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Interview de Christophe Mondou, militant SUD Rail

Grève SNCF à Austerlitz : "Les décisions doivent rester sous le contrôle des grévistes"

En grève depuis le 17 mai pour certains, depuis le 31 pour d’autres, les cheminots d’Austerlitz réunis aujourd’hui en assemblée générale comptent bien reconduire la grève et maintenir le mouvement malgré la publication du nouvel accord d’entreprise proposé par la direction de la SNCF . Après la réussite de la journée du 6 juin et à l’approche de la journée de mobilisation nationale et interprofessionnelle du 14 juin, les grévistes d’Austerlitz sont déterminés à gagner le bras de fer engagé contre le décret-socle, la loi Travail, et son monde. Entretien avec Christophe Mondou, militant Sud Rail à Austerlitz

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RP : Où en est le mouvement à la gare d’Austerlitz ?

Premier fait notable : le nombre de participants aux assemblées générales se maintient autour du chiffre d’une centaine de personnes. Aujourd’hui, la reconduction de la grève a une fois de plus été votée par 80 grévistes. Le mouvement perdure donc, mais s’approfondit aussi puisque plus de 20 cheminots étaient présents sur le piquet de grève, ce qui est en fait le plus gros piquet depuis le début de la mobilisation.

Ce niveau d’implication est presque surprenant et montre que malgré les annonces faites dans la nuit vis-à-vis des négociations, les gens restent mobilisés. C’est probablement en partie dû au succès de la journée d’hier, qui a réuni autour d’un millier de cheminots et de soutiens qui se sont rassemblés devant le siège de la SNCF à Montparnasse avant d’envahir les voies de la gare dans une ambiance très combative.

Nous restons donc confiants et d’autant plus que perdure une relative entente dans l’AG entre le comité de grève et les organisations syndicales (Sud et la CGT) pour reconduire la grève jusqu’à satisfaction des revendications initiales, soit la lutte contre la loi travail et le décret-socle à hauteur du RH077.

RP : Que penses-tu de l’accord d’entreprise proposé ce matin par la direction de la SCNF au termes des négociations ?

Même si cet accord est amélioré par rapport à la première proposition, il reste largement moins protecteur que le texte du RH077. Le problème fondamental de l’accord, c’est celui de la double précarité : précarité dans le temps puisqu’il a une durée maximum de 5 ans et que Guillaume Pépy a d’ores et déjà annoncé qu’il ne durerait pas plus de trois ans.

S’y ajoute la précarité de l’article 49 qui prévoit la possibilité de dérogations en fonction d’un ensemble de coordonnées locales (politiques de la direction, particularités économiques, etc). La définition des situations justifiant une dérogation au texte est si floue qu’elle permettra en réalité à la direction de faire comme bon lui semble, d’autant que la dérogation ne se décidera qu’avec les signataires de l’accord. Par exemple, si SUD ne signe pas l’accord, il sera de fait exclu des discussions autour d’une potentielle dérogation.

Ce texte est insensé : on lutte contre la précarité toute l’année, on ne signera pas un accord pour la précarité !

RP : Quelle sont les positions des différentes organisations syndicales vis-à-vis de ce nouvel accord d’entreprise ?

En réalité, l’UNSA et la CFDT, les « fébriles du stylo », n’attendaient que de signer l’accord. Cette trahison a le mérite de clarifier la situation pour de bon mais quoi qu’il en soit, on ne pouvait pas s’attendre à autre chose car ces deux organisations n’ont jamais eu les mêmes revendications de base.


En revanche, maintenant qu’elles sont sorties du bois, c’est aux organisations syndicales dites de lutte, FO, SUD, la CGT, de réaffirmer qu’elles exigent une convention collective et un décret socle à la hauteur du RH077 et le retrait de la loi travail. Les négociations d’hier n’ont porté que sur l’accord d’entreprise (qui reste largement insuffisant) et nos revendications n’ont absolument pas été abordées : il n’y a donc aucune avancée sur ce terrain.

Le mécanisme des négociations est un peu complexe : si 30% de la représentation syndicale à la SNCF signe l’accord il est réputé valable. Or l’UNSA et la CFDT représentent 40%. Lorsqu’ils l’auront signé, il sera donc adopté. Pour empêcher qu’il s’applique, il y a un délai de 15 jours pour le dénoncer. Et il faut que 50% de la représentation syndicale s’y oppose pour que l’accord d’entreprise soit refusé et considéré caduque : SUD et la CGT représentent 51% des organisations syndicales et ont donc le pouvoir de le bloquer.

