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Crise politique

Comment Macron cherche à imposer dans le Grand Débat son projet néolibéral

Le « grand débat national » n’en finit pas de ne pas nous surprendre ! Cinq jours après le lancement de cette vaste opération d’enfumage par le gouvernement, il apparaît de plus en plus clairement que les Français, invités à « parler, échanger, débattre », en plus d’être convoqués par les renseignements généraux s’ils sont un peu trop jaunes, devront en fait choisir entre se serrer la ceinture ou…se serrer la ceinture ! En ramenant sans cesse la question des dépenses publiques sur le devant de la scène, Macron cherche en effet à contrôler le débat en l’enfermant dans un cadre néo-libéral très stricte, dans lequel la réduction des dépenses sociales apparaît comme la seule solution. Mais qui est encore dupe ? Retour sur une opération classique d’enfumage.

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Lettre aux Français : d’une fiscalité plus juste à la réduction des dépenses publiques 

Dans sa « lettre aux Français », Macron « ouvre le débat » en présentant l’outil par lequel il entend résoudre la crise des Gilets Jaunes : un dispositif prétendument démocratique permettant par le biais des maires de faire remontrer les revendications des Gilets Jaunes via des cahiers de doléances. Jouant la carte d’une nation française devant rester unie à tout prix malgré les conflits qui la traversent, Macron se place en bon père de la nation, se montrant prêt à entendre les revendications du peuple tout en réaffirmant son autorité sur ce dernier. Ainsi, « il n’y a pas de questions interdites  » mais les thèmes qui devront être abordés lors de cette consultation sont soigneusement présélectionnés par le gouvernement. De quoi se questionner sur le caractère soit disant démocratique du « grand débat national, » qui sera donc limité aux thèmes suivants : la fiscalité et les dépenses publiques, l’organisation de l’État et des services publics, la transition écologique, la démocratie et la citoyenneté.

Dans ces quatre thèmes censés recouvrir l’ensemble des revendications des Gilets Jaunes, les dépenses publiques occupent une place bien particulière puisque c’est le premier sujet qui est abordé dans la lettre. Partant de la question de la fiscalité, effectivement soulevée par les Gilets Jaunes notamment autour de la question de la taxe carbone et du CICE ou encore du retrait de l’ISF favorisant l’enrichissement des plus riches au détriment des plus pauvres, Macron oriente le débat vers un une idée différente qui est celle de la réduction des dépenses publiques. C’est pourtant loin d’être une revendication des Gilets Jaunes qui s’opposent justement à la casse des services publics par Macron et son monde. 

Que cela soit une revendication des Gilets Jaunes ou non importe peu finalement : ce qui compte pour le gouvernement c’est d’imposer par l’outil que représente le « grand débat national » une certaine vision du monde selon laquelle il est nécessaire de faire des économies et que ces dernières doivent être faites en priorité sur les services publics. Si cet argumentaire apparaît comme une vérité inébranlable (« Nous ne pouvons, quoi qu’il en soit, poursuivre les baisses d’impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique.  »), il est pourtant loin d’être neutre et traduit au contraire la détermination du gouvernement à faire passer coûte que coûte ses mesures antisociales qui nous sont désormais familières : réformes des retraites, du chômage, des aides sociales et plus généralement des services publics avec réduction des effectifs et précarisation des conditions de travail. Ainsi, Macron cherche à faire passer dans les esprits rebelles le modèle de pensée néolibéral et ses dogmes (rembourser la dette = objectif n°1, coupes budgétaires = nécessaires, flexibilisation du travail = solution au chômage, etc…) en prétendant offrir des solutions à la hauteur des revendications des Gilets Jaunes. Une vaste insulte à ces derniers qui demandent en premier lieu plus de pouvoir d’achat, mais aussi une plus grande justice sociale et des transformations institutionnelles !

Le rapport de France Stratégie ou l’appui des experts en Macronie

Pour venir soutenir l’argumentaire avancé par Macron et persuader les Français de la prétendue nécessité de réduire les dépenses publiques, les « experts » de France Stratégie publiaient vendredi 18 janvier un rapport intitulé « Où réduire le poids de la dépense publique ? ». Sur la base de comparaisons des dépenses publiques de la France avec celles d’autres pays de l’Union européenne, le rapport montre que le niveau des dépenses publiques françaises est excessif et qu’il faut par conséquent remédier à cela en coupant quelque part. Si cela vous rappelle quelque chose, c’est bien parce qu’il s’agit de la même soupe néolibérale que celle qu’on nous sert quotidiennement depuis plus de quarante ans et qui est défendue par Macron dans sa lettre — et pour cause : France Stratégie n’est autre qu’une institution rattachée au premier ministre crée sur le conseil de Macron en 2013. La triste question, comme dans la lettre de Macron, est donc : où vaut-il mieux couper ? France Stratégie développe trois scénarios différents pour finalement et sans surprise conclure à la nécessité de « freiner la progression des dépenses sociales ». Autrement dit, quoiqu’il arrive, le train des réformes passera. Il s’agit en quelque sorte de nous faire choisir à quelle sauce nous « souhaitons » être mangés : vaut il mieux sacrifier nos vieux ou nos enfants ? La peste ou le choléra ?

Boycotter un « grand débat » qui n’en est pas un 

Rien de tout cela car nous ne sommes pas dupes ! Les Gilets Jaunes ne revendiquent pas une réduction des dépenses publiques et encore moins dans le domaine social mais défendent au contraire une véritable justice sociale, ce qui passe notamment par plus de moyens aux services publics ! Pour les Gilets Jaunes à ce jour, la seule réduction des dépenses publiques qui tient c’est celle sur les salaires de nos représentants. Mais leurs revendications vont plus loin. Il ne s’agit plus de réfléchir en termes de « poids des retraites » ou de « charges sociales » mais bien en termes de conquêtes sociales et de redéfinition des structures du pouvoir, avec des revendications démocratiques de plus en plus radicales telles que la création d’assemblées citoyennes, la réduction significative des salaires des membres du gouvernement ou encore l’abolition des privilèges de ces derniers. 

Le « grand débat » n’en est pas un et y participer serait légitimer un gouvernement imposant un modèle de pensée univoque au service des plus riches et au détriment des autres. Les revendications des Gilets Jaunes ne rentrent pas dans le cadre que tentent d’imposer Macron ou France Stratégie à travers l’instrument de pouvoir que constitue l’imposture du « grand débat national ». Et c’est bien pour cela que la mobilisation perdure et se renforce, avec l’approbation de la population à l’égard des Gilets Jaunes en hausse de 7 points soit 67% et 52% de la population qui ne compte pas participer au grand débat.


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