×

Quatre salarié-e-s membres du Collectif Maintenant Arcadi s'expriment

Interview. Baisse des dotations d’Arcadi, la culture à l’épreuve de la politique austéritaire

Nous avons rencontré, pour révolution permanente, quatre salarié-e-s membres du Collectif Maintenant Arcadi, créé en 2016, en vue de la défense et de la sauvegarde de l’établissement. Arcadi est un EPCC (établissement public de coopération culturelle) co-financé par la Région et la Drac Île-de-France. Il œuvre sur le territoire, au soutien des porteurs de projets culturels et artistiques dans les domaines du spectacle vivant (danse, chanson, opéra et théâtre), de l’éducation à l’image (Passeurs d’images), des arts numériques (Biennale Némo), de la médiation culturelle (médiateurs culturels dans les lycées et universités), de l’observation culturelle et des rencontres professionnelles. L’organisme s’est vu successivement retirer par l’exécutif du conseil régional, en 2016 et en 2017, 800 000 et 200 000 euros de subvention sur un budget (2015) de 6 644 648 euros que la région assurait à plus de 90 %. De plus, aucune procédure de recrutement n’est enclenchée pour remplacer le directeur actuel dont le mandat arrive à terme fin mai 2017. Dans ce contexte de baisse brutale des subventions et d’absence de perspectives claires pour les saisons à venir, les salariés expriment leur inquiétude à propos de la pérennité des nombreuses missions réalisées sur le terrain et quant à l’avenir de l’organisme lui-même. Otxoa B.

Facebook Twitter

Réorganisations et incertitudes sur l’emploi

Arcadi emploie actuellement 43 salarié-e-s. Les baisses de subventions sont, à ce stade (moins 1 000 000 d’euros sur 2 ans), devenues impossibles à absorber pour la structure. La tenue du conseil d’administration, seul habilité à voter le budget de l’établissement, initialement prévue en février a été reportée à début mars par les administrateurs.

Dans ce contexte, à l’incertitude qui pèse sur les artistes, qui ne peuvent obtenir de réponses définitives sur les montants des aides qui sont allouées aux projets soutenus, s’ajoute une autre concernant les emplois. Deux postes ont été gelés et deux autres précarisés. L’un d’entre eux concerne l’Université Paris 10 Nanterre qui a adressé, à ce propos, un courrier à la région, qui a juste renvoyé l’Université vers Arcadi pourtant privé d’informations concernant le devenir prochain de ses activités.


Austérité et confusion, une politique du pourrissement

Cette politique austéritaire et cette gestion incompréhensible menées par la majorité politique de Valérie Pécresse (LR) et orchestrées par la vice-présidente chargée de l’éducation et de la culture, Agnès Evren, ne touche pas Arcadi de manière isolée. Cette baisse du budget global de la structure intervient dans un contexte de disparition des organismes associés de la région, notamment de l’ARIAM et du Festival d’Ile-de-France. Bien que le statut d’EPCC confère à Arcadi plus de stabilité juridique en comparaison des organismes associés comme l’ARIAM (association), l’absence de perspectives et l’opacité des décisions politiques prises par le conseil régional mettent grandement à mal le dynamisme des activités sur le terrain.

