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Crise politique

Cimetières ouverts au Brésil : des fosses communes creusées

Depuis le début de la pandémie, les déclarations négationnistes du président du Brésil, Jair Bolsonaro, font polémique face à la gravité de la crise Covid-19. Cependant, les conséquences de cette politique commencent à se voir avec les images qui circulent des cimetières ouverts partout au Brésil, avec une augmentation de 20 % des enterrements. La mortalité s'accélère exponentiellement et le Brésil pourrait être le deuxième pays le plus touché au monde, contrairement à ce que déclarent les chiffres officiels, ouvrant une crise politique sans précédent pour Bolsonaro.

Lucia Nedme

27 avril 2020

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Cimetières ouverts : reflet de l’impact réel du Covid-19 au Brésil

Depuis le début de la pandémie, le président du Brésil, Jair Bolsonaro montre un grand scepticisme sur les véritables effets de celle-ci. Ce face à quoi, le 5 avril, la Cour Suprême a dû se prononcer et annoncer que les décisions des maires et gouverneurs régionaux pouvaient prévaloir sur toute la directive du gouvernement fédéral. Beaucoup d’entre eux optant ainsi pour mettre en place le confinement, restant peu restrictif et entraînant un confinement pour seulement la moitié de la population. À ceci s’ajoute les réponses du président contre ces mesures, appelant à des manifestations contre le confinement au cours desquelles on l’a vu serrer les mains des gens après avoir fait un discours où on le voyait très clairement en train de s’essuyer le nez avec ses mains et tousser sur les gens. Il essaye à tout prix de décrédibiliser de cette manière toute mesure de confinement et de sous-estimer les effets néfastes de cette crise.

Cependant, la vérité ne peut lui échapper. Ce n’est pas une coïncidence que les services funéraires soient débordés, nous laissant imaginer que la crise sanitaire est beaucoup plus importante que ce que le « Trump du Brésil » affirme. En effet, dans la version officielle du gouvernement il y aurait eu 4 000 morts pendant le week-end et 50 000 personnes contaminées au total. Alors qu’en réalité partout au Brésil, on creuse des fosses par milliers pour pouvoir enterrer tous les corps avec une demande qui ne cesse d’augmenter. Les experts affirment que le nombre de personnes infectées serait de douze à quinze fois supérieur à celui communiqué par les autorités et, dans le pire des cas, avoir dépassé les 15 000 morts, plaçant le Brésil comme le deuxième pays le plus touché après les Etat-Unis. Ces chiffres erronés seraient liés à un manque de dépistage et au retard pris pour enregistrer les décès de coronavirus.

Contrairement aux illusions, le virus se propage à toute vitesse dans les zones chaudes et humides. Dans la plus grande cité d’Amazonie, des fosses communes ont été creusées, le nombre d’enterrements ayant triplé. Ainsi on retrouve dans les sous-sols des hôpitaux les cadavres des victimes alignés, sans savoir que faire d’eux. Et dans la ville de Sao Paulo, la plus grande et dense du Brésil, une ordonnance a été soumise pour le creusement de 13 000 nouvelles tombes et l’achat de 38 000 urnes funéraires.

Le Brésil se prépare à un massacre qui est déjà présent et ne cesse de s’accélérer : « Nous sommes à la limite de la barbarie », s’est effondré en larmes le maire de Manaus, Arthur Virgílio Neto, désespéré, lors d’une interview.

Des hôpitaux déjà saturés et c’est la population la plus pauvre qui en souffre

Les hôpitaux publics annoncent être en crise :« On est plein, 100 % des lits en soins intensifs sont occupés et tous les respirateurs sont maintenant utilisés. On avait pourtant consacré un étage entier et cinq unités de soins exclusivement pour le Covid-19. Mais même avec ça, l’autre jour, 48 personnes attendaient un lit ! A ce rythme on ne tiendra pas quinze jours », témoigne un chirurgien de l’hôpital général de Fortaleza. Les patients trop âgés sont quant à eux condamnés à mourir chez eux. Le pays dispose pourtant de dizaines de milliers de lits en soins intensifs mais « la moitié [des lits] sont dans le privé : inaccessibles pour l’écrasante majorité de la population », explique Ligia Bahia, experte du secteur de la santé à l’Université fédérale de Rio.

A Sao Paulo, « une bonne partie du personnel n’est pas équipée et a dû utiliser des capes de pluie et des sacs-poubelles, achetés au marché, pour se protéger ! », dénonce Sergio Antiqueira président du Syndicat des employés de la ville. Le Brésil est démuni face à cette crise liée à un manque d’investissement dans l’hôpital public, et ce sont les plus précaires qui le payent le plus cher.

La population pauvre, notamment dans les favelas, montre sa désapprobation par rapport au gouvernement et est nombreuse à déclarer qu’elle sait qu’elle est seule dans cette bataille contre la pandémie. « Le coronavirus montre l’échec de notre système démocratique. Depuis la fin de la dictature, en trente ans, on n’a jamais vraiment investi pour créer un système de santé public effectif, qui offre des soins aux plus pauvres, les Noirs, les plus exclus, qui vont être les premières victimes. [Il] fonctionne d’abord pour les riches. Et [notre] démocratie ne garantit pas les droits sociaux. » . Dans ce même raisonnement le professeur de médecine Alves affirme que cette épidémie a un taux de létalité plus fort chez les classes populaires.
Les prédictions de l’Imperial College de Londres pointent du doigt le fait que si le gouvernement n’agit pas, l’épidémie pourrait faire au total plus de 1 million de victimes au Brésil. Néanmoins, Bolsonaro, connu pour sa mégalomanie, ne montre aucun signal de recul et fait le pari de l’immunité collective. Une décision qui avait coûté cher au premier ministre du Royaume Uni il y a quelques temps et qui a finalement dû reculer.

Avec un gouvernement brésilien très divisé, qui a du mal à proposer une réponse collective et qui n’est pas en capacité de donner les vrais chiffres de cette crise en les sous-estimant, une crise politique est à attendre.

Dans un environnement de chaos et barbarie, le début d’une crise politique profonde : les jours de Bolsonaro sont-ils comptés ?

Le Brésil se retrouve totalement divisé, avec d’un côté des manifestations pour défendre Bolsonaro, et de l’autre, le son des casseroles de la population qui le désapprouve.

Le président d’extrême-droite a toujours été lié à des polémiques par ses grandes déclarations, mais cette fois-ci elles peuvent lui coûter son mandat. Il devient évident que le coronavirus n’est pas une simple « gripezinha » (petite grippe) comme il l’affirmait et les problèmes s’ajoutent en se creusant lui-même sa propre tombe.

En effet, cette crise a commencé à s’approfondir à grande vitesse quand il a limogé le ministre de la santé qui avait prôné la distanciation sociale et le confinement contredisant ce que défendait le président. Mais ce week-end, on est arrivé à un point de non-retour quand, Sergio Moro, ministre de la justice a présenté sa démission et accusé Bolsonaro de ne pas faire de la lutte contre la pandémie sa priorité. C’est un coup très dur, car le ministre, très apprécié par une partie de la population qui soutenait le gouvernement de Bolsonaro, se tourne contre ce dernier, multipliant les appels à sa destitution.

C’est un fait, le gouvernement de Bolsonaro qui s’est jadis montré comme un régime fort, se retrouve plus que jamais fragilisé et ne pourra peut être pas s’en remettre.

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