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Face à la hausse des prix à la pompe

Carburants. Pour concilier pouvoir d’achat et écologie, s’attaquer aux intérêts capitalistes

La grogne monte contre le gouvernement sur la question du prix du pétrole. Sous le prétexte de l’écologie, celui-ci a décidé de remonter les taxes sur les carburants. Pourtant, derrière l’écran de fumée du pouvoir et des médias dominants, les deux sont loin d’être incompatibles.

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Depuis le début de l’année, les prix des carburants à la pompe explosent. En cause, la hausse du cours du baril mais aussi la hausse des taxes décidée par le gouvernement. Et cela va continuer : pour 2019, la ministre des Transports a annoncé une nouvelle augmentation de 7 centimes sur le diesel et de 4 centimes sur l’essence. Une hausse justifiée au nom de l’écologie, et au nom de laquelle elle est même soutenue par une partie de la « gauche ». Mais quand on passe au crible la situation, on se rend compte que les deux sont loin d’être inconciliables, si on prend la peine de s’attaquer aux intérêts capitalistes. Nous développons ci-dessous quelques axes qui permettraient de résoudre la situation.

Mettre fin aux taxes sur l’essence, s’attaquer aux grands groupes pétroliers

Les taxes sur les produits pétroliers (TICPE et TVA) rapportent chaque année environ 30 milliards à l’Etat. Sa suppression entrainerait une baisse mécanique pour les particuliers du diesel de 59%, une économie conséquente. Une mesure d’autant plus justifiée que cette forme d’impôt indirect est l’une des plus injustes qui soient puisque qu’elle n’est pas indexée sur les revenus et est donc est la même pour un chômeur et un milliardaire. De plus, contrairement à ce que prétend le gouvernement, elle ne sert que marginalement à développer la « transition écologique », qui est loin d’être une priorité pour le gouvernement. Elle sert surtout à renflouer les caisses de l’Etat, très dispendieux ces dernières années quand il s’agit de financer les grands groupes capitalistes. Le CICE, en guise d’exemple, a couté environ 20 milliards par an à l’Etat jusqu’à sa suppression, remplacé par un allégement de cotisations patronales sur les bas salaires.

Le manque à gagner pourrait être facilement compensé. D’une part, quand on pense aux bénéfices monstres qu’engendrent les grands groupes pétroliers depuis plusieurs décennies. En 2017, pour ne citer qu’eux, Total et Shell ont enregistré des bénéfices nets ajustés à un niveau record avec respectivement 10,6 et 13 milliards de dollars, le plus souvent avec des impositions nulles ou très faibles. Un montant qui reste bien au chaud des capitalistes pendant que la majorité de la population souffre de la hausse des coûts de l’essence. De manière générale, si la structure de l’imposition est progressive en France au fur et à mesure des revenus, cela n’est absolument pas vrai pour les très riches. En cette période de crise, ceux-ci accumulent des revenus indécents. Ainsi, les dix premières fortunes de France détiennent un capital cumulé de 241 milliards d’euros ! De quoi relativiser les recettes des taxes sur l’essence.

Pour réduire l’empreinte carbone, développer un service public de transport gratuit et de qualité

Baisser les prix du pétrole, l’idée pourrait paraître saugrenue en période de crise écologique. Mais en réalité, pas tant que ça. En effet, si les médias et la classe politique dominante se plaisent à décrire la majorité de la population comme des oisifs qui ne pensent qu’à utiliser la voiture, la réalité est bien différente. Aujourd’hui, la majorité des déplacements quotidiens sont liés au travail et sont donc obligatoires. Et pour une grande partie d’entre eux, le choix d’une alternative est soit inexistant, soit de très mauvaise qualité. Une situation dans laquelle les gouvernements successifs ont une responsabilité importante, eux qui n’ont cessé de mettre à mal les services publics de transport, en particulier au printemps dernier avec la réforme du ferroviaire. On voit mal, par exemple, comment l’usage de la voiture pourrait diminuer quand le gouvernement annonce la fermeture d’un nombre croissant de petites lignes de train. En région parisienne, les retards et les pannes de plus en plus fréquentes, sans compter la desserte très aléatoire géographiquement, conséquence directe de la baisse des moyens et de la casse des conditions de travail, dissuadent plus d’un travailleur d’utiliser le train plutôt que sa voiture. Des transports gratuits et de qualité, voici la seule alternative qui permettrait de faire baisser l’usage de la voiture, et de fluidifier les flux de voyageurs, aujourd’hui contrôlés sans cesse par d’innombrables machines et humains, qui coûtent en plus une fortune à l’usager.

Ce constat est d’autant plus vrai quand on prend en compte le fait qu’une bonne partie de l’utilisation des produits pétroliers est le fait aujourd’hui des transports de marchandise. Or, sur ce volet, la politique des gouvernements successifs a été on ne peut plus claire : casser de manière systématique le service du transport ferroviaire. De ce point de vue, les réformes de libéralisation et de casse du statut de travail ont anticipé celles qui ont lieu aujourd’hui dans la branche du transport de voyageurs. Entre 2008 et 2014, le transport par voie ferroviaire a baissé de 40%. Parfois, ce sont des filiales routières de la SNCF elle-même qui ont organisé la concurrence. Une aberration qui montre l’hypocrisie des dirigeants politiques actuels soi-disant soucieux de l’écologie… quand il s’agit de taxer les plus pauvres.

Pour une planification écologique sous contrôle des travailleurs et de la population

De nombreux autres dossiers pourraient apporter une réponse à une réduction de l’utilisation du pétrole qui paraît de plus en plus nécessaire. Par exemple sur le terrain de la recherche de technologies alternatives au pétrole, comme le développement de la voiture électrique. Mais bien souvent, les lobbys pétroliers cherchent à empêcher ces innovations et cela intéresse peu des grands groupes industriels qui détiennent une forme de monopole partagée avec quelques grands acteurs. On pourrait prendre également la question de la planification urbaine, dont la croissance désordonnée empêche de penser des plans de transports et de résidence plus adaptés, qui permettrait pourtant de réduire la distance domicile-travail et de développer des transports alternatifs cohérents avec les déplacements réels. Or, cela reste impossible tant que l’initiative de créations d’emplois et de logements restent à la décision de quelques entrepreneurs privés, bien peu soucieux de l’écologie et beaucoup plus des opportunités économiques.

Ces quelques éléments montrent que la transition vers un modèle plus écologique n’est pas du tout incompatible avec le fait de garantir un pouvoir d’achat permettant à chacun de satisfaire ses besoins. Elle suppose en revanche de rompre radicalement avec la marche actuelle des choses et que les travailleurs et leurs organisations reprennent les rênes de la production aux mains des capitalistes. Une perspective que ne permettra pas de construire la date du 17 novembre qui, si elle répond à une aspiration légitime, fait la part belle au grand patronat et à l’extrême-droite, dont le programme est en tout point opposé à une planification écologique qui s’impose de plus en plus comme une urgence.


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