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Cours de morale et « contrôle de la radicalité ». Bienvenue au lycée post-charlie

En cette rentrée 2015-2016 s’appliquent les nouvelles mesures dictées par Mme Belkacem pour l’éducation nationale après les attentats de janvier dernier. Les cours d’Education Civique sont notamment remplacés par de l’Education Morale et Civique (EMC).

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Nathan Bollet, (lycéen, Paris)

Du CP à la terminale on nous donnera donc des cours de morale, ou encore de laïcité à la sauce des classes dominantes, qui nous vantent les « valeurs chrétiennes » après avoir transformé l’Europe en forteresse et le Moyen Orient en champ de ruines, et « l’âme française », comme Hollande dans son dernier discours. Toutes ces belles idées qui nous permettent de vivre dans la tolérance (de l’ordre existant) et le respect de la République (bourgeoise)... Retour sur une école qui n’avait vraiment pas besoin de ça.

L’école organisée par l’Etat des classes dominantes, donne certes accès au plus grand nombre à l’éducation. Mais elle a toujours contribué aussi à nous former dès le plus jeune âge à la discipline et au respect de l’ordre : apprendre à obéir aux consignes (mêmes les plus absurdes), mais aussi banaliser les inégalités et normaliser les injustices quotidiennes. Qui ne se souvient de cette phrase tant entendue dans son enfance : « Oui c’est injuste, mais c’est la vie » …

On y apprend ce que les programmes scolaires (et ceux qui les élaborent) veulent bien nous laisser savoir. Cette année dans le programme d’histoire au collège, on verra en deux cours ce qu’est la décolonisation, sans aborder ne serait-ce qu’une fois dans l’année le massacre de la colonisation. Logique ? Selon l’Etat, à laquelle notre culture et nos connaissances sont soumises à travers le choix du contenu du programme, apparemment oui...

De même au lycée, toutes les petites vexations et humiliations du quotidien. Le Ministère et l’administration de l’établissement poussent les profs et les personnels scolaires, mal payés et de moins en moins nombreux alors que les effectifs d’élèves augmentent, à devenir les relais de cet élevage de nos cerveaux. Et chaque jour : « enlève tes écouteurs, ta casquette, tais-toi sauf quand on t’autorise à parler ; reste debout quand le prof rentre en classe, et attends qu’il te l’ordonne pour t’asseoir. Une fois en cours, tais-toi encore et regarde une figure d’autorité t’offrir les soi-disant outils pour te débrouiller dans une société qui ne t’offre aucun avenir… ». Des salariés exploités, comme on le sera demain, servent ainsi à mimer auprès de nous ce qui se passera une fois qu’on sera dans le monde du travail. Un jour ce sera ton boss, ton patron qui devra exercer ce rapport d’autorité sur toi, autant que tu sois habitué dès ton plus jeune âge à baisser la tête et à opiner du chef !

Mais revenons à cette nouvelle matière qui fait donc sa rentrée en même temps que nous cette année. L’Education Morale et Civique n’est en fait pas si nouvelle que ça. Elle a existé pendant un certain moment avant d’être retirée du programme suite au mouvement « contre les lycées-caserne » en 1968. A l’époque, le mouvement lycéen s’était rebellé massivement contre l’école conçue comme la mise au pas des jeunes « citoyens », l’oppression patriarcale vécue au quotidien, et l’enfermement de notre avenir dans cette société étouffante. Il a gagné sur un certain nombre de revendications « scolaires » mais éminemment politiques, dont le fait de retirer cette drôle de matière du programme...

Mais aujourd’hui l’EMC revient à l’ordre du jour, une heure par semaine pour l’élémentaire et le collège et une heure toutes les 2 semaines au lycée, pour un total de 300 heures dans toute une scolarité ! On aura la chance d’y rencontrer aussi des intervenants extérieurs bénévoles, qui seront parfois même directement des flics (qui pourrait mieux nous éduquer que la police ? C’est du moins ce qu’on pense au gouvernement). Ils auront pour mission de nous faire la promo des « symboles et valeurs de la démocratie » (des riches).

Dans les nouveaux programmes, nous héritons en prime du « contrôle de la radicalisation des jeunes ». Si un élève se questionne sur ces valeurs qu’on veut lui faire gober, ou s’il a le malheur de faire le constat de l’hypocrisie de leur démocratie (une démocratie où la police harcèle et tue les jeunes des quartiers populaires, une démocratie où seuls les pauvres payent des impôts), il pourra être signalé au commissariat. La circulaire qui a mis en place ce dispositif mentionne ainsi qu’il faut signaler à la police les jeunes qui rejettent la société de consommation ! Sous couvert de fichage préventif contre le terrorisme, ce sont bien toutes celles et tous ceux qui remettent en question le gouvernement, ou ce système plus largement, qui seront fichés et surveillés... Merci Charlie !

Toutes ces mesures n’ont rien de radicalement nouveau, et les classes dominantes nous ont toujours pris pour du bétail. Mais ce qui est en train de se passer, c’est un serrage de vis. Et cela ne doit rien au hasard. Avec la crise, la minorité qui profite de cette société sait bien qu’elle a de moins en moins de miettes à nous offrir. Et ses partis politiques sont de plus en plus décrédibilisés. Il reste donc la méthode répressive. Pour notre part, nous refusons non seulement les cours de morale mais l’ensemble de l’idéologie véhiculée par l’Etat à travers les collèges et lycées actuels. Nous nous battons pour une autre école, véritablement ouverte à toutes et à tous, gratuite, sans compétition, sans humiliations, une école qui permette de comprendre le monde pour le transformer.


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