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Interview de Noelia Barbeito et Nicolás Del Caño

Argentine-extrême gauche. Après les résultats électoraux de Mendoza, une nouvelle étape pour le FIT

A nouveau, le FIT confirme sa position de troisième force au niveau électoral dans la province de Mendoza, la cinquième ville du pays. Le Front de Gauche et des Travailleurs (FIT), le cartel électoral trotskyste argentin constitué par le Parti des Travailleurs Socialistes (PTS), le Parti Ouvrier (PO) et Izquierda Socialiste (IS) a récolté un peu plus de 105.000 voix, soit près de 10,5% des suffrages exprimés. Nous revenons, ici, sur les perspectives du FIT et de l’extrême gauche en Argentine avec Nicolás Del Caño, député national, élu pour la province de Buenos Aires et membre du ticket présidentiel que propose le PTS pour représenter le FIT aux prochaines élections générales, et Noelia Barbeito, qui était candidate au poste de gouverneur de la province, ce dimanche

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Ce nouveau succès électoral confirme la position du FIT comme troisième force politique de la province. Que pensez-vous de tout cela ?

Noelia Barbeito (NB). C’est exactement ça. Personne ne peut dire qu’il s’agit d’un vote ras-le-bol, ou d’une mode. En sept scrutins, depuis 2013, le FIT a obtenu d’excellents scores, notamment dans les arrondissements ouvriers de la province. Ces résultats sont le reflet d’un phénomène qui vient du « Mendoza d’en bas », de tous ceux et toutes celles qui en ont assez de la précarité sur les lieux de travail, des fonctionnaires et des politiciens qui touchent de grosses indemnités, des violences faites aux femmes, de ceux qui voudraient aller au lycée ou à la fac mais ne peuvent pas se le permettre. C’est le reflet de tous ces exploités et opprimés qui, au niveau de la province de Mendoza, voient en nous un point de référence, une voix qui reprendra leurs revendications pour les porter (…)

Nicolás Del Caño (NDC) : Comme l’a dit Noelia, ce qui vient de se passer est le symptôme d’un mouvement de fond à Mendoza et nous souhaitons le répliquer à échelle nationale. Pendant toutes ces années que le kirchnérisme [au gouvernement] a appelé la « décennie gagnée » [en raison des forts taux de croissance économique après la crise de 2001], des dizaines de milliers n’y ont vu que précarité et des salaires ne dépassant guère les 5.500 pesos [à peine 400 euros].

Parmi celles et ceux qui ont voté pour le FIT, ce dimanche, il y a tous ceux qui ont tourné le dos aux candidats austéritaires, tous ceux qui refusent de voter pour les mêmes recettes qui sont celles qui sont appliquées depuis les années de présidence de Carlos Menem et que reprennent à leur compte tant Daniel Scioli [gouverneur de Buenos Aires, péroniste-kirchnériste de droite], Mauricio Macri [droite, maire de la ville autonome de Buenos Aires] que Sergio Massa [challenger de Kirchner, cacique péroniste de droite du Nord de la province de Buenos Aires]. Le FIT, c’est l’expression qu’après 32 années d’alternance de gouvernements des radicaux et des péronistes, ceux qui ont voté pour nous ne font plus confiance à une caste de politiciens professionnels qui vivent de la politique, gouvernent pour leurs amis, les patrons, et tournent le dos aux revendications du monde du travail. Nous, en revanche, nous respectons nos promesses de campagne, notamment le fait que tous nos élus allaient recevoir le même salaire qu’un instit et que le reste des indemnités d’élus allaient grossir un fond de soutien aux luttes.

Vous avez clairement souligné que les choses allaient changer vis-à-vis du nouveau gouvernement provincial

NB : Hier nous avons clairement fait savoir au prochain gouvernement provincial qu’il allait devoir faire face à une opposition des travailleurs pour appliquer son programme austéritaire. S’il essaie de mettre la main dans la poche du monde du travail, il aura affaire à l’opposition de Macarena Escudero, du PTS, qui a été élue députée provinciale, et à celle de Víctor Dávila, du PO, au Sénat (…) La caste politicienne provinciale ne pourra plus se permettre de nommer des juges sans que personne n’en sache rien. En tant que parlementaires du PTS au sein du FIT, nous avons la ferme intention de porter la voix des mobilisations, de ceux qui luttent contre les « bavures » policières, de ceux qui luttent pour des augmentations de salaires et contre le patronat, comme chez ALCO, IMPSA et Lavalle. Tout ceci, nous le faisons déjà, et ces élections sont également la reconnaissance de ce travail. (…)

C’est une autre étape qui s’ouvre, maintenant, avec les élections primaires nationales (PASO) du mois d’août qui vont désigner les candidats au sein du FIT, avec des listes internes du PTS et du PO. Vous êtes vous-mêmes candidats, comment voyez-vous la situation ?

