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Un réveil international

Ce que le mouvement étudiant en Amérique latine peut nous apprendre

Plan Étudiants, loi ORE, Parcoursup… autant d’attaques contre la jeunesse que Manu a fait passer à coups de matraques avec l’envoi de CRS sur les facs l’année dernière. Loin d’être une exception française, les attaques néolibérales voulant fermer l’accès à l’enseignement supérieur aux classes populaires et faire payer la crise des capitalistes aux travailleurs et à la jeunesse pleuvent à l’international. Dans des pays subissant directement le joug de l’impérialisme, les étudiants et la jeunesse reprennent la rue pour défier cet ordre établi. Voici un état des lieux des luttes étudiantes en Amérique latine.

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Mexique : une expérience d’auto-organisation massive contre la répression d’État et de ses milices para-étatiques

Après un règne historique quasiment ininterrompu de près de 70 ans, le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI) a été battu aux dernières élections par le candidat de gauche Andres Manuel Lopez Obrador, dit AMLO, dans un contexte particulièrement sanglant, avec près d’une centaine de personnes assassinées au cours de la campagne. Si AMLO a remporté l’élection sur un programme soit-disant plus progressiste et social, il reste profondément lié au patronat.

Marquées par la corruption et la violence institutionnelle, les universités mexicaines connaissent un fonctionnement particulièrement autoritaire et anti-démocratique. Des groupes de choc, « les porros » ou « groupes porilles », à la solde des institutions universitaires et des partis bourgeois comme le PRI, extorquent et répriment les étudiants.

Fin juillet, l’administration du Collège de Sciences et Humanités (CCH) Azcapotzalco avait décidé d’effacer une peinture murale réalisée au fil des générations, rappelant des événements politiques et notamment l’épisode sordide de la disparition de 43 étudiants en 2014, lors de la répression d’une mobilisation par l’armée et autres milices para-étatiques. Ce geste, qui bafoue la mémoire du mouvement étudiant, a mis le feu aux poudres.

Avec de nouvelles attaques de groupes « porilles », d’autres centres de l’UNAM (Université Nationale Autonome du Mexique, regroupant plus de 300 000 étudiants, soit une des plus importantes universités du continent) se sont enflammés et se sont solidarisés de la lutte du CCH. La lutte contre la répression s’est transformée en lutte pour une université publique et gratuite, et ce alors que des représentants du patronat ont déclaré vouloir mettre en place des frais d’inscription. Cette mobilisation lutte également contre l’extrême précarité imposée aux étudiants.

Pour s’affronter aux milices et aux politiques étatiques austéritaires, les étudiants d’une quarantaine de centres universitaires se réunissent désormais en assemblée de coordination et occupent la rue par milliers. Cette assemblée inter-universitaire a notamment appelé à une journée de mobilisation massive le 13 septembre, avec 200.000 personnes qui ont ainsi pris les rues de Mexico. Une date forte et symbolique puisque cinquante ans auparavant le mouvement étudiant mexicain s’était déjà mis en branle contre la répression et l’autoritarisme du gouvernement de Gustavo Díaz Ordaz et du PRI. 250.000 personnes s’étaient ainsi rassemblées pour une Marche du Silence : « Le silence serait plus éloquent que les mots qui faisaient taire les baïonnettes : 1968. »

C’est justement en prenant appui sur l’expérience du Conseil National de Grève issu du processus pré-révolutionnaire de 1968 au Mexique que les étudiants, sur la base de mandatements, d’une ouverture et d’une transparence de toutes les assemblées et coordinations, en intégrant les étudiants, les professeurs et les travailleurs, tentent de s’organiser contre le pouvoir réactionnaire et autoritaire des institutions et la violence des milices para-étatiques.

Argentine : contre Macri à la solde du FMI : « La educacion no se viende, se defiende » !

Il y a quelques mois, des centaines de milliers de femmes et d’hommes déferlaient dans les rues de Buenos Aires pour le droit à l’avortement libre et gratuit. Si le Sénat a voté contre ce projet, c’est une campagne pour la séparation de l’Église et de l’État qui a alors été lancée contre la réaction qui sévit en Argentine.

Parallèlement à cette montée des luttes sociales, l’Argentine connaît une nouvelle crise économique, avec à sa tête Mauricio Macri, digne représentant des intérêts de la bourgeoisie. Dépréciation monétaire et inflation des prix à hauteur de 40%, recours au FMI… autant d’éléments qui rappellent les sombres heures de la crise de 2001. Avec néanmoins une différence majeure : les organisations révolutionnaires sont bien plus structurées aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 2001.

Pour tenter de faire face à cette crise économique, Macri a emprunté la somme record de 50 milliards (20 milliards de plus par exemple que le prêt de la Grèce en 2011) au FMI, en contrepartie de plans d’ajustement qui feront payer la crise aux travailleurs et à la jeunesse. En effet, la contrepartie de ce prêt, contracté avec la complicité active du gouvernement argentin, vient s’ajouter aux coupes budgétaires qui affectent déjà l’éducation et les universités, avec un blocage des salaires côté enseignants (10.000 enseignants ne sont plus payés) et un manque cruel de moyens.

