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Mouvement révolutionnaire

Appel : « Pour la création d’une nouvelle organisation révolutionnaire »

Cet appel a été adopté à l'issue d'une Conférence nationale qui a réuni 104 délégué·e·s désignés par plus de 300 militant·e·s de la plupart des régions du pays. Parmi eux, des animateurs et animatrices d’importantes luttes et mobilisations des dernières années : agents du nettoyage d'Onet, cheminot·e·s, agents RATP, raffineurs de Grandpuits, ouvrier·e·s de l’industrie aéronautique, de l’agroalimentaire, de l’éducation, de la santé, étudiant·e·s et lycéen·ne·s.

10 juin 2022

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Crise, guerre et révoltes

Nous vivons des temps de plus en plus convulsifs. L’agression réactionnaire de l’Ukraine par le régime de Poutine dans le contexte d’un conflit géopolitique larvé entre la Russie et l’Otan, États-Unis en tête, marque le retour de la guerre en Europe et, plus en général, un saut dans les tensions géopolitiques à l’échelle mondiale. Le réarmement de l’Allemagne est sans doute l’indice le plus saillant que nous ne sommes qu’au début d’une escalade qui risque de rappeler les pires moments du XXème siècle.

Dans le même temps, les catastrophes liées à la crise écologique s’enchaînent. Sécheresses, méga-feux, dômes de chaleur : toutes témoignent des conséquences dramatiques d’un système de production qui détruit l’environnement, le vivant et menace la survie de l’humanité. De même, la pandémie de Covid-19 a mis en lumière de façon brutale les effets de la casse des systèmes de santé et de la gestion capitaliste de l’industrie pharmaceutique. Elle a également souligné l’irrationalité d’un système qui a permis à une poignée de milliardaires de s’enrichir de 3 780 milliards de dollars, pendant que les travailleuses et travailleurs qui jouent les rôles les plus essentiels s’appauvrissaient.

Aujourd’hui, les gouvernements s’apprêtent une fois de plus à faire payer la facture du sauvetage des entreprises aux classes populaires. Alors que ces dernières subissent déjà une inflation galopante qui attaque leurs conditions de vie, cette offensive pourrait donner lieu rapidement à de nouvelles explosions sociales. De fait, la crise sanitaire a mis un coup de frein à une vague montante de la lutte de classes qui avait touché des pays aussi différents que le Chili, l’Algérie, la France, Hong Kong, l’Irak, le Soudan, le Liban, etc.

Cette vague internationale a forgé une nouvelle génération militante, intervenant sur le terrain des luttes sociales mais aussi de l’antiracisme, de la lutte contre le patriarcat ou de la défense de l’environnement. Ainsi, on retrouve de nombreuses et nombreux activistes du mouvement Black Lives Matter parmi les initiateurs des syndicats qui se mettent en place dans des bastions du travail précaire comme Starbucks et Amazon aux États-Unis. De même, en France, d’ancien·ne·s gilets jaunes sont actifs dans les grèves pour les salaires qui fleurissent dans des secteurs comme l’industrie ou la grande distribution. Des ponts inédits ont également pu être tissés entre les luttes ces dernières années, à l’image de la mobilisation des militant·e·s écolos en soutien aux raffineurs en grève de Grandpuits.

Tirer les leçons de la dernière vague de luttes

Il faut donc repartir de cette riche expérience des dernières années, mais aussi tirer des leçons de cette première vague. La première est sans doute que les luttes en ordre dispersé sont condamnées à être isolées et défaites. En France ces dernières années, nous avons assisté à des mouvements successifs de quasiment tous les secteurs : la jeunesse étudiante et lycéenne et les grands bastions du privé en 2016 ; les cheminot·e·s et les étudiant·e·s en 2018 ; les travailleuses, travailleurs et classes populaires de la France rurale et semi-rurale avec les gilets jaunes ; les transports, l’Éducation nationale et divers autres secteurs contre la réforme des retraites en 2019 ; la jeunesse des quartiers populaires suite au meurtre de George Floyd en 2020, celle des centres-villes pour le climat… Imaginez une seule seconde si tous ces secteurs frappaient ensemble, autour d’un plan de bataille commun !

Pour atteindre ce but, les travailleuses et travailleurs doivent lutter pour reprendre en main leurs organisations, à commencer par les syndicats, contre des directions qui cherchent par tous les moyens à contenir la lutte et la radicalité. Là est la deuxième leçon : la bureaucratie syndicale a constitué systématiquement un obstacle à l’union de notre camp social et à la victoire de nos luttes. En 2016, elle a laissé s’épuiser les secteurs les plus combatifs pendant plus de 4 mois sans jamais appeler et travailler à la généralisation de la grève. En 2018, elle a imposé la stratégie de la grève perlée qui a dilapidé la capacité de blocage des cheminot·e·s. En 2019, elle a cherché à imposer une « trêve de Noël » au moment décisif de la grève contre la réforme des retraites.

