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Interview

Après les attentats. La réponse d’un artiste urbain de Paris

Maryline Dujardin Au lendemain des attentats, Frédéric, artiste urbain qui fait des collages de grands personnages en noir et blanc, est un homme attristé comme beaucoup d’entre nous. Le quartier de Fred, c’est celui des événements. Alors, comme pour rendre hommage aux victimes et soutenir les gens encore présents, il colle ses magnifiques dessins dans tout le quartier.

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Rencontre avec un poète urbain :

« Je ne sais pas du tout quel est l’impact sur moi, on ne va pas faire de pathos. Quelqu’un qui a perdu une personne a le droit de s’effondrer. Moi j’étais à Angoulême le vendredi et je suis très content de ne pas avoir vu. Je suis rentré le lendemain matin comme prévu parce que je ne me voyais pas ne pas remonter à Paris, ne pas revenir dans mon quartier. Et puis j’avais besoin de remonter pour coller en me disant que c’est peut-être prétentieux mais le seul truc que je sais faire dans la vie qui donne quelque chose aux gens c’est ça : coller. Si ça peut faire sourire des gens, remettre un peu de douceur, ouvrir une fenêtre et accompagner les émotions des gens qui sont là, des gens qui sont plus là…

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Je suis rentré pour ça. Alors j’ai pris un collage que j’avais prévu de coller de toute façon et j’ai été sur un mur où il y avait déjà quelque chose à moi, un truc déchiré, un bout d’ange complètement arraché avec un cœur en lambeau. En face du lieu, ça prenait une dimension horrible, au lieu d’être un reste rigolo. Moi j’aime bien quand y’a des restes de collage, je trouve ça joli habituellement, mais là ça devenait super glauque. J’ai collé mon truc qui était une façon à moi de déposer une bougie ou des fleurs et puis je suis parti et j’y suis pas resté, parce que c’est compliqué de rester devant.{}

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À République, personne n’est mort et à République c’est beau, c’est beau et c’est dur. C’est devenu quelque chose de fort, ça se décrète pas comme ça une place de rassemblement citoyen et là, il y a de l’émotion, et les gens se relient, y’a un truc assez beau. Dans les rues où des personnes ont été assassinées c’est différent, pesant, cela tient plus de la crypte que du lieu de rassemblement. J’ai collé par là parce que les meurtres ont eu lieu là où je vis, je collais.

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Si c’était pas ma rue, je ne l’aurais pas fait. La démarche c’était plus de continuer à mettre de la vie, je l’ai ressenti comme nécessaire, en tout cas, de mettre de la vie sur des lieux qui sont traumatisés et qui vont le rester parce que je sais pas si ça s’en va des trucs comme ça, ou alors ça mettra du temps… Même la rue des rosiers ou Saint Michel par exemple, ça reste. »

Des démarches comme celle de Fred semblent de plus en plus importantes dans un contexte comme celui que nous vivons. L’art à l’état pur comme celui-là nous soigne dans nos moments difficiles. Notre quotidien est en ce moment celui de la peur, de l’angoisse ; peur de Daesh puisque la gratuité de ses actes nous semble pouvoir encore frapper à chaque instant et que notre gouvernement semble alimenter cette peur, mais peur aussi de l’état d’urgence, du système répressif accru qui a été mis en place au lendemain des attentats.

Là aussi il y a de quoi avoir peur ; les contrôles au faciès ne se sont jamais faits si nombreux, les interdictions de manifester, les suspicions, les perquisitions gratuites et injustifiées. Tout cela peut nous faire peur. Ce climat de peur permet de maintenir un clivage, une certaine haine, une lourdeur. Alors des démarches comme celle de Fred sont salvatrices car elles rassemblent, elles sont gratuites et légères, légères dans le meilleur sens du terme parce que la lourdeur de ce que nous vivons a besoin de cela.


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