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Nos vies valent plus que leurs profits

Covid. Travailleurs des 1e et 2e lignes, organisons-nous contre la catastrophe !

Travailleurs des hôpitaux, du nettoyage, de la grande distribution, des transports : depuis un an, la première et la deuxième ligne sont toujours au front sans davantage de moyens, de rémunération ou même de considération. Ils ont la capacité de proposer une alternative à cette catastrophe programmée de l’exécutif et du patronat, par la mobilisation et l’auto-organisation.

Ariane Anemoyannis

1er avril 2021

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MARTIN BUREAU / AFP

Au lendemain de l’allocution de Macron, l’effet d’un flashback est palpable. D’une part puisque l’amateurisme du gouvernement en pleine 3e vague nous renvoie nécessairement à une situation sanitaire extrêmement dégradée qui flirte avec les chiffres du printemps dernier et a déjà dépassé le pic de novembre. Mais aussi parce qu’à nouveau, il y a ceux qui se confinent et ceux pour qui la vie continue comme si de rien n’était. Ce sont les travailleurs que le gouvernement appelait il y a un an « les héros de la première et de la deuxième ligne », qu’aujourd’hui il ne daigne même plus mentionner si ce n’est pour les rendre responsables de l’échec de sa campagne de vaccination.

En mars 2020, la sociologue du travail Dominique Méda affirmait : « Nous redécouvrons l’utilité immense de métiers invisibles, de personnes peu considérées et le plus souvent très mal payées ». Soignants, infirmiers, travailleurs du nettoyage et de la grande distribution, conducteurs de bus et enseignants : un an plus tard, force est de constater que ces travailleurs sont toujours aussi exposés au virus, aussi mal payés et peu considérés par le patronat et l’exécutif, qui continue d’exhorter ces travailleurs essentiels à la responsabilité et à « l’effort »

Mais dans les hôpitaux, la colère gronde : « Un an de pandémie et vous persistez dans votre gestion au lance-pierre de la crise sanitaire », fustige le collectif inter-urgences dans son communiqué de ce jeudi, intitulé « Un poisson d’avril ? ». Les soignants y dénoncent le fait de « devoir prioriser le devenir des patients par manque d’investissement » et une « balance inégale entre les efforts demandés et les moyens dont nous disposons »

Un service public au bord de l’implosion, qui peine à survivre à une troisième vague alors que les effectifs sont épuisés et réduits. À propos de la promesse de 10 000 lits en réanimation faite par Macron ce mercredi, une soignante s’agace : « Ça me fait juste rire. C’est annoncer un gros chiffre de capacités mais ce n’est pas ce qu’on appelle des lits armés. Des lits sans respirateur, sans infirmier, sans médecin pour s’en occuper, bah c’est juste un lit ».
 
La patience ne semble plus être au rendez-vous à l’égard d’un gouvernement qui fait passer les profits avant la santé et la vie des travailleurs qui font tourner la société, agitant de temps en temps des miettes telles le Ségur de la santé ou quelques primes rarement touchées. Car à rebours de toute amélioration des conditions de travail et de moyens supplémentaires, ces professions essuient les décès au quotidien, dans l’indifférence la plus totale de leurs directions.
 
À la RATP, ce sont plus d’une dizaine de conducteurs de bus qui sont décédés du Covid en 2020. Il y a à peine quelques semaines, le juge rejetait le référé initié par la CGT afin de suspendre la reprise de la vente des tickets dans les bus, organisée en février : une décision complice de la politique de la direction de la RATP, d’autant plus criminelle que la troisième vague fait rage dans les couches les plus jeunes de la population dont font partie une majorité de conducteurs de bus. Dans l’unité opérationnelle Seine Rive Gauche, c’est un régulateur sur le T6 qui est décédé, deux jours après que la direction a annoncé l’abandon du plexiglas de protection et la réouverture de la demie porte du bus, initialement fermée pour maximiser la distanciation.
 
Cette hécatombe n’est pourtant pas un cas isolé. Dans les départements les plus populaires où habitent les travailleurs les plus exploités et précaires, l’épidémie flambe comme nulle part ailleurs. Alors que dans le Finistère l’incidence est de 100 malades pour 100 000 habitants, en Seine Saint-Denis elle gravite autour de 800 cas pour 100 000. Et derrière les chiffres, c’est une réalité bien mortifère qui se dessine car dans le 93, nombreux sont les enfants ayant perdu un parent depuis le début de la crise sanitaire, en témoignent les 20 élèves orphelins du lycée Eugène Delacroix de Drancy.

Une situation décriée par les enseignants, qui depuis un an dénoncent le manque de moyens dans les établissements scolaires. Car à rebours du discours relatif à la continuité pédagogique du gouvernement, ce sont bel et bien à des garderies du Medef qu’auront servi les écoles pendant une année, avant que Macron daigne reconfiner quelques semaines, par refus d’investir dans des embauches et de nouvelles infrastructures : « Ce qu’ils appellent « l’exception française » c’est la sauvegarde de l’économie jusqu’au bout, c’est la logique des profits et de l’économie avant la santé. » dénonce Marion, enseignante dans le 93.

Face à ces « mesures de freinage » qui reposent strictement sur une politique répressive et austéritaire, les travailleurs ont la capacité d’imposer une alternative sanitaire et politique par la mobilisation et l’auto-organisation. Des grèves dans la grande distribution pour exiger de meilleures conditions de travail après avoir été les petites mains invisibles du premier confinement, aux droits de retrait collectifs et la réorganisation de la production dans certaines industries en passant par les protocoles sanitaires autonomes dans l’Éducation nationale : les salariés ont fait l’expérience une année durant de leur force de frappe inouïe, prenant conscience de leur place essentielle au sein de la société.

Ces acquis sont à remobiliser dans l’ensemble des secteurs du monde du travail, pour de nouveau exiger que nos vies passent avant leur profit. Comme le souligne le communiqué de Sud Éducation 93, « les mois à venir vont devoir être marqués par nos luttes, pour imposer des protocoles sanitaires, pour garantir la vaccination de l’ensemble de la population, enfin pour trouver une issue à cette crise sanitaire et pour cela nous allons devoir nous organiser par en bas afin de ne pas laisser dans les mains de ceux qui sacrifient nos vies sur l’autel de l’économie. » Il s’agit de parvenir à imposer la vaccination massive par la levée des brevets, l’augmentation des moyens dans les services publics, la hausse des rémunérations et l’abrogation de l’assurance-chômage pour que ce soit bel et bien au gouvernement et aux responsables de payer la facture de la crise économique et sanitaire. 


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