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Etat policier

Arsenal répressif renforcé et cadeaux aux policiers : Macron prépare les affrontements à venir

Ce mardi, Emmanuel Macron a délivré les conclusions du « Beauvau de la sécurité ». Doublement des effectifs de policiers en 10 ans, formation de nouvelle compagnie de CRS, assouplissement des procédures pénales, etc., le tout accompagné d'un nouveau chèque de 500 millions d'euros. Décryptage de la nouvelle offensive sécuritaire du gouvernement.

Yann Causs

15 septembre 2021

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Au cœur d’un mandat profondément marqué par la remise en cause des institutions policières -cette semaine encore avec la polémique autour du concert de Soso Maness à la fête de l’huma-, Emmanuel Macron et son gouvernement continuent de multiplier les cadeaux à la police. Pourtant les scandales qui ont émaillé l’institution policière se sont fait légion depuis cinq ans, de la répression des gilets jaunes, au tabassage de Michel Zecler, en passant par le mouvement BLM et les mobilisation contre la loi Sécurité globale, jusqu’au meurtre de Cédric Chouviat, mais pour le gouvernement rien n’est trop beau pour ses policiers. En 2019 ils échappaient à la réforme des retraites, en 2020 on la leur augmentait, en 2021 ils étaient exemptés d’obligation vaccinale et se voyaient offrir lagratuité des trains récemment.

Hier, le chef de l’Etat français à l’occasion du discours de clôture du « Beauvau de la sécurité » s’est inscrit dans cette droite lignée. Si Emmanuel Macron a souhaité rappelé en introduction de discours que cette « grande consultation » avait trouvé son origine dans la « confiance fragilisée entre une partie de nos citoyens et ceux qui les protègent », l’enjeu pour l’exécutif était bien de renouer avec son bras armé, convaincre pour 2022 en coupant l’herbe sous le pied à la droite sur le terrain sécuritaire et préparer les futures offensives anti-sociales.

Un arsenal répressif renforcé

Presque un an après le lancement du Beauvau, au moment de rendre les compte et de faire part de ses conclusions à l’école de police de Roubaix, il s’agissait bien pour Macron de mettre en place une nouvelle offensive sécuritaire au service d’un discours réactionnaire sous couvert de lutte contre les « faits divers de plus en plus sordides et parfois barbares, coups et blessures, violences intrafamiliales, délinquance numérique », et les « phénomènes nouveaux ces dernières années : black blocs, Gilets jaunes, manifestations sporadiques... ». En arrière-plan, les annonces faites ce mardi visent à planter le décors de la« loi de programmation de sécurité intérieure » qui sera présenté début 2022 ( LOPSI 2022) par le ministère de l’intérieur et dont l’objectif est de « penser la police et la gendarmerie de 2030 », afin de faire face « aux nouvelles menaces [....] nous avons besoin d’une véritable révolution ».

Ainsi l’institution policière ressort du « Beauvau de la sécurité » avec un arsenal répressif encore renforcé. Alors que jusqu’alors l’objectif état d’augmenter de 10 000 membres l’effectif de la police au cours de son mandat, Emmanuel Macron renchérit et veut « plus de bleu sur le terrain ». Il s’agit donc désormais de doubler le nombre de policiers et de gendarmes sur le terrain en 10 ans. A cela s’ajoute le déploiement de nouvelles caméra-piétons pour chaque patrouille (15 000 le seront dans les prochaines semaines et s’ajouteront aux 15 000 déjà déployées). Emmanuel Macron a aussi annoncé la création d’une réserve opérationnelle de la police dotée de 30 000 réservistes, ainsi que l’accueil de 20 000 personnes supplémentaires pour la réserve de la gendarmerie nationale. La présence policière et donc le harcèlement quotidien et les violences policières qui vont avec dans les quartiers populaires seront donc à nouveau renforcés. La tonalité du discours ne peut d’ailleurs pas nous tromper. C’est bien une nouvelle attaque raciste et sécuritaire qui s’annonce sous couvert de lutte « contre les barbares et faits divers sordides ».

Il s’agissait aussi de se préparer aux futurs phénomènes de lutte des classes, dont le quinquennat Macron n’a pas été étranger depuis cinq ans et par là même de se doter les moyens de faire face aux nouveaux « phénomènes nouveaux de ces dernières années : black blocs, Gilets jaunes, manifestations sporadiques,... . Dans cette perspective, Emmanuel Maron a donc annoncé la création d’un « centre de formation sur le maintien de l’ordre » qui permettra selon ses dires « de constituer un vivier pour créer de nouvelles compagnies de CRS et escadrons de gendarmerie mobile pour répondre aux besoins ». Parallèlement a été annoncé la présentation d’une nouvelle version du Nouveau Schéma du Maintien de l’ordre avant novembre, alors même que ce texte qui avait pour intention d’encadrer les journalistes et les manifestants avait été retoqué par le Conseil d’Etat suite aux mouvements contre la loi sécurité globale. Ces annonces ont au moins le mérite d’être assez claires et sont explicitement tournées vers la préparation à la répression des futurs phénomènes sociaux.

