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Lycéens triés sur le volet

De APB à « Parcoursup » : un nom changé pour une sélection renforcée

Ce matin, la ministre de l’Enseignement Supérieur Frédérique Vidal a annoncé le nouveau nom de la plateforme d’orientation/sélection. Anciennement nommée APB, ce sera, à partir du 15 janvier sur « Parcoursup » que les lycéens devront dorénavant formuler leurs vœux, et attendre la nouvelle sélection universitaire.

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Dans une logique « participative », le gouvernement avait ouvert du 17 au 19 novembre une consultation en ligne pour choisir le nom de la nouvelle plateforme. C’est donc « Parcoursup » qui a été choisi. Derrière ce sondage censé enjoliver la transformation, c’est la sélection post-bac qui est actée. Le gouvernement laisse donc le choix du nom aux concernés, pour ce qui est des formations demandées par contre, le processus ne sera pas aussi « participatif ».

Loin d’être exemplaire, le système APB laissait déjà des milliers d’étudiants sur le carreau chaque début d’année, avec des vœux à hiérarchiser ne facilitant pas le choix d’orientation des lycéens et s’inscrivant de fait dans la logique déjà existante de sélection sociale des futurs étudiants. Rien à regretter dans sa fermeture.

Mais ce qui va le remplacer n’est pas mieux, loin de là. Émanant des décisions des ministres de l’Education et de l’ESR, acté par le Plan Étudiants du 30 octobre, « Parcoursup » n’est que le nouvel outil de cette fermeture des universités aux classes populaires via la sélection et les rendant de plus en plus soumises aux besoins du patronat. Sur la papier, on promet aux lycéens d’avoir désormais une plateforme plus claire, les informant mieux sur les formations et où tous leurs vœux seront examinés sans avoir à les hiérarchiser.

De l’autre côté, c’est d’abord l’instauration du fameux « Oui si » qui va commencer. Si le gouvernement se targue de mettre fin à la grande injustice du tirage au sort, selon eux inégalitaires (qui a dit que le gouvernement ne luttait pas pour l’égalité ?!), c’est pour bien sûr mettre en place une procédure basée sur le « mérite », fondamentalement inégalitaire. Ainsi, les universités pourront désormais exiger de l’étudiant qu’il s’engage dans un « parcours personnalisé » pour accéder à la filière de son choix, il devra donc suivre une remise à niveau (le bac n’étant plus suffisant pour intégrer l’enseignement supérieur), ou sera au fil du temps envoyé dans un « cursus plus adapté ».

Et pour choisir parmi les lycéens, les universités pourront demander aux étudiants de leur fournir lettre de motivation, CV des activités extra-scolaires, tandis que le conseil de classe leur transmettra la « fiche avenir » du lycéen où tout son passif (notes, assiduités, remarques du conseil, etc) sera minutieusement noté.

Les différences se réduisent entre « formations sélectives » et formations publiques. Le site, dans un objectif bien évidemment de transparence prévoit d’informer les lycéens sur les « attendus, taux de réussites, débouchés, contenus, capacité d’accueil ». De quoi refroidir plus d’un lycéen face aux discours élitistes que pourront afficher les universités et face aussi au contingentement des filières. Et les prérequis exigés, gentiment appelés « attendus », sont la mise en place pur et simple de la sélection à l’entrée de la fac, et la fin du bac comme passeport pour l’enseignement supérieur.

C’est aussi la priorité académique qui est démantelée. Les universités ne seront plus obligées d’ouvrir leurs portes aux lycéens de leur région. Les lycéens postuleront plutôt à une filière qu’à une université. Pour les plus précaires, cela rajoutera donc une difficulté supplémentaire dans l’accès à l’enseignement supérieur puisque la mobilité a un coût non négligeable. Mais c’est aussi un moyen pour les universités de mettre en concurrence leurs filières en créant des formations d’excellence qui recruteront uniquement les meilleurs profils.

Dans le projet du gouvernement, il faut aussi noter la mise en place de « propositions personnalisées adaptées au profil du lycéen » et de « l’accompagnement personnalisé » qui leur sera réservé. Sur le papier, la personnalisation semble somme toutes sympathique, pour permettre à chacun de « trouver sa voie », selon ses « envies, passions, etc ». Mais un accompagnement du lycéen permet aussi un contrôle de ses mêmes envies avec la pression qui l’accompagne, et d’une redirection si nécessaire vers des filières plus professionnalisantes, ou en manque d’effectifs, et de répartir les étudiants entre « facs d’excellence » et « parcours poubelle ».

La concurrence et la sélection se renforceront donc dans les lycées et à l’université, sous le motif que cela sera plus « égalitaire ». La boucle est bouclée. Alors que les gouvernements successifs n’ont pas augmenté le budget de l’ESR à la mesure des nouveaux arrivants, les facs manquent de place et de moyens, ce qui permet de justifier la réforme de l’université modèle 68 auparavant plus « ouverte ». Mettre en crise l’université pour pouvoir la réformer selon les intérêts des classes dominantes : « quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage ».

Crédits photo : Sipa


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