Face au mouvement des gilets jaunes qu’elle ne contrôlait pas, elle a adopté une attitude hostile, dénonçant le 6 décembre la soi-disant « violence » des manifestant·e·s plutôt que celle de la police qui les mutilait et imposant un cordon sanitaire pour empêcher la convergence avec les militant·e·s syndicaux de base. Si les gilets jaunes ont vite compris le piège de la délégation de pouvoir à une bureaucratie ou à des représentants auto-désignés, ils ont cependant peiné à trouver une structuration démocratique leur permettant de tenir dans la durée, et ce malgré les tentatives de coordination autour des « assemblées des assemblées ». Cela nous amène à une troisième leçon : la nécessité pour les travailleuses et travailleurs en lutte de s’organiser par eux-mêmes et de se coordonner à l’échelle la plus large possible pour décider démocratiquement et rester maîtres de leur mouvement. C’est ce qui a été tenté pendant la lutte contre la réforme des retraites autour de la coordination RATP-SNCF, qui a contribué à ce que le mouvement se poursuive pendant et après les fêtes de fin d’année.

La dernière leçon concerne la nécessité d’un projet politique en positif, qui ne se contente pas de répondre aux attaques mais se situe sur le terrain d’une contre-offensive des travailleurs et travailleuses pour imposer leurs propres revendications et changer la société de fond en comble. Lorsqu’on a demandé aux figures des gilets jaunes qui scandaient « Macron démission » dans la rue ce qu’elles feraient s’ils arrivaient à rentrer dans l’Élysée, celles-ci n’avaient pas de réponse. Il leur manquait, entre autres, cela : un projet politique permettant de dépasser le stade de la révolte pour viser la révolution. Pour s’emparer du pouvoir, en finir avec la société capitaliste et ouvrir la voie à une société nouvelle, débarrassée de toute forme d’exploitation et d’oppression, le communisme.

Un paradoxe

De ce point de vue, nous sommes devant un paradoxe. Alors que nous venons de vivre une importante vague de lutte de classe et qu’une nouvelle génération militante radicale a émergé, alors que des travailleuses, des travailleurs et des jeunes scandaient « anticapitaliste » et « révolution » dans la rue, l’extrême-gauche n’a joué pratiquement aucun rôle et ne s’est pas du tout renforcée.

Ce bilan – dont le passif remonte même à bien avant 2016 – explique qu’après la pause imposée par la pandémie, c’est l’Union Populaire de Mélenchon puis la Nupes qui ont temporairement canalisé sur un terrain électoral et institutionnel cette vague de luttes qui remettait pourtant en cause les trahisons de la gauche politique et syndicale et cherchait des réponses radicales à la catastrophe capitaliste.

Nous pouvons comprendre celles et ceux qui ont voté Mélenchon pour tenter de s’éviter le terrible remake du deuxième tour de 2017. Pour autant, face aux multiples crises auxquelles nous faisons face, son projet purement institutionnel constitue une impasse. Toute l’expérience récente le montre, de Jospin, dont Mélenchon était ministre, à Hollande en passant par Syriza en Grèce ou par Podemos en Espagne. Ces gouvernements qui promettaient de changer le système ont mené de profondes attaques contre les travailleurs et les classes populaires, et permis un retour en force de la droite et de l’extrême-droite.

Certains nous expliquent que « cette fois, ce sera différent ». Mais ces bilans ne sont pas l’affaire de personnes ou de contextes. Ils révèlent l’impasse de projets cherchant à faire fonctionner « autrement » des institutions taillées par et pour la classe dominante. Or, le pouvoir du patronat et son contrôle sur l’économie lui confèrent des moyens immenses pour faire plier ceux et celles qui contrediraient ses volontés. Pour y faire face, il faut s’organiser collectivement et assumer de s’affronter jusqu’au bout avec un système qui nous mène à la catastrophe.

Les limites de l’extrême-gauche face au retour du réformisme

Face à l’impasse de la Nupes et aux potentialités de la lutte des classes, il faudrait une extrême-gauche à l’offensive. Or, depuis 20 ans, celle-ci a perdu de l’influence sur tous les terrains et se trouve aujourd’hui en position de marginalité. Pas seulement sur le terrain électoral, où elle est passée de plus de 10 % à la présidentielle de 2002 à moins de 1,5 % vingt ans plus tard, mais aussi sur le terrain de la lutte des classes, ce qui est bien plus grave.

