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Tribune

Conservatoire du Val-Maubuée. Des bruits de couloir à la suppression d’une formation théâtrale

Vendredi 23 juin, des élus de la communauté d’agglomération de Paris – Vallée de la Marne ont pris la décision de supprimer le cycle d'enseignement professionnel initial de théâtre (CEPIT) au conservatoire à rayonnement départemental (CRD) du Val-Maubuée.

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Nous, les élèves du conservatoire du Val-Maubuée, pour certain-e-s suivant le CEPIT, avons décidé de tout faire pour sauver notre formation et défendre l’enseignement artistique.


Le CEPIT est un cursus diplômant créé en 2003 : l’entrée se fait par audition de deux scènes des candidat-e-s et un entretien par les professeur-e-s et la directrice. En plus de l’accès aux cours d’interprétation théâtrale ouverts à tou-te-s, il permet l’accès à des cours de chant, de danse, à des stages gratuits avec des professionnel-le-s du théâtre. Au terme du cursus, un jury composé de professionnel-le-s (comédien-ne-s, metteur-e-s en scène, directeurs-trices de théâtre) et d’un délégué du ministère de la Culture assistent à une mise en scène de 30 minutes de chaque élève, et de deux scènes interprétées ; ils délivrent alors un diplôme d’études théâtrales (DET) habilité par le ministère de la Culture.

Il s’agit donc d’une formation complète : des cours de kendo, de masque, de clown, de méthode Feldenkrais, de trainings, font partie intégrante des cours de théâtre dispensés, ce qui n’est rendu possible que par trois postes de professeur-e-s à temps plein.

De plus notre cursus est en partenariat avec la Ferme du Buisson (scène nationale), et le Nouveau Théâtre de Montreuil (centre dramatique national) : certain-e-s artistes programmé-e-s ou associé-e-s travaillent avec les élèves dans le cadre de créations professionnelles. Au cours des deux dernières années, des stages ont été organisées avec John Arnold, Jean-Luc Vincent, Virginie Colemyn, Esther van den Driessche, Mathieu Bauer. Un travail avec Guillaume Barbot sur sa prochaine création, Amour, est en cours.
Les travaux du conservatoire lui-même, ainsi que les projets des élèves (de très nombreuses productions, donc : chaque élève présentant une mise en scène pour achever son cursus) sont présentés gratuitement sur les lieux de diffusion du territoire.


Un cours réservé aux adolescent-e-s est aussi dispensé, dont certain-e-s rejoignent par la suite le CEPIT.

De nombreux élèves sont devenu-e-s professionnel-le-s : en intégrant les grandes écoles ou en créant directement des compagnies, dont beaucoup travaillent sur le territoire ; leurs premiers travaux au conservatoire sont parfois repris dans des théâtres associés.
Le CEPIT est unique en Seine et Marne (douze sur l’ensemble de la France) : sa suppression revient purement et simplement à priver ce territoire de cette richesse culturelle.

A travers ces processus, c’est la ghettoïsation des banlieues qui s’effectue : un fossé culturel entre elles et Paris se creuse, alors que la gentrification de la métropole s’accomplit, la culture est alors réservée à celles et ceux qui ont de l’argent.

Le CEPIT est un service public qui ouvre ses auditions à tou-te-s, sans limite d’âge (fait rarissime dans les écoles de théâtre publiques, la plupart fermant leurs portes aux personnes de plus de 25 ans) : ce qui crée alors une mixité de parcours et de profils extrêmement riche. Par comparaison, les cours Florent facturent 500€ par mois pour 9h de cours par semaine, avec pour seul critère d’accès la promesse de payer : ce qui en résulte une uniformité des profils.


Depuis plusieurs mois, nous avons entendu par nos enseignant-e-s les rumeurs sur la suppression d’un poste de professeur du département théâtre au conservatoire. Mais toujours de façon vague, par des formules détournées, des on-dit sur les volontés d’élu-e-s de la communauté d’agglomération.

Début juin, la menace se précise : le 12 juin, les professeur-e-s écrivent une lettre aux élus de la communauté d’agglomération, des élèves et ancien-ne-s joignent leurs témoignages sur la nécessité d’un troisième poste pour le CEPIT. Le 14 juin, nous, les élèves du CEPIT décidons de rédiger également un courrier pour faire part de notre inquiétude quant à l’avenir de la formation.

La directrice du conservatoire, Véronique Audoli, intervient devant les élèves le 16 juin, entre les répétitions du spectacle, pour affirmer son soutien au CEPIT, qu’elle a contribué à créer, et sa volonté de défendre le troisième poste.


Jusqu’à présent, la seule inquiétude portait sur le poste de professeur, maintenu ou non, en aucun cas de la suppression de la formation. La disparition du poste menaçait les conditions de travail et d’enseignement dans le cursus, mais non le cursus lui-même.


Et c’est pourtant bien la disparition de ce cycle professionnalisant qui se profilait...


Au terme d’une épuisante semaine avec deux représentations de notre spectacle, la directrice envoie un mail extrêmement succinct annonçant la décision d’élus de supprimer le CEPIT.

Nous l’avons donc appris dans la nuit du vendredi 23 au samedi 24 juin.
Notre spectacle d’environ quatre heures, intitulé Lear Relear et Desleares, d’après Le Roi Lear de William Shakespeare, joué à l’auditorium Jean Cocteau à Noisiel les 22 et 23 juin, a représenté le travail de plus d’un an et l’investissement passionné de deux de nos trois professeur-e-s : Guy Segalen et Claire Delaporte (cette dernière étant officiellement remplaçante d’un poste vacant depuis 2013), avec la classe de percussions et de cuivres de Béatrice Repecaud, ainsi que l’aide de la professeure de danse Caroline Baudouin. Il réunissait les élèves du CEPIT ainsi que des adultes amateurs, dans une volonté de décloisonner les enseignements : notre cursus était pourtant au cœur de ce travail par l’investissement que nous avons fourni, qui est une partie importante de notre formation.
Aucun-e élu-e n’y a assisté.


La date de cette décision démontre la totale absence de dialogue des élu-e-s : fin juin, une semaine avant la fin des cours et la fermeture estivale, afin de nous mettre devant le fait accompli en septembre.

Pourtant, un projet d’établissement, signé en 2015 par la communauté d’agglomération et par le ministère de la Culture, engage pour au moins cinq ans les deux parties au maintien du CEPIT.

De plus, les auditions prévues le 27 juin pour recruter les élèves de la prochaine promotion n’ont pas été annulées : 16 candidat-e-s auprès de qui le conservatoire s’est engagé n’ont pas été prévenu-e-s.


Dès le samedi 24, une pétition en ligne a été lancée, un communiqué écrit, une banderole déployée sur le conservatoire.

Nous prévoyons des actions jusqu’au maintien de notre formation.


Au conservatoire, plusieurs postes de professeurs sont supprimés : les cours de basson dispensés par Jean-Louis Fiat disparaissent, également ceux de Jean-Walter Audoli en musique de chambre. Les cours de piano donnés par Roger Cohen sont partagés par plusieurs remplaçant-e-s (moins payé-e-s que les titulaires).

Ces suppressions sont faites sans la concertation des professeurs ni des élèves concerné-e-s, les laissant dans l’incertitude jusqu’à l’annonce officielle.

C’est une volonté politique depuis plusieurs années de ne pas remplacer les fonctionnaires partant à la retraite : dans la pratique, cela revient à supprimer des enseignements de qualité, à appauvrir la diversité artistique, et à laisser des élèves ne plus avoir de formation.

Signer la pétition ICI.

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