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Les crimes ordinaires de la police

Adama, Théo, Mohamed… et tant d’autres, victimes de discriminations, violences aggravées, agressions sexuelles… 

Tandis que l’affaire Théo soulève une vague d’indignation et fait sortir du bois les loups d’extrême droite, les langues se délient, les témoignages convergent. L’agression dont Théo a été victime n’est pas une exception pratiquée par une « brebis galeuse », c’est un acte emprunté à l’arsenal des pratiques racistes et discriminatoires de la police.

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Des « bavures » aux pratiques normalisées

Le terme de « bavure » policière a fait florès. Longtemps utilisé pour couvrir les exactions des policiers, il avait le « mérite », tout en la minimisant, de reconnaître la faute. Désormais l’enjeu n’est plus là. Il s’agit au mieux de la nier, au pire de la justifier, voire de la retourner contre la victime elle-même.

Les jeunes, ou moins jeunes, interpellés plusieurs fois par jour dans leur quartier, harcelés de contrôles et d’humiliations diverses deviennent les premiers responsables de ce qui leur arrive. En cela, ils font bien partie du camp des opprimés, comme ces femmes victimes de viol qui sont censées l’avoir « bien cherché ». Ce serait par nature qu’ils et elles méritent les traitements qu’ils subissent.

Cette théorisation du crime policier n’est pas seulement une disculpation révoltante et lamentable que tel ou tel flic inventerait pour sa défense. C’est bel et bien un système d’oppression que mettent en place de manière consciente et organisée les syndicats de police, les avocats de la défense au passé douteux comme celui du violeur de Théo, les politiciens d’extrême droite comme Marine le Pen, Eric Ciotti ou encore Gilbert Collard et enfin, en dernière instance, l’Etat qui charpente progressivement l’arsenal juridique et matériel de la présomption de « légitime défense ».

Des ingrédients qui sont toujours les mêmes

Pratiquement assurés de l’impunité ou de peines légères, soutenus par un discours de légitimation de leur « travaildifficile » et bénéficiant la plupart du temps du soutien des « collègues » et de la hiérarchie, certains policiers osent faire la démonstration de leur imagination et de leur « savoir-faire » professionnels. Leurs pratiques ne sont pas laissées au hasard ou à la pulsion du moment. Elles vont aussi loin que le calcul des risques, pratiquement inexistants, leur permet d’aller.

L’objectif est d’abord de créer un climat de terreur. On se souvient de la fuite de Zyed et Bouna qui, poursuivis par des flics, se sont précipitésdans une zone dangereuse et sont morts électrocutés. C’est par crainte des représailles et parce qu’il n’avait pas ses papiers sur lui qu’Adama a fui et a fini étouffé au fond d’un commissariat. C’est aussi la fuite d’un gamin que raconte Mohamed, le copain de Théo, lui aussi victime de la police une semaine auparavant : « J’ai vu un petit de la cité courir, avec derrière lui un homme de grande taille, vêtu d’un manteau à capuche avec de la fourrure. Il a fait une balayette au petit à cinq mètres de moi. Il ne portait pas de brassard. Il m’a dit qu’il était policier ». C’est bien connu, fuir est la preuve que l’on a quelque chose à se reprocher...

Le fuyard étant d’ores et déjà coupable, il peut à présent être immobilisé sous la contrainte ou la contention, si on peut être à quatre contre un, c’est mieux. Les clés aux bras, les placages contre le sol ou le dos au mur, les menottes, sont de bons moyens pour faire comprendre au faible qu’il est faible. Les exemples de jeunes qui ont dû connaître ce sentiment de paralysie et cette rage d’impuissance ne se comptent plus.

Ces interpellations sont aussi l’occasion de démontrer l’inutilité de toute protestation. Tuer dans l’œuf toute espérance de pouvoir se plaindre. Rendre vain et faire rentrer dans la gorge tout appel au secours. Et faire comprendre que chacun des flics présents pourra être solidaire de ses collègues. Dans le pire des cas, on en protégera le maximum. C’est ainsi que de « viol en réunion », l’agression de Théo a été requalifiée en « violences » pour trois d’entre eux, niant l’évidence de la complicité.

Enfin et surtout, il faut humilier, casser durablement l’image de soi. Déshabiller, baisser le pantalon, mettre « les doigts aux fesses », pratiquer les attouchements, violer sont des pratiques vieilles comme l’histoire de la domination de classe et en définitive l’expression d’une oppression de type militaire. Mohamed, l’ami de Théo qui a été victime des flics une semaine auparavant raconte comment il a vu les policiers déshabiller « le petit jeune » qui avait été arrêté juste avant lui, de même qu’ils ont baissé le pantalon de Théo.

Racisme et agression sexuelle devenus système

Parmi toutes les méthodes d’expression de la violence raciale, l’agression sexuelle tend à s’ériger en système. C’est effectivement l’une des pratiques historiquement les plus ancrées de l’oppression raciale. Héritées de l’esclavage, les agressions sexuelles ont une puissance que le sentiment d’impunité, la solidarité de corps, la difficulté des victimes à faire connaître ce qu’elles subissent tendent à libérer. Théo a été victime d’un viol commis avec une matraque télescopique entraînant une déchirure de 10 centimètres.

Le but d’un tel acte, au caractère ouvertement raciste et homophobe, est de faire la démonstration de la toute-puissance de la police, de sa domination absolue.

En décembre dernier dix-huit adolescents du 12ème arrondissement de Paris ont porté plainte contre une dizaine de policiers pour des faits de violence volontaire et d’agression sexuelle, de séquestration et d’abus d’autorité. Le même procédé est à l’œuvre en plein Paris comme en banlieue : Les policiers commencent par neutraliser les jeunes dont beaucoup sont mineurs en abusant de leur autorité, ils les contraignent et les paralysent. Ils leur assènent des coups, les amènent au commissariat, pratiquent des attouchements tout en accompagnant les gestes de propos racistes.

Ces sévices ont été pratiqués pendant deux ans jusqu’à l’été dernier. Il semble que d’autres jeunes encore voudraient porter plainte. Bien sûr, la police des polices est saisie et une enquête judiciaire a été ouverte. Tout comme aujourd’hui dans le cas de Théo. Mais les syndicats de police se sont empressés de soutenir les agresseurs mettant immédiatement en avant « la présomption d’innocence ».

Il est donc urgent de se mobiliser pour demander justice pour Adama, Théo, Mohamed…et toutes les autres victimes des violences policières, de refuser toutes les formes d’atténuation ou de relativisation du rôle répressif de la police, de ses exactions, de ses pratiques qui bénéficient d’une mansuétude systématique.

Protéger l’institution policière en triant, dans le pire des cas, le bon grain de l’ivraie, c’est ne pas saisir l’essentiel : le caractère structurel de cette violence raciale, ultime expression de la domination de classe. C’est aussi faire insulte à la mémoire d’Adama, à la douleur de Théo et de Mohamed, à l’avenir de ces adolescents que le souvenir de ce qu’ils ont subi marquera pour longtemps.


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