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Etats-Unis

Bernie Sanders et Spike Lee, côte à côte, à New York à la veille de la primaire

Plus de 20.000 personnes se sont déplacées pour écouter le discours de Bernie Sanders à New York jeudi soir en soutien aux grévistes de Verizon. Il ne s’est pas privé, non plus, de critiquer sa concurrente dans le camp démocrate, Hillary Clinton, ainsi que ses liens avec Wall Street et l'establishment. Celeste Murillo

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La soirée de mercredi a réuni plus de 20.000 personnes venues écouter celui qui défie la candidature « naturelle » d’Hillary Clinton. Ce même jour, Bernie Sanders a également rendu visite à un piquet de grévistes de la multinationale de télécoms Verizon. Lors du meeting, Sanders a formulé de dures critiques contre Clinton, notamment sur le financement de sa campagne par l’argent de Wall Street. Le public, très jeune, scandait des slogans en faveur de la « révolution politique ».

Ce discours marque-t-il un tournant à gauche dans la campagne de Bernie Sanders ? En réalité, ces dernières semaines, marquées par la victoire de Sanders dans sept des huit dernières élections primaires confirment qu’il est bien un candidat viable que sa base reconnaît comme un canal d’expression de la colère d’en bas contre l’élite politique et financière américaine.

Le choix du Parc de Washington Square, à deux pas de l’Université de New York, n’était pas anodin. La majeure partie du public ne dépassait pas les 30 ans. Des milliers de jeunes étudiants et lycéens se sont regroupés pour écouter, pour certains accompagnés de leurs parents, le candidat qu’ils ont choisi. Parmi les organisateurs du meeting, se trouvaient le réalisateur afro-américain Spike Lee (qui a dirigé le dernier spot de campagne de Bernie Sanders) et l’actrice latina Rosario Dawson.

« Nous ne représentons pas les milliardaires, ni les Etats-Unis de multinationales, ni Wall Street ». C’est le passage du discours de Sanders qui a été le plus applaudi mercredi dernier. Une fois de plus, Sanders a rappelé que sa campagne est financée par des dons ne dépassant pas les 30 dollars. En opposition, il a fortement critiqué Clinton pour ses liens avec Wall Street qui finance sa campagne à hauteur de 225 000 dollars, qu’elle a obtenus par des discours en faveur des banquiers et patrons.

Sanders a également salué la lutte des grévistes de Verizon. « Aujourd’hui, je tire mon chapeau devant le syndicat CWA (…). Il s’affronte à une entreprise avide qui veut diminuer la mutuelle santé et fermer des postes de travail bien rémunérés aux États-Unis et après verser des milliards à ses actionnaires ». Le syndicat des télécoms CWA, tout comme celui des infirmières de New York et des dockers appuient la candidature de Sanders.

Les inégalités est l’un des thèmes qui touche le plus la base électorale de Sanders : « un grand pays, a-t-il souligné, n’est pas contrôlé par les comptes des millionnaires et multimillionnaires (…) mais il s’occupe des plus faibles et pauvres d’entre nous ». Ce n’est pas un hasard si une partie importante des électeurs de Sanders sont des précaires. A New York, beaucoup d’entre eux se sont mobilisés autour de la campagne pour le salaire minimum de 15 dollars de l’heure. C’est pourquoi, l’un des points culminants du discours portait sur les États où le mouvement pour l’augmentation des salaires (partiel ou total) a été obtenu.

L’enthousiasme explosait lors de chaque mention de luttes et de mouvements que la base de Sanders sentait siennes. Son statut d’outsider lui a permis de défier Clinton, favorite. « Les femmes ne vont pas travailler pour 79 centimes alors qu’un homme en touche un. Les femmes américaines veulent un dollar entier et elles ont raison ». Là encore, Sanders renforce son poids auprès de l’électorat féminin au détriment de Clinton.

Sanders s’est attaqué à Wall-Mart, icône multinationale, détestée par ses employés pour ses salaires de misère et ses pratiques anti-syndicales. Il s’est donc référé à la famille Walton, propriétaire de Wal-Mart : « Quel type d’économie est-ce lorsque les familles des travailleurs payent plus d’impôts pour subventionner la famille la plus riche du pays ! ». « Qu’ils payent un salaire digne aux salariés, a-t-il ajouté ».

Sanders a profité du meeting à New York pour s’adresser à la communauté afro-américaine, un secteur qui appuie en grande partie Hillary Clinton. Il a évoqué les inégalités dont souffrent particulièrement les familles noires, victimes des violences policières racistes, population dont les indices de pauvreté sont les plus forts et qui souffre du plus fort taux de chômage. Une inégalité à New York visible par la ségrégation par quartiers, et les infrastructures dans les quartiers pauvres sont un marqueur quotidien de la discrimination.

« Écoutons nos frères et sœurs de la communauté afro-américaine (…). Ils demandent : ‘comment cela se fait-il que des centaines de millions de dollars sont dépensés dans la guerre en Irak, une guerre à laquelle nous n’aurions jamais dû participer, mais pas pour les quartiers pauvres ?’ »

Le discours de Sanders à Washington Square en dit davantage sur ses partisans que sur lui-même, en tant que candidat. S’attaquer à la question de la dette étudiante qui touche des centaines de milliers de jeunes (censés payer les dettes des études durant leur vie d’adulte) quasiment aux portes de l’Université de New York ne laisse aucun doute.

Bernie Sanders a toujours voté avec les Démocrates, que ce soit au Congrès ou au Sénat, même s’il était catalogué parmi les « indépendants ». Cependant, la dynamique même de la campagne et les conséquences de la crise font d’outsiders comme Donald Trump ou Sanders le principal canal d’expression, à droite et à gauche, du mécontentement qui gronde.

Comme lors de son discours après sa victoire dans le Wisconsin, il a parlé de sa campagne et de la possibilité d’opérer des changements. « Ce qui est important de comprendre dans cette campagne, c’est que le véritable changement n’arrive jamais du haut vers le bas mais du bas vers le haut ».

Il est impossible de ne pas être d’accord avec la seconde partie de cette affirmation : les vrais changements arrivent du bas vers le haut. Mais les grandes limites de sa campagne, c’est qu’elle est impulsée au sein du Parti Démocrate, parti du système s’il en est. Et les critiques de Sanders vis-à-vis de ce qui est, aujourd’hui, son propre parti,et son système anti-démocratique pour choisir le candidat, sont très parcellaires.

Les enquêtes d’opinion donnent 55% pour Clinton et 41% pour Sanders lors de la primaire du 19 avril. Clinton sait que le combat sera pour elle décisif, après sept échecs encaissés dernièrement ? Pour le sénateur du Vermont, une victoire à New York serait d’une importance centrale pour se maintenir dans la course et obtenir l’appui de davantage de super-délégués.

Mais, encore une fois, la rhétorique radicale de Sanders, ses critiques contre la finance et les inégalités en disent davantage quant aux revendications défendues par sa base que de son programme qui reste bien loin de la « révolution politique » réclamée à cor et à cris par ses supporters new-yorkais mercredi soir. C’est en ce sens, également, que l’autre grande question concerne ce qu’il en sera de cet état d’esprit si les promesses de campagne sont trahies ou si leur candidat n’est pas choisi pour représenter les couleurs du Parti démocrate lors des présidentielles de l’automne prochain.


Trad. ED et CT


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