Incapables de tirer les bilans de cet échec, certain·e·s cherchent des raccourcis du côté de la gauche institutionnelle. C’est malheureusement le cas du NPA, comme nous l’avions pronostiqué avant d’en être exclu·e·s. Après des campagnes en commun avec LFI aux régionales, celui-ci a en effet choisi de soutenir ouvertement la Nupes aux législatives, liquidant toute indépendance politique. Certes, le NPA n’a pas signé d’accord électoral mais, comme l’assume Philippe Poutou, c’est d’abord parce que la Nupes n’a pas voulu de lui. Dans ce cadre, après s’être montré ouvert à une alliance intégrant le PS, le NPA est prêt à devenir une aile critique d’un front qui vise à la gestion loyale du capitalisme, en collaboration avec le patronat.

Si elle a le mérite de se garder de ce genre d’aventures, Lutte Ouvrière est marquée depuis des années par un militantisme routinier et a abandonné toute prise d’initiative dans la lutte des classes. Dans le même temps, ses œillères sur la réalité du prolétariat d’aujourd’hui, concerné et politisé par les mouvements féministes, antiracistes, écologistes entre autres, et dont l’avant-garde a été radicalisée par le mouvement des gilets jaunes, l’a conduit à se couper de la nouvelle génération militante en train d’émerger. Tout cela rend cette organisation parfaitement inopérante pour intervenir dans la vague actuelle de la lutte de classes.

Pour une nouvelle organisation révolutionnaire

C’est en partant de ces constats sur les limites de l’extrême gauche que nous avons décidé, après notre exclusion du NPA, de maintenir la candidature d’Anasse Kazib à la présidentielle que nous avions d’abord proposée au sein de ce parti. Malgré la non-obtention des 500 parrainages d’élu·e·s, cette campagne a laissé entrevoir les potentialités que pourrait avoir une extrême-gauche qui assume ouvertement son projet révolutionnaire tout en étant capable de s’entourer des acteurs et des actrices des principales luttes ouvrières, antiracistes, féministes, LGBT, écologistes ou étudiantes de la dernière période. L’acharnement de l’État et de l’extrême-droite qui l’a visé a montré à quel point un tel projet pouvait déranger leurs intérêts.

Les élections passées, il s’agit maintenant de cristalliser ces perspectives sur le terrain organisationnel et militant, pour construire un outil au service des prochaines batailles de la lutte des classes. C’est principalement sur ce terrain que nous nous sommes forgé·e·s ces dernières années. En 2016 et en 2017, en construisant des liens forts entre la jeunesse mobilisée et les ouvrier·e·s en grève contre la loi travail et en prenant part à la grève victorieuse des salarié·e·s du nettoyage d’Onet, sous-traitant de la SNCF. En 2018, en construisant l’Intergares, pour rassembler des secteurs de cheminot·e·s refusant la grève « perlée » contre la réforme ferroviaire, et en initiant, aux côtés du Comité Adama, le Pôle Saint-Lazare pour organiser une convergence avec le mouvement des gilets jaunes. Ou encore, en 2019 et en 2020, en animant la coordination RATP-SNCF, la coordination des ouvrier·e·s de l’aéronautique qui luttaient pour arrêter leurs usines au pic de la pandémie ainsi que la grève exemplaire des raffineurs de Grandpuits.

Fort·e·s de ces premières expériences, nous lançons aujourd’hui un appel à la construction d’une nouvelle organisation révolutionnaire, à la hauteur de l’urgence d’en finir avec le système capitaliste et de jeter les bases d’une société communiste. Une organisation implantée dans la classe ouvrière, avec un projet et une stratégie révolutionnaires assumés, intégrant le combat contre toutes les oppressions. Une organisation internationaliste et anti-impérialiste, ayant pour centre de gravité la lutte de classes et l’auto-organisation des travailleurs et travailleuses.

Cet appel s’adresse à toutes celles et ceux qui partagent ce projet et en particulier aux travailleurs et travailleuses qui ont pris part aux luttes ouvrières des dernières années, aux militant·e·s anti-racistes, antifascistes, LGBT, féministes, écologistes convaincus de la nécessité de la révolution, aux jeunes qui savent que cette société n’a rien à leur offrir. Il s’adresse également aux révolutionnaires qui veulent tirer les leçons de l’échec de l’extrême-gauche, qu’ils et elles soient militant·e·s au sein du NPA et rejettent le tournant pris par la direction de ce parti, ou au sein de Lutte Ouvrière.

Durant les prochains mois, un large processus démocratique sera enclenché pour élaborer les textes fondateurs de cette nouvelle organisation qui devrait voir le jour dans un Congrès à l’automne. L’université d’été de Révolution Permanente, qui se tiendra entre les 24 et 29 août prochains dans les Alpes, sera une étape importante dans ce processus que nous vous invitons à rejoindre.

Appel adopté le 5 juin 2022 à Sarcelles.


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