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Déconfinement. Les abattoirs, foyers de précarité, les travailleurs en première ligne

Depuis quelques jours, nous avons vu fleurir en France, en Allemagne mais aussi aux Etats-Unis des nouveaux clusters de l'épidémie Covid-19. Ce sont aujourd'hui les travailleurs des abattoirs qui partout dans le monde en première ligne pour nourrir la population, sont les plus touchés par la crise. Entre conditions de travail précaires, manque de protections sanitaires, ce nouveau foyer épidémique révèle une nouvelle fois la réalité de travailleurs envoyés au front sans protections et sans préparation face à la crise sanitaire.

Simon Derrerof

18 mai 2020

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Les abattoirs : un nouveau foyer épidémique

 
Le nombre d’infection au Covid-19 se multiplie dans les abattoirs. En France, 34 cas positifs ont été recensés chez Tradival à Fleury-Les-Aubrais, 69 autres à Kermené dans la commune du Mené ( Côtes- d’Armor) mais aussi une vingtaine d’autres dans une entreprise en Vendée. En France mais aussi ailleurs, plusieurs abattoirs montrent d’important taux de contamination chez leur salariés. Hors des frontières nationales ce sont également les abattoirs allemands, brésiliens, espagnols australiens ou encore américains qui voient se reproduire ce phénomène.
 
Dans une usine de découpe de viandes à Dissen, en Allemagne, ce sont plus de 92 salariés qui ont été touchés, plus de 300 en Rhénanie-Palatinat. Aux Etats-Unis au moins 115 abattoirs jouent le rôle de foyer de contagion. Fin avril, les Centres de lutte et de prévention des maladies (CDC) américains estimaient à près de 5.000 le nombre d’employés d’usines de traitement de viande et de volaille positifs au Covid-19.
 
Ces chiffres particulièrement inquiétants, et ce à l’échelle mondiale posent nécessairement la question des raisons qui ont poussé ces lieux de travail à devenir parmi les principaux clusters du Covid-19.
 

Des conditions sanitaires largement insuffisantes

 
Partout dans le monde, les abattoirs ont continués à tourner à plein régime pendant l’épidémie. En premier lieu, ces usines seraient a priori propices au développement du virus par les températures baisses et l’aération stricte qu’elles imposent pour la conservation de la viande. Des conditions idéales pour la propagation du virus, que les conditions de travail des salariés et leur manque de protection adéquate n’ont pas réussi à contrecarrer.

Le travail a continué intensément, pendant le confinement et ce dans des conditions aujourd’hui vivement critiquées. « Depuis des années, l’industrie de l’abattage est victime de conditions de travail misérables. Désormais, il est important d’assurer une sécurité accrue au travail, y compris pour les travailleurs détachés qui sont logés dans des logements collectifs », exige Anja Piel, de la confédération syndicale DGB.
 
Au delà d’une activité qui a continué à fonctionner, et des ouvriers qui ont continué à se transmettre le virus, les témoignages ne cessent de révéler des mesures de précautions particulièrement insuffisantes. Un travailleur interviewé par Libération raconte n’avoir obtenu qu’un masque par matinée ( de 6h à , 12h30), une protection déjà insuffisante en temps normal qui devient particulièrement inutile quand ce même masque est rapidement souillé par des projections de sang ou d’excréments.
 
D’autres témoignages montrent que le travail dans l’abattoir se fait dans la promiscuité. Mauricio Garcia-Pereira, qui a travaillé sept ans dans un grand abattoir à Limoges explique à Libération : « Dans un abattoir, on est tous en contact, tout le temps. Pas seulement avec les gens de l’abattoir, mais aussi avec les grossistes, les transporteurs, les acteurs du conditionnement, tous ceux qui gravitent autour… Quant à porter un masque pendant des heures, dans un endroit où l’on tue en moyenne 35 vaches à l’heure, c’est impossible. Imaginez l’atmosphère : on transpire, on étouffe là-dessous.C’est également l’avis du chercheur en sociologie à l’université Drake Michael Haedicke, aux Etats-Unis, interrogé par The Conversation. Selon lui, "les employés travaillent côte à côte et à un rythme qui rend difficile, voire impossible, la pratique de gestes barrière notamment lorsque l’on éternue ou que l’on tousse".
 