Les salarié-e-s s’interrogent sur l’éventualité « d’une stratégie de pourrissement » visant à faire dysfonctionner une structure dont l’efficacité est ouvertement reconnue par les différents bénéficiaires des missions de service public mises en place. Les tutelles qui tiennent les rênes de l’avenir d’Arcadi entretiennent le flou quant à celui-ci. Il y a fort à parier que la politique menée actuellement par la région vis-à-vis d’Arcadi s’inscrive plus largement dans une campagne de stigmatisation ouverte des structures et des organismes associés, jugés trop coûteux par la présidente LR, en charge de promouvoir et de former les jeunes et les artistes de manière équilibrée sur le territoire régional. Cette opacité politique, inadmissible au regard du fonctionnement démocratique le plus élémentaire, et incompréhensible du point de vue professionnel, touche tout particulièrement Arcadi dont l’activité ne se réduit pas à « faire office de guichet », à redistribuer de l’argent rappelle un salarié membre du collectif. « La singularité de notre activité, a-t-il poursuivi, c’est qu’à côté de l’apport d’argent, on apporte aussi toute l’expertise nécessaire à son emploi le plus efficace ». Or comment réaliser et mener à bien cette mission essentielle quand on ne connaît même pas le montant définitif du budget ni toutes les conséquences structurelles qu’une baisse peut entraîner (sur l’emploi, la diversité des missions, leur durée etc.) ? Arcadi, qui articule de nombreuses missions, devient ainsi le vecteur d’une incertitude et d’une précarité qui affectent déjà largement le secteur. Les salarié-e-s dénoncent cette situation dans laquelle ils ne peuvent pas organiser correctement leurs activités sur la seule année 2017 alors même que les projets échafaudés s’étendent jusqu’à l’horizon 2018 et même au-delà.

« Tactique silencieuse » de la droite dans le contexte électoral et dans la perspective de l’alternance ?

La dissolution d’Arcadi n’est pas possible sans une discussion concertée entre les co-financeurs, c’est-à-dire entre la région et l’Etat (la DRAC). Ceci explique peut-être qu’Arcadi ne soit pas la cible dans l’immédiat d’une liquidation complète et soudaine comme l’ont été l’ARIAM et le Festival. Cependant, les discussions internes au conseil régional laissent craindre en effet une « tactique silencieuse » comme l’observe une salariée. La région semble en effet mettre en place un contexte laissant craindre une franche réorganisation de la structure, au détriment de la qualité des services et de l’emploi.
Dans ce contexte trouble pour la culture et les organismes culturels régionaux, révolution permanente affirme sa solidarité avec les salarié-e-s du Collectif Maintenant Arcadi et leur volonté de « mettre le pied dans la porte » du conseil régional, afin de revendiquer leur désir de réflexion partagée et de mise à disposition de leur expertise.

Nous nous associons à cette revendication contre les politiques austéritaires qui minent les budgets de la culture, contre les décisions politiques qui viennent d’en haut en dépit de tout bon sens et pour obtenir toute la clarté nécessaire à l’exercice de ces missions. La mobilisation du collectif peut fédérer autour de lui les volontés de résister face aux décisions concernant ces organismes qui appartiennent avant tout à ceux qui en bénéficient et dont le collectif souhaite défendre les intérêts.


Facebook Twitter
Graff et Gilets Jaunes. L'art s'affiche

Graff et Gilets Jaunes. L’art s’affiche

Don't worry darling : oppression patriarcale et « male tears » contemporaines

Don’t worry darling : oppression patriarcale et « male tears » contemporaines

Flic, schmitt ou condé ? Ne pas se tromper

Flic, schmitt ou condé ? Ne pas se tromper

Chasse aux sorcières : Fayard retire des ventes « Le nettoyage ethnique de la Palestine » d'Ilan Pappé

Chasse aux sorcières : Fayard retire des ventes « Le nettoyage ethnique de la Palestine » d’Ilan Pappé

A la Berlinale, le soutien de cinéastes à la Palestine s'exprime malgré la répression d'État

A la Berlinale, le soutien de cinéastes à la Palestine s’exprime malgré la répression d’État

Cinéma. C'est l'Opération Condor qui a tué le pianiste

Cinéma. C’est l’Opération Condor qui a tué le pianiste

Printemps des poètes : le gouvernement soutient la nomination de Sylvain Tesson, écrivain d'extrême-droite

Printemps des poètes : le gouvernement soutient la nomination de Sylvain Tesson, écrivain d’extrême-droite

« État des Gueux » : un one-man show qui se demande comment faire la révolution

« État des Gueux » : un one-man show qui se demande comment faire la révolution