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Hommage

Décès de Mamá Angélica, militante péruvienne des droits civiques

Communiqué

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Le mouvement des droits humains est en deuil. L’une de ses leaders péruviennes, Angélica Mendoza, qui a mené, durant plus d’une vingtaine d’années, une lutte interminable pour la justice et la vérité sur la disparition forcée de son fils, est décédée. Il est nécessaire de relever et souligner ce qu’elle nous a transmis à travers son cheminement dans cette lutte.

Angélica Mendoza, plus connue sous le nom de Mamá Angélica, a été surnommée ainsi pour la raison de son engagement : la disparition de son fils Arquímedes durant le conflit armé au Pérou. Il est important de rappeler que, selon la Commission pour la Vérité et la Réconciliation (CVR), plus de 69 000 peruvien•ne•s sont décédé•e•s, victimes des forces de l’Etat et des groupes subversifs, entre 1980 et 2000. Dans le seul département d’Ayacucho, il y eut plus de 26 000 victimes qui ont perdues la vie et, à partir de l’année 1983, la pratique de la disparition forcée, utilisée par les forces de l’ordre comme principal outil de répression, s’est appliquée systématiquement. Conséquence de cela, on estime à plus de 15 000 le nombre de disparu•e•s durant le conflit péruvien et l’on compte 6 000 fosses communes[1].

Avec d’autres mères, Angélica Mendoza a fondé la Asociación Nacional de Familiares de Secuestrados, Detenidos y Desaparecidos del Perú [2] (ANFASEP) en 1983. Elle a permis de dénoncer, de visibiliser et d’obtenir une certaine reconnaissance de la part de la société civile pour la défense de ses droits. Ces femmes paysannes, en majorité quechuaphones et avec peu de ressources, ont affronté pendant plus de trente ans l’indifférence des institutions, pour ne pas dire la persécution politique et la maltraitance quotidienne, produite par la combinaison perverse de racisme, classisme et misogynie.

Lamentablement, l’Etat péruvien est resté muet quant à la réparation des victimes. Après presque trente ans passés à exiger réparation et douze ans de procès, le 17 août dernier ont été condamnés deux militaires du groupe responsable de la torture, la disparition forcée et l’exécution extrajudiciaire de 53 personnes dans la base « Los Cabitos », à Ayacucho, le plus grand centre clandestin péruvien des années 1980. Pourtant, les responsables sont pour le moment en fuite et Angélica Mendoza n’a jamais réussi à retrouver son fils, ni ses restes, pour pouvoir l’inhumer.

L’histoire d’Angélica Mendoza est un exemple de lutte pour les droits humains, pour la revalorisation des victimes dans des contextes de guerres civiles. … Ce que Angélica Mendoza a vécu nous prouve que la société péruvienne continue à tourner le dos aux dettes qu’elle a envers son passé. Son histoire semble révéler un échec au sein de la société, bien qu’elle nous montre la force et la persévérance d’une femme qui a su transformer sa douleur et sa rage en une quête infatigable de justice et de vérité.

Cette situation nous amène à réfléchir sur la violence de genre exercée dans des contextes de violence politique ainsi que sur les raisons pour lesquelles elle persiste dans des situations de « pacification » et « démocratisation ». Elle nous apporte également une réflexion sur le rôle des femmes dans ce genre de contextes. Protagonistes en quête de la vérité et de justice, elles sont aussi des représentantes de la mémoire, du deuil et de la guérison. La lutte entreprise par Angélica Mendoza durant ces années est un encouragement à (re)connaître ces femmes qui dédient leur vie à la défense des droits humains, à la reconnaissance de l’égalité et de la dignité humaine. Ce qui a été vécu n’aura pas été en vain si nous commençons à assumer les dettes envers un passé très présent. Son histoire n’est pas différente d’autres violences de genre que vivent les femmes indigènes à travers le monde pour accéder à la justice et à la vérité. Son histoire n’est pas non plus différente à d’autres sociétés marquées par des conflits armées ou des dictatures militaires. Son histoire, donc, est un exemple de persévérance et de réflexion sur la société que nous voulons ; une société où l’égalité ne serait pas une chimère mais bien la reconnaissance quotidienne des violences qui nous coulent dans ce qu’il y a de plus misérable chez l’être humain.

Alerta Feminista se joint au deuil pour le décès d’Angélica Mendoza, femme et leader des droits humains. Son histoire sera un exemple pour les luttes des femmes du monde entier, des activistes et militantes qui cherchent l’égalité et la reconnaissance des droits. C’est avec une grande peine, et en même temps avec cette espérance apportée par ce qu’elle a réussi et ce qu’elle nous apprend, que nous saluons une sœur, une camarade et une collègue dans ces luttes.

Kausachun Mamá Angélica !

Car quand une combattante meurt, elle ne meurt jamais !

[1] Pour plus d’informations, se référer au rapport final de la Commission pour la Vérité et la Réconciliation au Pérou : http://www.cverdad.org.pe/ifinal/index.php
[2] Association Nationale des Parents de Séquestrés, Détenus et Disparus au Pérou


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