Ce sont donc aujourd’hui les conditions de travail qui sont pointées du doigt par de nombreux salariés. Les douches sont peu nettoyées, les conditions d’hygiènes sont mauvaises, dans les salles de repos, la promiscuité est de rigueur. Michel Kerling syndicaliste à la section agroalimentaire de FO raconte d’importantes défaillances dans la mise en place de mesures barrières face au virus , que ce soit dans les vestiaires, douches ou salles de repos, mais aussi dans les conditions de travail : « je m’interroge aussi sur la partie désossage, où les salariés travaillent en face-à-face sur des tapis de 80 cm de large... ».
 
Ces manquements évidents mais aussi la concentration de milliers de travailleurs durant des heures ont permis la circulation du virus. Un médecin du travail américain interrogé au sujet des conditions du travail à la châine a affirmé que les mesures de distanciation dans un abattoir dégraderaient fortement la rentabilité des entreprises. Dés lors il devient évident que dans les abattoirs comme ailleurs que l’on a envoyé les travailleurs au front sans protections pour préserver les profits.
 
 

Face à la course aux profits, c’est aux travailleurs de décider et d’imposer des conditions de travail qui permettent leur sécurité

 
Ce sont aussi les conditions de travail d’une main d’oeuvre sur-exploitée qui doivent aujourd’hui être mises en cause. En Allemagne mais aussi en France, les travailleurs dans les abattoirs proviennent d’une mains d’oeuvre majoritairement immigrée, occupant les emplois que personne ne veut prendre.

Ces travailleurs n’ont souvent pas la possibilité de se défendre face à des employeurs qui n’ont pas hésité à continuer le travail intensif sans aucune considérations pour la santé de leurs employés. Aujourd’hui alors mêmes que les laboratoires sont devenus des clusters de l’épidémie, ils sont nombreux à continuer de tourner, continuant d’exposer les salariés.
 
L’exemple des abattoirs vient une nouvelle fois souligner l’irresponsabilité du gouvernement mais également sa gestion criminelle de la crise. Ils sont une nouvelle démonstration des manquements criminels de mesures suffisantes pour endiguer l’épidémie et protéger les travailleurs des secteurs dits essentiels. Ce sont ces travailleurs en première ligne qui sont aujourd’hui les plus durement touchés par la crise sanitaire.

Derrière le discours de garantir la chaîne alimentaire, c’est leurs profits que les patrons du secteur ont décidé de préserver. S’il est nécessaire de garantir les activités essentielles, les travailleurs doivent être pouvoir se doter de matériels de protection nécessaires. Les abattoirs sont un nouvel exemple édifiant que la santé des travailleurs n’est pas garantie par le système capitaliste. Une ouvrière d’un abattoir américain affirmait, il y a peu, au New York Times : « Combien encore devront se battre pour leur vie, combien encore de famille devront souffrir avant qu’ils ne réalisent que nous sommes plus importants que leur production. […] Nous appelons à l’aide mais personne n’écoute. Nos conditions de travail sont hors de contrôle. On travaille littéralement épaule contre épaule à longueur de journée ». Les mots de ces travailleurs exploités et envoyés sans armes face à l’épidémie, par les gouvernements et patrons, révèlent de manière indiscutable les antagonismes de classe qui ont été mis en lumière pendant la gestion de la crise. Il s’agissait pour les gouvernement de préserver les profits du patronat quand des travailleurs luttaient pour survivre. Encore une fois ils ont démontré que pour eux notre santé ne vaut rien face à leurs profit. Il s’agit désormais d’imposer nos revendications car notre santé ne pourra être défendue que par les travailleurs eux mêmes.


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