminations à l’encontre des LGBTI. Depuis, de nombreuses associations de soutien et de lutte LGBTI se sont battues contre cette discrimination au don du sang, qui confond pour mieux stigmatiser l’orientation sexuelle avec les pratiques sexuelles. C’est malheureusement la même confusion qu’entretient le nouveau projet de loi.

En effet, le projet de levée de l’interdiction proposé par le gouvernement, ajoute une condition à celle-ci : les hommes ayant eu des rapports sexuels avec des hommes (HSH) pourront donner leur sang, mais seulement s’ils n’ont pas eu de rapport sexuel depuis douze mois. De même, ils pourront faire un don de plasma que dans le cas où ils auraient eu le même partenaire sexuel au cours des 4 derniers mois, ou pas de relation sexuelle pendant cette même période. Il faut rappeler ici que pour les donneur-se-s hétérosexuel-le-s, il est prévu que le don du sang est quant à lui accepté sauf dans la condition où l’individu a eu une pratique à risque (sous-entendu, sans protection contre les maladies sexuellement transmissibles et/ou avec de multiples partenaires) dans les quatre mois précédents. Ainsi, dans le cas de personnes hétérosexuelles, on conditionne le don de sang à des « pratiques » à risque (ce qui laisse d’ailleurs supposer que dans leur cas celles-ci sont peu courantes), et dans le cas des hommes homosexuels ou bisexuels, on conditionne le don du sang sur le seul principe d’avoir eu des rapports sexuels avec un autre homme. Ce qui se cache donc derrière cette condition proposée par le gouvernement c’est l’idée que l’orientation sexuelle pour un homme non hétérosexuel, serait en soi synonyme de pratique à risque. De là à dire que les personnes non hétérosexuelles « sautent sur tout ce qui bouge » et « n’ont aucun principe », il n’y a malheureusement qu’un pas... que la fachosphère ne tardera sûrement pas à faire, comme en témoignent déjà les tweets et tribune de Robert Ménard.

Marisol Touraine : « Ministre de la Santé du Vatican »

Plus étonnante en revanche est la réaction de l’association Aides, dont le président explique dans une interview au Mondel qu’il se satisfait du projet gouvernemental. Il justifie en effet la « condition d’abstinence » pour les hommes ayant eu des rapports avec un autre homme par « la prévalence du sida chez les homosexuels qui représentent encore 40% des nouvelles contaminations chaque année » et par le fait que les pratiques à risque « sont plus importantes dans la population homosexuelle ». Mais est-ce le fait de maintenir une situation dans laquelle ne pas être hétérosexuel conduit à être stigmatisé au boulot, dans la rue, et même lorsqu’on veut donner son sang qui est la solution pour lutter contre les pratiques à risque dans cette population ? Et quid des plus jeunes, chez qui le port du préservatif n’est toujours pas un acquis, comme le montre notamment une récente enquête de la SMEREP révélant le fait que seul 41% des étudiant-e-s utilisent régulièrement un préservatif. Abstinence aussi pour les moins de 30 ans ?

Par ailleurs, comme le note Act Up Paris qui surnomme, avec raison, Marisol Touraine de « Ministre de la Santé du Vatican », cette logique va à l’encontre des études qui ont déjà été faites en Italie depuis 15 ans où l’ouverture du don de sang est identique quelque soit l’orientation sexuelle et où aucune contamination par transfusion sanguine ne s’est produite. Act Up ajoute également que la période de douze mois d’abstinence est trop longue pour être respectée. C’est ce dont témoigne aussi Greggi, jeune de 19 ans, interrogé par l’Express : « Je donne malgré l’interdiction »l. Pour lui, « On change un mensonge par un autre. Avant nous devions prétendre être hétéro pour faire ce don. Maintenant il nous faudra mentir sur la fréquence de nos rapports sexuels... (...) Si nous pouvons sauver la vie de quelqu’un, pourquoi ne pas le faire ? Le sang manque de plus en plus, on le sait. (...)Ce qui est sûr en revanche, c’est que nous devrons continuer à mentir pour sauver des personnes qui ne demandent qu’un peu de notre aide. »

Le combat contre les pratiques à risque ne peut évidemment pas passer par la persistance des préjugés, tabous, secrets, qui entourent la sexualité. Maintenir l’idée qu’il y aurait des « populations » à risque ne vient en ce sens que renforcer l’état des choses. Un questionnaire plus précis et clair, ne mélangeant pas pratique et orientation sexuelle, de réels moyens pour des plans de préventions, ainsi qu’un meilleur accès aux soins des personnes vivant avec le VIH ou autres IST (Infections Sexuellement Transmissibles) permettraient de faire un réel pas en avant en termes de lutte contre les discriminations et les IST. Ce n’est pourtant pas étonnant que le gouvernement préfère l’auto-glorifiante et trompeuse formule « dès le printemps 2016, on ne pourra plus être exclu du don du sang en raison de son orientation sexuelle », à l’heure où non seulement il est loin de vouloir financer des plans concrets, mais où il met également en place la casse systématique des services sociaux. Ceci, par ailleurs, sans parler des intérêts des laboratoires et groupes pharmaceutiques se faisant des quantités monstrueuses d’argent sur le dos et sur la vie de millions de personnes vivant avec des IST.


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