NDC : (…) Nous espérons que les résultats de Mendoza donnent une forte impulsion au FIT et au PTS, pour lequel je postule au ticket présidentiel, ainsi qu’à l’ensemble des candidatures ouvrières que nous allons défendre. (…) Nous voulons que la voix de ceux d’en bas s’entende dans tout le pays et nous souhaitons renouveler et renforcer les listes du PTS sur l’ensemble du territoire, avec Alejandro Vilca [éboueur municipal], à Jujuy, Hernán Puddu [travailleur de l’automobile] à Córdoba, (…) et bien entendu Christian Castillo [député princincial du FIT] et Javier Hermosilla [ouvrier dans l’industrie agro-alimentaire] qui sont candidats au poste de gouverneur et de vice-gouverneur de la province de Buenos Aires, Victoria Moyano [petite-fille récupérée de disparus sous la dictature de Videla] ou encore Myriam Bregman [avocate ayant défendu les familles de militants et de victimes de la dictature], pour Buenos Aires (…).

NB : Quant à moi, je suis candidate au poste de députée (…). Mais nous soulignons que notre force réside dans l’organisation et la mobilisation du monde du travail. De ce point de vue, les listes pour Mendoza seront constituées par des camarades reconnus pour leur trajectoire militante comme Lautaro Jimenez, instit et anciennement travailleur chez Cuyoplacas [industrie du meuble], Miriam Zambrini, militante des Droits de l’Homme, ou encore Rubén Vera, travailleur du pétrole. Mon colistier sera Edgardo Videla, délégué syndical chez Cuyoplacas, ainsi que Nora Brucoleri, militante oppositionnelle très connue au sein du syndicat des enseignants de la province, SUTE. (…) Pour les listes de candidats au parlement du Mercosur, Parlasur, nous avons choisi Mauricio López, un camarade qui a participé aux luttes contre le pillage de nos ressources naturelles dans la Cordillère des Andes, et qui est membre de l’Assemblée pour les Biens Communs de Malargüe (…).

Que pensez-vous du fait que l’extrême gauche va trancher ses discussions à travers des élections primaires ?

NB : Nous aurions préféré arriver à un accord avec les camarades du PO de façon à avoir d’entrée de jeu des listes en commun pour affronter les candidats des partis pro-patronaux. Ils ont refusé nos propositions unitaires, et ont préféré opter pour les PASO. De notre côté, nous ne voyons pas cela comme un problème. Nous avons toujours soutenu que les PASO étaient un moyen, en dernier recours, que nous pourrions utiliser, si nous ne tombions pas d’accord. Comme nous l’avons dit à plusieurs reprises, nous souhaitons que le FIT exprime la force des travailleurs, des femmes et de la jeunesse, c’est pour cela que nous soutenions un ticket présidentiel complémentaire avec, d’un côté, Jorge Altamira [du PO] et son expérience, et, de l’autre, Nicolás Del Caño, avec tout le soutien qu’il a su gagner au sein du monde du travail. (…)

NDC : Il est vrai que c’est quelque chose qui n’était jamais arrivé, mais dans un sens, cela permet de clarifier auprès de notre électorat et des militants du FIT quelles sont les perspectives que chacune des composantes entend donner au FIT. Mais il faut dédramatiser. C’est la façon, de maintenir l’unité et que le FIT s’enrichisse de débats (…).

Vous souhaitez rajouter une dernière chose ?

NDC : Oui. Je veux demander à tous ceux qui pensent qu’avec Scioli, Macri ou Massa, à savoir avec les « enfants politiques » de l’époque Menem, avec lesquels on ne peut s’attendre qu’à davantage d’attaques contre les travailleurs. Et bien je souhaite leur demander de relever ce défi consistant à renouveler et à renforcer le FIT dans tout le pays, à renforcer la campagne, à nous aider à diffuser nos idées et à militer à nos côtés, au PTS. (…)

NB : Dans le même sens que ce que dit Nicolás, je souhaite inviter tout le monde à se joindre à nous, pour que l’on puisse mettre, au centre de la discussion politique, les problèmes du monde du travail et des classes populaires.

22/06/15. Propos recueillis par Gonzalo Viñas


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