Face à cette austérité intenable, une grève de plus d’un mois s’est déclenchée du côté des enseignants, de nombreuses universités ont été bloquées et de grandes avenues de Buenos Aires ont été occupées. Des assemblées générales massives d’étudiants se développent dans toutes les villes du pays et la révolte universitaire s’étend : Buenos Aires, Cordoba, Mendoza, Santa Fe, mais aussi dans les provinces plus reculées du pays.

Au-delà d’une lutte sectorielle sur les coupes salariales et budgétaires des universités, c’est un mouvement contre la politique austéritaire de Macri et contre les directives du FMI qui se lance aujourd’hui. Des manifestations brandissant le mot d’ordre de « défense de l’université gratuite, laïque et publique » ont ainsi rassemblé des milliers d’étudiants (plus de 15.000 à Mendoza fin août), quand la principale Université de Buenos Aires commence elle à être occupée.

Pour poser effectivement la question de la défense d’une université ouverte aux classes populaires, la jeunesse revendique également des bourses intégrales financées par des impôts progressifs sur les grandes fortunes, ou encore l’expropriation des habitations vides pour loger les étudiants précaires. Mais c’est aussi en alliance avec d’autres secteurs que la jeunesse argentine se bat aujourd’hui contre les plans du FMI. 800 étudiants de l’assemblée inter-universitaire de La Plata se sont en effet joints au combat emblématique des ouvriers du chantier naval de Rio Santiago qui occupaient leur usine contre sa privatisation – celle-ci représente la seule entreprise publique menacée par un processus de privatisation qui a su, du fait de la combativité ouvrière, y résister - faisant ainsi reculer le gouvernement. Une victoire qui remet en lumière la force de l’alliance étudiante-ouvrière pour défaire les plans d’austérité portés par la bourgeoisie nationale et internationale.

Nicaragua : la jeunesse à l’avant-garde d’une lutte féroce contre le gouvernement sandiniste. Quelle direction pour le mouvement ?

Depuis le mois d’avril, le Nicaragua est plongé dans une crise profonde, entraînant une violente répression de la part du gouvernement et de milices para-militaires faisant des centaines de morts et d’autres centaines de prisonniers politiques. Le président Ortega, du Front sandiniste de libération nationale multiplie depuis onze années ses attaques anti-sociales, celui-ci ayant bâti son pouvoir sur des alliances avec l’Église et le patronat.

Le 18 avril, lors d’une mobilisation contre la réforme des retraites, les étudiants avaient massivement rejoint les retraités. Des manifestants, et parmi eux un grand nombre d’étudiants, ont été abattus par la police, ce qui a mis le feu aux poudres. Même si Ortega a reculé sur sa réforme, c’est désormais la chute du régime basé sur la corruption et le népotisme, qui est visée.

Cette fronde contre Ortega est néanmoins composée de différentes forces sociales. D’un côté les classes populaires et la jeunesse descendent dans la rue contre les politiques austéritaires et l’autoritarisme du régime. Mais de l’autre, c’est toute une partie de la bourgeoisie et de l’Église catholique désormais détachée d’Ortega, qui prend part à l’opposition pour canaliser la colère populaire, en appuyant la proposition d’élections anticipées afin de mettre à la tête du pays un candidat en capacité d’appliquer les plans pro-impérialistes.

Pour l’instant, la principale force politique d’opposition au gouvernement sandiniste reste l’Alliance Civique pour la justice et la démocratie qui est justement dirigée par ces secteurs du patronat et de l’Église en incorporant aussi des représentants du secteur étudiant, paysan et de la « société civile ».

Si on a assisté à une participation et une auto-organisation importante des jeunes, des paysans et des femmes qui ont pris la tête des mobilisations, les limites d’une direction de fait entre les mains de l’Alliance Civique se sont rapidement faites sentir. Afin de canaliser la colère populaire et d’éviter tout débordement allant à l’encontre des intérêts de la bourgeoisie, ces derniers ont maintenu la volonté d’ouvrir un dialogue avec le gouvernement, et ce malgré la répression qui a fait des centaines de morts. Ils ont alors organisé un « dialogue national » ainsi que des « grèves nationales » contrôlées, ceci afin de calmer la combativité des secteurs mobilisés et de prévenir toute auto-organisation qui risquerait de dépasser cette direction.

Face à cette cooptation par la bourgeoisie nationale des colères populaires, l’enjeu est pour la classe ouvrière de s’allier avec les secteurs opprimés de la société, de la jeunesse, des femmes et des paysans, élargissant les mobilisations à travers l’ensemble du pays et affrontant le pouvoir répressif par une grève générale organisée et capable de paralyser le pays.

Que ce soit au niveau de ses méthodes démocratiques d’organisation, ou de son programme de rupture avec le capitalisme, le mouvement étudiant d’Amérique latine, qui joue un rôle central dans l’opposition frontale aux gouvernements réactionnaires et autoritaires, doit nous inspirer et nous servir d’exemple. Dans un moment où les attaques pleuvent mondialement sur la jeunesse et sur notre classe, et face aux idées nationalistes revenant sur le devant de la scène, nous devons réaffirmer que notre seul drapeau est celui de l’internationalisme !

Crédits : AFP - INTI OCON


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