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Préparons la bataille nous même

Après sa visite à Macron, Martinez veut un « vrai débat ». À quand une vraie bataille ?

Après avoir supplié Macron de le recevoir, comme il a reçu la CFDT et l'UNSA, le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez était reçu mercredi 2 octobre par le Président. S'il insiste sur la nécessité d'un vrai débat, à l'image du sien avec Jean-Paul Delevoye à la fête de l'Huma, on ne voit toujours pas la perspective d'un vrai plan de bataille…

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Après 18 mois de concertation sur la réforme des retraites avec Jean-Paul Delevoye, et après la publication de son rapport le 18 juillet qui ne laisse pas de doute sur l’attaque d’ampleur qui se profile, il pouvait paraître surprenant que les directions syndicales, notamment celle de FO et de la CGT jouent autant le jeu de Macron en cette rentrée. En effet, les Gilets jaunes étant passé par là, le président devait se racheter une image d’ouverture, de dialogue, de changement de méthode. Pour lancer son Acte 2, il avait besoin d’un changement dans le discours, du « J’ai changé » sur l’écologie aux nouvelles concertations sur les retraites. Mais le discours ne suffit pas, il faut coopter des interlocuteurs. Les dirigeants syndicaux lui ont donc offert sur un plateau cette occasion. Derrière Laurent Berger de la CFDT, qui voit l’occasion de redevenir le principal interlocuteur du gouvernement, la CGT et FO ont voulu en être aussi. « Vous voyez qu’on fait pas la politique de la chaise vide » s’est expliqué Martinez sur tous les plateaux à la rentrée. 
Mais après des concertations dont tout le monde voit qu’elles sont un coup de comm’, la direction de la CGT a poussé la logique à son extrême…

Pour un « vrai dialogue » avec l’ennemi, ou pour un « vrai plan de bataille » ?

Après la grève très suivie du 13 septembre à la RATP, la volonté de la base d’imposer une grève illimitée, et l’émergence de la date du 5 décembre dans le paysage social, la situation a changé. 

L’appel intersyndical (rejoint tardivement par la CGT-RATP) à une grève illimitée à partir du 5 décembre peut apparaître lointaine. Elle est un compromis entre une volonté radicale des grévistes de la RATP et une tentative des directions syndicales de ce secteur de « se laisser le temps ». Se laisser le temps de négocier ou de préparer à la bataille ? L’état d’esprit n’est pas le même en tout cas entre les travailleurs à la base, qui ont exprimé leur colère le 13 septembre, et les directions de syndicat comme l’UNSA-RATP par exemple, déjà prêtes à négocier pour les seuls salariés RATP.

L’appel du 5 décembre a ensuite été rejoint par les cheminots de Sud-Rail, par la fédération Transports et Logistique de FO, puis par la Confédération Force Ouvrière dans son ensemble. Dans un communiqué plus radical qu’à son habitude, le CCN (le « Parlement » de FO) appelle à la grève interprofessionnelle le 5 décembre (sans parler toutefois d’illimitée ou reconductible), au retrait pur et simple de la réforme, et même à faire des Assemblées Générales pour organiser la grève du 5… Il explique aussi qu’ils ne feront pas le jeu de Macron et n’iront donc pas négocier dans les concertations. Un clair changement de ton.

Traduction ? Après les dates divisées et les appels séparés de septembre (FO le 21, CGT le 24), c’est la centrale d’Yves Veyrier qui prend l’initiative en s’appuyant sur le 5, et met Martinez à la défensive.

Dans ce contexte, et après un silence incroyable sur l’appel du 5 décembre, Philippe Martinez a expliqué ce matin sur France Inter qu’il… réfléchissait ! « On discute avec d’autres syndicats pour réfléchir à une grève interprofessionnelle », a-t-il expliqué. Tout en justifiant immédiatement la division des dates de mobilisation, par l’argument qu’il ne faudrait pas diluer les luttes spécifiques, ou forcer les personnels de la santé qui sont déjà en lutte à se mobiliser sur les retraites. À des années-lumières de l’envie de "Tous ensemble" qui s’exprime à la base dans chaque lutte.

Pire, le secrétaire de la CGT continue à supplier Macron d’avoir un « vrai débat », un « vrai Acte 2 », revendiquant le débat « contradictoire avec Monsieur Delevoye à la fête de l’Humanité », au contraire des débats du gouvernement où Macron s’écoute parler et se pose en « prof face à ses élèves ».