Pourtant, la CGT ne s’est pas encore prononcée dans le sens de dénoncer cet accord. Une des explications vient du fait que la direction s’appuie sur une stratégie de peur et de chantage en menaçant qu’il n’y ait pas d’accord du tout. La CFDT et l’UNSA s’appuieront alors sur cette manœuvre pour avancer le fait que s’il n’y a pas d’accord, c’est à cause de ceux qui l’ont dénoncé. Le risque à l’heure actuelle est que la CGT marche dans cette combine et ne dénonce pas l’accord. SUD le fera sûrement mais ne représente qu’un peu moins de 20% ce qui ne suffit pas pour le bloquer.


Au contraire, il faut battre le fer tant qu’il est chaud et à l’heure où le rapport de force est en notre faveur, c’est le moment de parier sur un recul complet de la direction pour faire avancer nos propres revendications.

RP : Et qu’en est-il des grévistes d’Austerlitz ?

Dans notre AG, nous avons soumis au vote un appel interpellant les organisations syndicales, et en particulier SUD-Rail et la CGT, pour qu’elles ne signent pas le texte et dénoncent l’accord si les autres le signaient.

Il y a un vrai enjeu démocratique à faire porter une telle motion : les décisions doivent rester sous contrôle des grévistes qui doivent pouvoir choisir par eux-mêmes des suites qu’ils veulent donner au mouvement. Or, cet accord ne correspond en rien aux mandats de l’AG d’Austerlitz qui maintient fermement l’exigence d’un décret-socle au niveau du RH077. Il en est d’ailleurs de même pour de très nombreuses autres AG en France !

A l’inverse, les interventions de certains syndiqués cégétistes dans l’AG de ce matin étaient beaucoup plus timides et montrent que la pression augmente : ils semblent hésiter à accepter un accord moins mauvais celui d’avant alors que ce ne sont pas nos revendications de départ. Mais en définitive, le vote de l’assemblée générale a été extrêmement clair : la motion qui appelle les organisations syndicales, non seulement à ne pas signer l’accord mais à le dénoncer a été largement adoptée. On va par ailleurs proposer cette politique partout où elle peut être menée parce qu’effectivement, elle impose à la CGT de réfléchir sur son positionnement et c’est un des leviers pour rester unis et gagner sur nos revendications.

RP : Justement, comment vois tu la suite de la mobilisation et quelle politique pour gagner ?

Effectivement, il n’y a pas que ce biais, on milite aussi pour le retrait de la loi travail et de ce point de vue, développer les cadres de lutte interprofessionnels est très important. L’expérience de ce matin allait dans le bon sens : les cheminots d’Austerlitz, ainsi que des travailleurs du commerce et des étudiants sont allés à la déchetterie d’Ivry afin de soutenir les travailleurs en grève depuis lundi. On sait qu’on ne gagnera pas seuls et il y a plusieurs étapes dans la période qui s’ouvre.

La première est celle du 9 juin avec une manifestation à l’initiative des retraités à laquelle s’est joint un cortège interpro. Et surtout, il y a la date du 14 juin, qui malheureusement arrive un peu tard car c’est la seule journée de mobilisation proposée depuis le 26 mai !

Notre but est très clair : en faire une étape décisive du rapport de force. Pour cela, il faut faire monter tout le monde à la capitale et en faire un point de convergence pour les cheminots de tout le pays. On doit tenir la grève et maintenir les chiffres de grévistes jusqu’à cette date pour frapper fort et percuter le gouvernement.


En revanche, je pense qu’on peut se préparer à plusieurs ripostes de la part de nos dirigeants et notamment qu’ils fassent le pari de la division : reculer sur les cheminots pour ne pas reculer sur la loi travail. Mais même dans ce cas, on ne devra pas s’arrêter, au contraire : si on gagnait à la SNCF, c’est l’occasion d’enfoncer le clou pour l’emporter contre la loi travail aussi !

Aujourd’hui, on sait à quoi s’en tenir : la direction reste ferme sur ses positions. L’accord proposé vise simplement à permettre du dumping social. Dans la continuité de la réforme de 2014, il est fait pour imposer une baisse des conditions de travail à 95% des salariés de la branche, c’est à dire aux cheminots de la SNCF, pour permettre aux entreprises qui ont les 5% restant de la branche ferroviaire de faire de la concurrence et de rentrer sur le marché. Mais nous sommes plus que jamais déterminés à lutter contre ces attaques dirigées vers tous les travailleurs du rail : ceux de la SNCF et les autres !


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