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Violences faites aux femmes

Agressions sexuelles par un policier à Lyon. 11 femmes doublement violentées

Camilla Ernst C'est le procès d'un énième flic-voyou qui s'est ouvert mardi 2 février dernier au Tribunal de Grande Instance de Lyon. Car si son rôle se limitait à photographier les blessures des femmes ayant subi des violences, Fabien Gasseaux, policier de la Base Technique Divisionnaire, en profitait pour faire se déshabiller entièrement ces femmes, soi-disant par conscience professionnelle. Ce sont huit femmes depuis 2011 qui ont eu le courage de déposer plainte, pour la deuxième fois donc, pour agression sexuelle, mais en réalité onze cas ont été mis en lumière par l'IGPN, la police des polices. Une affaire qui fait froid dans le dos, et qui n'aidera certainement pas les trop nombreuses femmes cibles de violences mais qui ne les déclarent pas tant les démarches à opérer auprès de la police représentent un obstacle supplémentaire pour obtenir justice.

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Une femme nue, un flic, une arme

« Il a fermé la porte à clé, et je me suis sentie pas bien. Il m’a dit : maintenant tu te déshabilles entièrement. Quand il a dit ça, il a mis sa main sur son arme et j’ai eu peur. Je me suis mise en culotte et en soutien-gorge, il a touché ma culotte. Il me faisait peur, il avait une respiration super forte, on aurait dit un taré... ». Tels sont les mots de l’une des femmes ayant eu à faire au policier jugé au TGI. Un flic qui n’hésite donc pas à user de sa position de pouvoir pour exercer sa domination là où il devrait en théorie assurer sa protection. Sa technique ? Emmener les femmes dans un bureau planqué du cinquième étage qu’il ferme à clés et les examiner entièrement nues, à la lampe torche, mains tremblantes, n’hésitant ni à se mettre à genoux, leur demandant de poser une jambe sur son genou pour mieux explorer leur entre-jambe, ni à examiner avec minutie leur poitrine afin d’être sûr de ne pas confondre une trace d’armature de soutien-gorge avec celle de coups. Vision d’horreur d’une scène qu’on croirait tout droit sortie d’un cauchemar.

« Madame la Présidente, je suis un perfectionniste, a déclaré Fabien Gasseaux à la barre. Ma manière de procéder est un quadrillage de la personne pour ne rien rater. Cette méthode, je ne la tiens de nulle part, je l’ai mise au point pour être le plus efficace possible ». Le perfectionnisme comme caution morale. Alors que toutes ces femmes ont déjà été examinées par un médecin, et alors que ses collègues ont le tact de ne jamais les toucher ni de les faire entièrement déshabiller, et encore moins de les emmener dans un bureau isolé, lui se permet d’appliquer ses propres méthodes, qu’il n’essaie pas sur les hommes qu’il reçoit bien sûr. Et c’est là où le bât blesse. Comment se fait-il que, dans une situation aussi délicate que celle de l’accueil de cibles de violence, un policier puisse avoir son propre protocole, et que personne parmi ses collègues ne s’en offusque ? Et il semblerait que personne n’avait remarqué ses agissements douteux au sein de son unité. C’est encore la froideur du ton qu’il emploie qui fait peur, réduisant le corps à un champ d’investigation.


L’accueil des femmes cibles de violence

Selon les chiffres du Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, citant une étude de l’Insee-ONDRP entre 2010 et 2012, chaque année, en moyenne, 201.000 femmes sont la cible de violences conjugales. Seulement 29% se sont rendues au commissariat et 16% ont déposé plainte. Un triste constat qui en dit long sur la confiance accordée par ces femmes aux supposés « gardiens de la paix ». Après les coups d’un agresseur, qui habite souvent sous le même toit, la culpabilisation qui les accompagne systématiquement et l’humiliation, ces femmes font face à la froideur de policiers qui le plus souvent remettent en cause chaque parole et les obligent à revivre chaque scène afin d’être convaincantes. Vient ensuite l’examen médical complet, nécessaire. Et maintenant un deuxième policier trop suspicieux pour se baser sur le certificat médico-légal de ses collègues médecins ? Un policier pour qui une trace de coups ne suffit pas, et qui aurait besoin de chercher dans le moindre repli du corps de ces femmes alors doublement victimes.

L’affaire met en lumière les dysfonctionnements graves dans l’accueil des femmes victimes de violences. Du côté de la « défense » de notre flic-voyou, ce dernier affirme que malgré une vingtaine de demandes auprès de sa hiérarchie, il n’a jamais été formé à cette situation particulière. Par ailleurs, il n’aurait pas de collègue femme.


18 mois de prison dont 12 avec sursis

Jugé pour « agression sexuelle aggravée », Fabien Gasseaux s’en tire finalement à (trop) bon compte. 18 mois de prisons, dont 12 avec sursis, ont été requis par le Ministère public. 18 petits mois et tout sera oublié pour lui, quand le traumatisme restera gravé à vie pour ces onze femmes qui l’ont côtoyé bien malgré elles. Révoqué de la police nationale depuis 2012, son recours devant le tribunal administratif est toujours à l’étude. Il pourrait donc un jour être réintégré ! Et l’histoire ne l’empêche pas, en attendant, d’exercer en tant qu’agent de sécurité privé.

Les délibérations auront lieu au cours du mois de février. Mais nous ne devons avoir aucune illusion face à cette justice de classe, qui répond aux ordres d’un régime dont la police obtient toujours plus de droits, sous prétexte d’état d’urgence, quand ceux des femmes sont remis en question par les fermetures de centre d’IVG. C’est bien de nous et de nos luttes qu’émergera une vraie justice, celle, au moins, d’avoir droit, face à une situation de violences, d’être accueillies dans des centres par du personnel qualifié et formé à l’instar de ce qui se fait dans les centres de planning familial, sans présence policière, celle de l’égalité des salaires, permettant l’indépendance économique indispensable pour se libérer des situations d’oppressions maritales.


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