Martinez explique que face à une réforme volontairement floue, rendue compliquée à comprendre, on est dans une phase où il faut expliquer aux travailleurs à quelle sauce ils risquent d’être mangés. C’est vrai. Les derniers sondages montrent d’ailleurs une grande part d’incertains, qui ne savent pas trop quoi penser de ce « système à point ».

Mais expliquer les attaques ne veut pas dire dialoguer avec l’ennemi et accepter son terrain. Encore moins légitimer ses coups de comm’.

La date du 5 décembre, un point d’appui

Face aux nombreuses trahisons des directions syndicales, des journées d’action isolées aux négociations de miettes, certains peuvent penser que le 5 décembre est avant tout une manœuvre de syndicats corporatistes pour se laisser le temps de négocier. Mais c’est ne pas voir que cela correspond à un état d’esprit à la base, qui le voit comme une occasion de « se préparer », de « mettre de côté pour tenir », comme l’expliquait Irène de la RATP à notre micro

En tout cas, cette date commence à apparaître dans le paysage comme un point d’appui, une possibilité d’un combat interprofessionnel et reconductible, d’une alternative aux stratégies usées de journées d’action isolées ou de grèves perlées. Il est central pour les militants CGT de batailler pour que leur confédération rejoigne cet appel. Plus l’arc inter-syndical qui rejoindra cet appel sera large, et plus il sera coûteux pour un syndicat ou une fédération en particulier d’en sortir pour négocier à la marge.

Mais on ne peut pas en rester à la moitié du chemin. La plupart des fédérations ou confédérations chercheront surtout à utiliser cette date comme une menace pour négocier, comme une démonstration de force qui ne doit pas trop durer, et qui doit rester contrôlée. C’est pour cela qu’il faut batailler pour que les ralliements à cette date se fassent sur des bases claires, comme le début d’un mouvement de grève reconductible (ce que ne dit pas la direction de FO), dont la reconduction soit décidée en AG de travailleurs chaque jour, et pour le retrait total de la réforme.

Dans les AG, au-delà de la reconduction et du rejet de la réforme, nous devrons nous préparer à débattre d’une plateforme de revendications nationale, qui nous permette de passer de la position défensive dans laquelle nous sommes depuis tant d’années (contre telle ou telle réforme) à l’offensive. Par exemple : pour la retraite à 60 ans maximum, 55 ans pour métiers pénibles, sans condition d’annuités qui sont une double peine pour les femmes et les précaires, financés par les possédants et leurs exonérations, dividendes, ISF et autre CICE, pour un partage du temps de travail avec maintien de salaire entre ceux qui se tuent au travail jusqu’après 65 ans et ceux qui se tuent à en chercher, etc.).

Alors que les Gilets Jaunes ont montré par la positive toutes les limites de la routine syndicale, des manifs plan-plan aux journées isolées en passant par les négociations infinies, nous avons l’occasion de dépasser la limite du mouvement de ces derniers mois. Nous avons l’occasion de nous battre pour que ceux qui sont en mesure de réellement « bloquer l’économie », se réapproprient à la fois leur méthode de lutte historique, la grève, en même temps que la radicalité et l’intransigeance des Gilets jaunes.

Contre le scepticisme d’une partie du mouvement social, nous disons que cette perspective est clairement possible. Si en première ligne pour pousser en ce sens, les militants de l’extrême gauche, du NPA et de LO, aux côtés des militants syndicalistes combatifs dans Solidaires ou la CGT, des différents collectifs de secteurs en lutte comme chez les profs ou les services d’urgence, de ceux des Gilets jaunes qui veulent se battre pour dépasser les limites actuelles du mouvement qui dure depuis presque un an, mais aussi des militants antiracistes comme le Comité Adama qui était présent au meeting de convergence des luttes du 23 septembre, si ces secteurs se rencontraient et se préparaient ensemble à la « bataille centrale du quinquennat », cela changerait la situation dans le pays, bien au-delà du quinquennat de Macron, et poserait les bases d’une grande force sociale pour remettre en cause non seulement Macron, mais aussi « son monde » !

Crédit photo : Laurent Troude pour Libération


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Gaëtan Gracia, CGT Ateliers de Haute-Garonne

Militant à la CGT Ateliers Haute-Garonne
Twitter : @GaetanGracia

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