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Tribune libre

Blanquer et ses gadgets (suite et pas fin) : opération « devoirs faits » en collège

Avec le dispositif "devoirs faits", J.-M. Blanquer confirme qu'il est d'abord un grand communicant. Un gadget de plus à défaut d'une réflexion sur la pédagogie.

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On pouvait le croire souffrant, en réalité il était en vacances. Pensez donc : deux semaines sans la moindre annonce du ministre de l’Education nationale… Que ses partisans se rassurent : avec la reprise des cours, c’est également le service de communication qui retrouve son rythme de croisière. Au menu de la semaine : l’opération « devoirs faits », qui, si l’on en croit son initiateur, devrait apporter une solution définitive à l’échec scolaire. Pas moins.

Le but officiel de cette opération est de proposer « aux collégiens, dans leur établissement, un temps d’étude accompagnée pour réaliser leurs devoirs. Cette étude est gratuite. Chaque enfant [en réalité un collégien sur quatre] doit pouvoir travailler individuellement, au calme, pour faire des exercices, répéter ses leçons ou exercer sa mémoire et son sens de l’analyse, avec la possibilité d’être aidé quand il en a besoin. » Louable initiative, dira-t-on, mais qui n’a rien de révolutionnaire et sur les effets desquels on peut émettre des doutes. Sur les principes et les modalités également.

Car, outre le fait que, de tout temps, des dispositifs de soutien individualisé aient été, sous des dénominations diverses, proposés aux élèves en dehors des heures de cours, tous présentent un certain nombre de points communs, parmi lesquels l’absence finale d’évaluation. Une absence qui n’est pas le fait du hasard mais qui révèle plutôt l’hésitation de l’institution à reconnaître l’inefficacité de cette approche, dont le principe – et la faiblesse – consistent à externaliser les difficultés scolaires. Une longue journée de cours suivie par un long temps de travail personnel : mais dans ces conditions, quelle est donc l’utilité des cours ?

Selon les instructions officielles, ce temps de travail supplémentaire a pour but de « favoriser l’autonomie des élèves. » Dans cette optique, il faudra veiller à ce que « les objectifs d’apprentissage [soient] explicités (…) L’élève est aidé à formaliser les enjeux du travail à faire (…) Il prend conscience de la manière dont il travaille (…) La coopération est encouragée. » Fidèle à son habitude, Blanquer réinvente l’eau tiède, car ces objectifs à atteindre ne sont-ils pas, ne devraient-ils pas être ceux de l’ensemble de la journée de travail et de chaque heure de cours ? Et si autant d’élèves peinent à les maîtriser, n’est-il pas illusoire de penser que quatre heures hebdomadaires destinées à des élèves qui ne sont pas forcément les plus faibles (puisqu’il s’agit de volontaires), leur feront acquérir les compétences qu’ils n’auront pas précédemment acquises ?

Le risque d’échec de la démarche est d’autant plus prévisible que les intervenants retenus ne sont pas a priori les plus légitimes pour la mettre en œuvre : CPE, assistants d’éducation, associations agréées, volontaires du service civique – indépendamment de l’engagement individuel de chacun d’entre eux – n’ont pas à proprement parler pour fonction d’intervenir dans un domaine, d’une réelle complexité, celui de l’assimilation d’un cours, de la remédiation scolaire. Surtout si, comme c’est le cas le plus courant, le contact avec les enseignants reste superficiel. De leur côté, les enseignants pourront certes intervenir dans le système mais pas forcément dans leur discipline ni avec leurs élèves, et avec une rémunération en heures supplémentaires à la clé : on voit d’ici les dérives…

Au final, « devoirs faits » apparaît comme une rustine sur une chambre à air. La chambre à air étant ici l’heure de cours ou la journée du collégien ; un emploi du temps lourd et incohérent pour des résultats globalement médiocres et qui laisse trop d’élèves sur le bord de la route. Assimiler un cours est du ressort de la pédagogie et, en la matière, c’est bien l’heure de cours qu’il faut interroger plutôt que se fatiguer à promouvoir un nouveau gadget dont on connaît par avance le résultat. Mais lorsqu’un ministre, comme Blanquer, s’obstine à caricaturer la pédagogie en « pédagogisme », il ne reste plus effectivement que les gadgets.


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