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Patrons pollueurs

Après l’Ouganda et la Tanzanie, Total poursuit son pillage en Afrique du Sud

Total poursuit son exploitation impérialiste et écocidaire en Afrique. Déjà impliqué dans le projet EACOP/Tilenga qui prévoit la construction du plus grand pipeline chauffé au monde en Ouganda et en Tanzanie, la multinationale française s’apprête à exploiter des gisements de gaz offshore en Afrique du Sud. Un projet dévastateur pour le climat, la biodiversité et les populations locales.

Arno Gutri

27 octobre 2022

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Crédits photo : Éric Piermont / AFP

Le 17 octobre, les ONG de défense de l’environnement Bloom et The Green Connection, respectivement française et sud-africaine, ont révélé dans un rapport que Total a déposé, le 5 septembre, une demande de licence auprès des autorités sud-africaines afin d’exploiter deux champs gaziers de 19 000 km² dans le secteur offshore sud-africain. Le géant pétrolier pourrait investir jusqu’à 3 milliards de dollars pour s’accaparer les ressources gazières de Brulpadda et Luiperd, situés à 175 kilomètres des côtes. Total jette ainsi son dévolu sur une zone gazière qui recèlerait, en termes d’énergie, jusqu’à un milliard de barils d’équivalent pétrole. Selon Mediapart, si l’ensemble du gaz présent dans les deux gisements était consommé, il générerait des émissions de CO² équivalentes « à ce que rejette chaque année dans l’atmosphère un pays comme la France ».

Un désastre écologique que l’intense greenwashing déployé par Total ne saurait masquer. Quand elle ne verse pas des avances sur dividendes ou n’annonce pas de nouveaux projets destructeurs, l’entreprise s’improvise en effet meilleure amie du climat. Depuis la rentrée 2022, la multinationale s’est par exemple incrustée à l’Université Paul Sabatier de Toulouse pour enseigner la « transition énergétique » dans un Master. Oxfam rapportait en 2021 que Total dédiait environ 50 millions de dollars par ans à son budget greenwashing.

Une menace pour la biodiversité et les communautés côtières

Comme le rappelle le rapport, les côtes méridionales sud-africaines sont une zone reconnue pour la richesse de sa biodiversité ainsi qu’un « corridor bleu » (route migratoire) pour de nombreuses espèces de baleines. Tout un écosystème mis en danger par les activités de Total qui riment avec pollution sous-marine et risques importants de fuites de pétrole et marées noires. Des risques accentués par la profondeur des champs gaziers (entre 200m et 1 800m de profondeur) et leur localisation : une zone où circule le courant des Aiguilles, un des courants océaniques les plus forts au monde. Pour ces raisons, TotalEnergies avait d’ailleurs dû renoncer en 2014 à ses explorations en raison de de son incapacité à « mener des réparations offshore » dans ces « conditions difficiles ».

De plus, ces destructions de biodiversité impactent directement les populations locales. En effet, les multiples explorations sismiques menées par la multinationale, qui
consistent en une puissante onde de choc envoyée par des bateaux équipés de canons à air, impactent la zone qui abrite une importante population de poissons dont dépendent les pêcheurs de la région.

Des deux côtés du Cap de Bonne Espérance, les pêcheurs ont saisi la justice pour s’opposer aux explorations menées par les géants mondiaux des industries fossiles et ont réussi à stopper certaines d’entre elles. Mais ces victoires juridiques risquent de ne pas peser lourd face à l’arsenal juridique, politique et financier des multinationales du pétrole et du gaz.

Contre les ravages de Total, dialogue avec Pouyanné ou lutte au côté des travailleurs ?

Le 17 octobre dernier, les ONG Bloom et The Green Connection ont organisé une conférence de presse afin de publier le rapport qui dénonce la présente de TotalEnergie en Afrique du Sud. Une conférence au cours de laquelle sont intervenus François Ruffin (député La France insoumise), Karima Delli (députée européenne Europe-Ecologie-Les Verts) ou encore Raphaël Gluksmann (député européen du groupe Socialistes et Démocrates). Dans leurs déclarations, les député.e.s en ont appelé à la responsabilité de l’État français qui « peut faire quelque chose » en tant que « garant de l’intérêt général ».

Pourtant, placer ses espoirs dans l’État pour s’opposer aux projets de Total, c’est oublier qu’il n’est pas « le garant de l’intérêt général » mais bien celui d’une politique impérialiste au service des multinationales françaises comme Total. Contrairement à la fake news lâchée par Emmanuel Macron, l’Etat français soutient Total dans son projet EACOP/Tilenga en Ouganda, comme le documente largement un rapport des Amis de la Terre, de Survie et de l’Observatoire des Multinationales. Un soutien militaire et diplomatique au service de la construction du plus grand pipeline chauffé au monde. L’Etat français et Total, main dans la main pour piller pour les profits et détruire la planète !

Bloom et The Green Connection ont également fait appel dans une lettre à la bonne volonté de Patrick Pouyanné, le PDG de Total. « Vous pouvez détruire la nature et le climat mais vous devez les protéger », expliquait cette dernière.

Alors que l’entreprise est au courant de l’impact désastreux pour le climat de son activité depuis les années 1970 et qu’elle a depuis cette période œuvré pour le masquer en entretenant des discours climato-sceptiques, puis en se positionnant comme la championne du greenwashing, il y a fort à parier que cette bouteille à la mer finira perdue dans les profondeurs océaniques.

La stratégie du dialogue est une impasse face à un patronat qui exploite et détruit toujours plus la planète afin de s’assurer que les profits arrivent bien dans les poches des actionnaires. Une impasse qui s’illustre non seulement sur le terrain écologique mais également sur celui des salaires. En effet, la stratégie du « dialogue social » a été une des armes de prédilection du gouvernement et de la direction de Total pour attaquer la grève des raffineurs.

Le nouveau projet de Total en Afrique du Sud vient une fois de plus confirmer que les entreprises continueront de polluer massivement pour amasser des profits tant qu’elles ne seront pas stoppées. Une dynamique qui nourrit la crise écologique, dont les conséquences touchent en premier lieu les travailleurs et les classes populaires. Dans le même temps, l’inflation vient également impacter durement ces secteurs. Plus que jamais, « fin du monde et fin du mois » se réunissent dans un seul et même combat. Au cours de leur grève exemplaire, les raffineurs de Total et d’ExxonMobil ont montré la voie pour combattre contre ces grands groupes, que ce soit sur le plan des salaires mais également contre la destruction l’environnement. Parcequ’ils ont « le doigt dans l’engrenage », les raffineurs occupent une position stratégique pour stopper la machine écocidaire des multinationales comme Total ou ExxonMobil. De même, touchés en premier lieu par les pollutions dues aux processus de raffinage, ils ont tout intérêt à reconvertir leur outil de travail et à limiter les rejets.

Alors que la grève reconductible a été remise à l’ordre du jour par leur combat, il est urgent que le mouvement climat se solidarise et donne de la force aux grèves qui émergent dans différents secteurs actuellement.


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