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Victoire !

Après un an de lutte, les paysans indiens font reculer Modi et retirer sa réforme libérale !

Après un an de mobilisations massives, de blocages et de grèves du milieu agricole indien les travailleurs ont réussi à faire reculer le gouvernement qui va retirer sa réforme agricole.

Agapé

22 novembre 2021

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Une victoire par la lutte et la grève

A quelques jours de l’anniversaire de la mobilisation, les travailleurs agricoles ont finalement fait plier le gouvernement nationaliste de Narendra Modi. Vendredi 19 novembre, ce dernier a annoncé « entamer le processus constitutionnel d’abrogation de ces trois lois lors de la session parlementaire qui débute à la fin du mois ». Les agriculteurs indiens, qui représentent plus de 50% de la population active en Inde, menaient depuis septembre 2020 une bataille intense pour exiger le retrait de trois textes de lois visant à déréguler le marché entre les producteurs et les « mandis » (marchés de gros) contrôlés par l’État.

Même s’il est très inégalitaire, ce système permet aux agriculteurs d’avoir un prix de soutien minimal (MSP) garanti par l’Etat. Ce dernier assure aux exploitants qu’ils ne vendront pas leurs produits en dessous d’un certain prix, en obligeant « les marchés de gros » à n’acheter qu’au-dessus du seuil minimal permettant ainsi d’assurer un revenu minimum pour les travailleurs agricoles. En cherchant à faciliter la vente de la production agricole à l’industrie agro-alimentaire directement, la réforme agricole menaçait d’une chute massive des revenues des paysans.

Face aux « lois noires », les paysans ont réagi massivement. On se souviendra notamment du blocage de la capitale New Delhi par plusieurs centaines de milliers de travailleurs venant des quatre coins du pays et érigeant des barrages routiers pour faire entendre leur mécontentement pendant plusieurs semaines en fin d’année 2020.

Une mobilisation qui avait obligé le gouvernement à tenter la voix des négociations comme sortie de crise auxquelles les syndicats se sont opposés notamment par l’intermédiaire de Yogendra Yadav, porte-parole de l’organisation paysanne Swaraj India qui avait déclaré à l’époque que le premier point à l’ordre du jour des discussions avec le gouvernement devait être les modalités d’abrogation des trois lois.

Par la suite et face la répression, les manifestants s’étaient installés aux abords de la ville. Les paysans s’y sont organisés pour assurer leur subsistance dans la lutte et imposer leurs revendications : ceux-ci ont organisé notamment une distribution d’eau potable, de vivres et d’électricité sur les barrages pour tenir, avec le soutien des habitants de la ville. Une solidarité exceptionnelle qui a fragilisé le gouvernement jusqu’à le faire reculer définitivement avec les annonces du premier ministre Narendra Modi il y a quelques jours.

En plus d’être une victoire importante pour notre camp social, la révolte des agriculteurs indiens a mis en lumière tout un système d’exploitation agricole défectueux qui précarise les travailleurs et détruit la planète. En effet, la « Révolution verte » menée par l’Inde qui a pour objectif de devenir autosuffisante en termes d’alimentation de sa population, soit près de 1,4 milliards d’habitants, a permis une modernisation des techniques agricoles mais en entraînant une hyperspécialisation de la production et un endettement massif des travailleurs agricoles. Si les récoltes sont mauvaises, voire détruites, notamment pour les monocultures, cela impacte très fortement le revenu des agriculteurs qui croulent déjà sous les dettes. Sous la pression de cette situation, ce n’est pas moins de 948 agriculteurs indiens qui se suicident chaque mois selon le dernier rapport du ministre de l’intérieur en 2016.

Même si nous devons nous réjouir du recul du gouvernement de Narendra Modi face à la révolte populaire et une victoire acquise par la lutte, il est nécessaire pour les travailleurs indiens de continuer à lutter pour ne pas se contenter des miettes d’un gouvernement qui les précarise. En réalité, l’abrogation des trois lois visant à libéraliser le marché agricole est encore insuffisante.

Premièrement, le MSA et les « mandis » ne profitent pas à tous les exploitants et reste très inégalitaire, car il prend en compte majoritairement les cultures de riz et de blé. De plus, l’intensification de la production pose un problème écologique et de qualité des récoltes : les nappes phréatiques se vident, les sols se retrouvent sans vie, et l’air et l’eau se polluent. Enfin, il s’agit ici en dernière instance d’une décision électoraliste puisque les annonces arrivent à quelques semaines des élections régionales où le parti du premier ministre Narendra Modi serait en mauvaise position selon certains sondages. Et ce notamment dans l’Etat du Pendjab qui regroupent les plus grandes exploitations agricoles du pays mais aussi dans l’Uttar Pradesh, l’Etat le plus peuplé d’Inde regroupant 250 millions d’habitants. Sans compter que la décision intervient le jour du Guru Purab, date d’anniversaire de la naissance du fondateur du sikhisme, religion minoritaire dans le pays mais majoritaire parmi les agriculteurs protestataires.

Il est nécessaire de s’opposer à la tentative de séduction du premier ministre et de continuer à construire une révolte populaire pour les travailleurs indiens dont la grande victoire obtenue dans la lutte par la paysannerie doit servir d’exemple pour les batailles à venir contre le gouvernement ultra-conservateur, nationaliste et xénophobe de Narendra Modi.


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