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CatalanGate

Avec Pegasus, l’État espagnol espionne massivement les indépendantistes catalans

Ce 18 avril, The New Yorker révèle l’espionnage de 65 personnes ayant participé au mouvement indépendantiste catalan de 2017 à travers le logiciel Pegasus du groupe israélien NSO. Une des plus grandes opérations d’espionnage politique, révélée du moins, de l’État espagnol de ces 20 dernières années.

Léo Stella

20 avril 2022

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AFP/ Pierre-Phillipe Marcou

L’« automne catalan », débuté en septembre 2017, avait secoué de manière profonde l’Espagne ainsi que le gouvernement conservateur et réactionnaire de Mariano Rajoy. Un mouvement qui revendiquait le droit à l’auto-détermination du peuple catalan, et la mise en place d’une République indépendante. Le gouvernement Rajoy avait fait usage d’une importante répression en envoyant la guardia civil détruire les urnes dans les bureaux de vote pour empêcher la tenue du référendum, tabassant les manifestants venus protéger les bureaux de vote. A la répression avait répondu une grève générale en Catalogne. Mais la répression policière, l’arrestation de prisonniers politiques et surtout la politique parlementaire et institutionnelle des directions des partis indépendantistes avait mis fin au mouvement. Mais la vive polarisation qui avait secoué le pays n’est pas retombé, l’extrême droite espagnoliste et la gauche indépendantiste s’étant depuis lors renforcé, tandis qu’un parti comme Podemos en se rangeant derrière le régime monarchique de 1978, hérité du franquisme, signait les premiers actes de sa déliquescence. Les manifestations de la jeunesse catalane en 2019, la colère après l’arrestation de Pablo Hasel, pour crime de lèse-majesté ont montré que les braises étaient encore là.

L’affaire du Catalan Gate s’inscrit dans la surveillance de la part de l’État Espagnol de ces mobilisations et de leurs « leaders ». Comme le rappelle l’article de la revue The New Yorker, la découverte de ce réseau d’espionnage a commencé lorsque Jordi Solé (ERC – Gauche Républicaine Catalane, social-démocrate), député indépendantiste catalan au Parlement européen, a demandé une expertise en sécurité numérique à un chercheur de Ctitizen Lab (centre de recherche affilié à l’université de Toronto). Celle-ci a révélé que deux infections ont effectivement eu lieu en juin 2020 permettant ainsi d’avoir accès à tous ses documents, messages et enregistrements. De fil en aiguille, ce sont pas moins de 65 personnalités du mouvement indépendantistes (activistes, politiques et avocats) ou membres de leurs familles qui ont été touchés. On peut citer parmi ceux-ci les quatre derniers présidents de la Generalitat : Pere Aragonès, Quim Torra, Carles Puigdemont et Arthur Mas ainsi que la plupart des dirigeants des partis indépendantistes comme Esquerra Republicana per Catalunya (ERC) ou encore Junts per Catalunya (JxCat – indépendantisme libéral de centre-droit). Citizens Lab ainsi que l’article du The New Yorker affirme que c’est par le logiciel Pegasus que les « infections » ont été réalisées.

Ce logiciel de surveillance israélien dont le scandale, quant à l’ampleur de l’espionnage étatique, a éclaté en juillet 2021 est devenu une véritable arme politique envers l’opposition, mais aussi au niveau géopolitique entre les Etats. Le logiciel Pegasus est par exemple impliqué dans la mort d’opposant au régime au Rwanda ou encore dans la mort de journalistes d’opposition en Inde ; le gouvernement Modi en Inde s’est servi du logiciel de surveillance pour persécuter des journalistes. Un marché des logiciels espions en expansion, qui représente aujourd’hui près de 12 milliards d’euros selon The New-Yorker.

Citizens Labs accuse le gouvernement espagnol d’avoir infecté, en 2020, les téléphones et appareils électroniques des opposants indépendantistes, une accusation qui touche le gouvernement « progressiste » PSOE et Unidas-Podemos de Pedro Sanchez.

L’implication du gouvernement du PSOE et de Podemos révèle une fois de plus l’attitude du gouvernement envers les indépendantistes catalans. Le gouvernement Sanchez n’a par exemple pas une seule fois hésité a envoyé la police réprimer les manifestants catalans qui sortent dans la rue en commémoration des journées d’octobre 2017. Si Podemos souhaite faire bonne impression et discute des possibilités de grâce pour les prisonniers politiques avec Pedro Sanchez, ils ne font pas plus que discuter, et acceptent en dernier lieu la décision du régime, par discipline gouvernementale.

Lors de la clôture du procès des indépendantistes, en octobre 2019, Pablo Iglesias, dirigeant de Podemos, avait déclaré : « « Tous devront respecter la loi et assumer leurs peines ». L’autre figure du mouvement Íñigo Errejón affirmait pour sa part : « Les juges ont fait leur travail et la police a fait de même ».On voit aujourd’hui que la police et l’État espagnol ont encore bien fait leur travail. Avec ces déclarations, Podemos se range clairement du côté de l’État et des répressions dont elle est commanditaire aux détriments des opposants au régime monarchique espagnol.

Il en va de même avec le Catalan gate, le gouvernement PSOE-Podemos botte en touche. Il s’en remet derrière l’enquête de la Commission européenne et celle du Parlement espangol qui vont enquêter sur l’affaire Pegasus, sur les liens de NSO avec les pays membres et… éteindre l’incendie.

Ce scandale n’en n’est qu’à ses balbutiements, et il ne s’agit bien entendu que de la pointe émergée de l’iceberg d’une surveillance de masse des services de renseignement des Etats capitalistes. Comme le rapelle les militants espagnols du Courant des Travailleurs et des Travailleuses (CRT), dans la Izquierda Diario :

« Ce qui est clair comme de l’eau de roche, c’est que l’État n’enquêtera sur rien du tout. Le fait de garder les tuyaux bouchés et en bon état permet à la corruption et aux arrangements entre le gouvernement, les forces de sécurité, le système judiciaire et la monarchie de continuer à circuler efficacement. Des mécanismes qui, en revanche, sont utilisés par tous les agents du régime pour leur propre bénéfice et qui, comme l’a montré cette affaire d’espionnage, sont les derniers intéressés à les démanteler. »


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