×

Au grand désespoir de Trump, la FED augmente encore fortement ses taux directeurs.

Les taux directeurs de la FED (Banque Fédérale Américaine) viennent de connaître une hausse historique. Ils ont été augmentés d'un quart de point passant de 2% à 2,25%, c'est la plus forte augmentation opéré par la FED depuis 10 ans. Mais ce n'est pas pour réjouir Donald Trump qui se dit mécontent et voit cette hausse comme un risque pour la croissance américaine.

Facebook Twitter

La FED : la Banque Centrale américaine

La FED est une institution qui se charge de fixer les taux directeurs, c’est à dire le prix du dollar. Elle fixe le prix de l’argent ce qui revient à fixer son taux d’intérêt moyen. Les banques commerciales s’alignent sur les taux de la FED pour proposer des crédits.

Quand cette dernière fixe des taux directeurs elle influence fortement les flux monétaires et l’accès au crédit. C’est donc un pilier de l’économie mondialisée qui influence la monnaie la plus utilisée dans les échanges internationaux.

En cas d’augmentation des taux directeurs, la FED rend l’argent plus « cher » donc moins accessible ( comme c’est le cas depuis 2 ans avec 8 hausses depuis 2015). Dans la situation ou ses taux directeurs sont diminués, elle rend l’argent moins « cher » donc plus accessible (c’était le cas entre 2005 et 2009). La FED oscille entre augmentation et diminution même si ses taux ont aussi beaucoup stagné (taux très faible de 2009 à 2015). Ces décisions sont prises en fonction de la conjoncture économique, la FED a pour rôle principal de limiter l’inflation par l’orientation de ses taux directeurs.

L’enjeu d’une remontée des taux

La FED n’est donc pas une institution pilotée directement par le gouvernement, en témoigne le conflit entre Jerome Powell (directeur de la FED) et Trump. Ce dernier craint que cette forte hausse des taux directeurs vienne perturber la croissance américaine (la hausse des taux d’intérêts provoque une diminution de l’investissement et de la consommation) et donc ralentir la croissance américaine, ce qui pourrait nuire à son mandat.

C’est assez rare qu’un président américain critique ouvertement la politique de la banque centrale américaine même si Trump, déjà en août, avait critiqué une précédente hausse de la FED. Ce conflit au sommet des institutions américaines est bien représentatif de la division que connaît la bourgeoise américaine Trump ne fait pas du tout consensus et cela même au sein de son propre parti. Beaucoup craignent les conséquences de la guerre commerciale que mène Trump, c’est d’ailleurs Jerome Powell qui a déclaré en conférence de presse : « Nous entendons de plus en plus de préoccupations de la part des entreprises de tout le pays au sujet de la perturbation des chaînes d’approvisionnement, de l’augmentation du coût des matières premières. »

D’un coté, Trump craint que l’économie américaine ressorte fragilisée par cette hausse des taux directeurs, surtout que le taux d’endettement des ménages et des entreprises est très élevé, tandis que de l’autre, la FED craint « une surchauffe » de l’économie américaine (fort hausse de l’inflation), d’où la remontée des taux pour calmer une croissance qui pourrait se révéler hors de contrôle.

L’économie américaine est en réalité prise en étau. Face aux risques de récession à venir, deux solutions sont mobilisables : la politiques budgétaire d’une part – qui consiste à injecter directement de l’argent dans l’économie en creusant le déficit, l’autre est la politiques des taux directeurs. Le problème est que ces deux instruments ont perdu de leur efficacité depuis la crise de 2008. Aujourd’hui les taux directeurs sont au plus bas – bien que la FED essaie de les remonter malgré le risque d’endettement des ménages et des entreprises – et le déficit budgétaire a explosé sous Trump en baissant les impôts des 1% les plus riches. Comme le résume l’économiste marxiste Isaac Joshua : « En ce qui concerne le déficit budgétaire, son importance restreint les marges de manœuvres futures. La politique monétaire évolue quant à elle dans un espace de plus en plus mesuré, car la hausse des taux d’intérêt se heurte à la contrainte de l’endettement. » 1

Les risques pour l’économie des pays émergents

La politique que mène la FED, au delà de contrarier Trump, a aussi des conséquences directes sur l’économie mondiale. Il faut comprendre qu’en augmentant ses taux directeurs, la FED attire les capitalistes qui cherchent à placer leur argent avec des rendements plus élevés, ce qui provoque un afflux des capitaux aux Etats-Unis et donc une fuite de capitaux aux conséquences désastreuses pour des pays dépendants du dollars. 

De plus, l’augmentation des taux favorise la hausse du dollar qui déstabilise les pays ayant contracté des dettes libellées en dollars. En effet, nombre de pays émergents ont contracté des dettes en dollars au moment où les taux directeurs étaient très bas et où l’emprunt coûtait donc peu cher. Aujourd’hui, la hausse du dollar rend donc leur remboursement plus élevé.

L’exemple de l’Argentine est le plus frappant. L’Argentine a contracté des dettes libellées en dollars et la crise de la chute de la monnaie argentine s’explique en grande partie par la hausse du dollar qui contraint à des échéances de remboursement auxquelles le pays n’a pu faire face, étant contraint de recourir à un prêt du FMI. La Turquie est aussi un bon exemple des conséquences négatives de la politique monétaire mené par la FED, pour les mêmes raisons que l’Argentine.

La récente forte hausse des taux directeurs de la FED n’est donc pas anodine. Même si elle s’inscrit dans une série de hausses régulières, elle influence grandement l’équilibre économique de nombreux pays.

Dans le contexte d’une économie mondiale très fragile sur ses fondamentaux, avec une guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, la montée du prix du pétrole et l’instabilité géopolitique globale, le risque est que la hausse du dollar provoquée par la hausse des taux ne vienne accentuer l’instabilité des pays émergents des dernières semaines.


Facebook Twitter
Frappes iraniennes : le soutien des pays arabes à Israël marque un nouveau rapprochement

Frappes iraniennes : le soutien des pays arabes à Israël marque un nouveau rapprochement

Génocide à Gaza : des armes, des affaires et des complices

Génocide à Gaza : des armes, des affaires et des complices

Etats-Unis. A l'université de Columbia, la répression du soutien à la Palestine s'intensifie

Etats-Unis. A l’université de Columbia, la répression du soutien à la Palestine s’intensifie

Invasion de Rafah : comment la bourgeoisie égyptienne tire profit des menaces d'Israël

Invasion de Rafah : comment la bourgeoisie égyptienne tire profit des menaces d’Israël


Attaque contre l'Iran : Israël limite sa riposte mais les tensions persistent

Attaque contre l’Iran : Israël limite sa riposte mais les tensions persistent

Difficultés sur le front ukrainien : vers une percée russe ?

Difficultés sur le front ukrainien : vers une percée russe ?

« Un état de guerre » en Cisjordanie : les colons multiplient les expéditions punitives

« Un état de guerre » en Cisjordanie : les colons multiplient les expéditions punitives

Corée du Sud. La droite perd les législatives mais le bipartisme se renforce

Corée du Sud. La droite perd les législatives mais le bipartisme se renforce