Ainsi ce sont donc 1,5 milliard d’euros qui vont être ajoutés au budget du ministère de l’intérieur, dont un tiers - soit 500 millions d’euros - serviront à concrétiser les annonces du « Beauvau de la sécurité ». L’actualité a cela d’ironique qu’elle nous renvoie à une comparaison qui fait froid dans le dos, puisque dans le même temps les soignants la la cible d’une offensive autoritaire d’ampleur, avec ce mercredi la mise en place du pass sanitaire à l’hôpital. Plus largement, le manque de moyens dans les services publiques, les hôpitaux et les écoles, a explosé au yeux de tous depuis le début de la crise sanitaire, mais la police elle ne cesse d’être grassement financée pour actualiser ses capacités de répression.
 

Derrière la simplification du système pénal, plus de libertés pour les policiers

De plus, le Beauvau concrétise également un assouplissement de différentes procédures pénales pour faire face aux « délinquants jouent de nos lourdeurs ». Derrière la volonté affichée d’assouplir les procédures, c’est surtout une volonté de donner aux policiers plus de libertés dans l’exercice de la répression. Dès le mois d’octobre, les amendes forfaitaires - c’est -à -dire les sanctions pénales prononcées en dehors d’un procès - verront leur champ d’application de nouveau élargi pour les occupations de hall d’immeubles par les dealers et des terrains par les gens des voyages. Concrètement les policiers pourront plus facilement pratiquer de la matraque et de la contravention en toute impunité. Cela pourrait être d’ailleurs renforcé encore : « On sait que les procédures sont trop longues, et que souvent c’est souvent trop tard [...] il faut taper au portefeuille ».. puisque Emmanuel Macron annonçait avoir chargé le garde des sceaux de proposer des simplifications des procédures pénales sous trois mois. Nul doute ne fait quant au contenu de ces « simplifications ».

Une semaine après sa visite dans les quartiers Nords de Marseille, Emmanuel Macron a tenté de jouer sur différents tableaux et de s’adresser à nouveau à son électorat de centre gauche en remontant sur la table la proposition d’« une instance de contrôle parlementaire des forces de l’ordre qui pourra procéder à l’évaluation de leur action. ». Après les polémiques autour de la police des polices, l’IGPN, machine à impunité, cette annonce n’a rien pour inquiéter les policiers. Macron l’affirme lui-même que la police « n’a rien à craindre ». Dans la même logique, Macron a tenu à redorer le blason de la police pour qui « dans leur immense majorité, font preuve de déontologie et de discernement ». Un discours qui ne peut faire oublier l’ensembles des violences policières commises sous le mandat d’Emmanuel Macron - pointé à plusieurs reprise par Amnistie internationale notamment- , des Gilets Jaunes aux banlieues en passant par la répression de la rave party de Redon dernièrement.
 

En draguant la droite Macron prépare ses offensives sociale pour l’après 2022

 
Après les effets d’annonce autour de la réforme des retraites et l’application de la réforme du chômage et donc le retour de la figure du « réformateur » Emmanuel Macron cherche à nouveau à séduire à sa droite pour préparer 2022. Le discours de clôture du « Beauvau de la sécurité » est ainsi très clair. En effet, en tentant de redorer le blason de la police tout en multipliant les promesses de campagnes pour la police et en s’affirmant comme le parti de l’ordre, Macron tape sur le terrain sécuritaire que la droite lui dispute. Avec une rhétorique autour de la liberté, de l’ordre et de la sécurité, le chef de l’Etat s’adresse explicitement à l’électorat de droite. Tout y est « la sécurité est l’affaire de tous », « la nation qui fait bloc derrière ses policiers et gendarmes », « bâtir la vie tranquille », ou encore « les Français vous aiment, la nation vous aime ». Une rhétorique directement empruntée à la droite et jusqu’à l’extrême droite, en particulier Jean Marie Le Pen, à qui il reprend le slogan « la sécurité est la première des libertés ».

Ainsi ces annonces à quelques mois des présidentielles s’inscrivent bien entendu dans une séquence électorale. Alors que les sondages prédisent que seul un candidat de droite au second tour peut faire barrage au duel Macron-Le Pen, il s’agit bien évidemment ici de leur couper l’herbe sous le pied. Une confrontation d’autant plus « officielle » que Xavier Bertrand, candidat déclaré de droite, n’a pas manqué de réagir et d’accuser Macron d’être « passé à côté de la sécurité pendant tout son mandat » avant de proposer le lendemain de la clôture du Beauvau, ses mesuré sur la sécurité dans un exercice de surenchère sécuritaire et par lequel il déclare vouloir incarner le mandat de la « fin de l’impunité », à l’opposé de celui de Macron à qui il reproche d’avoir « oublié de restaurer la sécurité ».

Ce que ces annonces préfigurent c’est donc un nouveau renforcement de l’appareil policier et des violences policières qui vont avec dans les quartiers populaires, ainsi que celles qui s’abattent sur les mouvements sociaux et les piquets de grève du mouvement ouvrier. En arrière-plan l’objectif est clair : renforcer le bras armé de l’Etat et mettre tous les moyens nécessaires pour mater les futurs phénomènes sociaux et toute possibilité de révolte.


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