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Depuis la prison de Fleury Mérogis, interview d’Antonin Bernanos

Nous relayons ci-dessous une interview d'Antonin Bernanos faite par LundiMatin.am. Le militant a été incarcéré dans la prison de Fleury Mérogis, dans l’affaire de l’incendie de la voiture de police quai de Valmy.

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Antonin Bernanos est un militant politique antifasciste. Après 10 mois de détention préventive, il a été condamné en septembre 2017 à 5 ans de prison dans l’affaire de l’incendie de la voiture de police quai de Valmy puis réincarcéré le 5 décembre dernier. Actuellement détenu à la prison de Fleury Mérogis, nous avons pu lui poser quelques questions à propos des grèves de surveillants pénitentiaires, de leurs conséquences sur la vie des détenus et sur la manière dont l’administration pénitentiaire tente de contenir les différentes formes d’organisations collectives.

Lundimatin : bonjour, pouvez-vous nous dire ce que sont les conséquences de la grève des surveillants sur la population carcérale de Fleury-Mérogis ?

Antonin Bernanos : Très clairement, la tension est montée d’un cran avec cette militarisation de la prison censée prévenir les mobilisations des détenus et qui se fait l’écho des revendications sécuritaires des surveillants qui manifestent devant la prison.

Que pouvez-vous nous dire des rapports au quotidien qu’entretiennent les surveillants avec les prisonniers ?

Les rapports quotidiens entre les détenus et les surveillants sont habituellement assez différents selon les situations. Il serait faux de parler d’une violence physique permanente qui se traduirait par une répression continue des corps et des esprits. Il y a différents profils de surveillants, et entre le provincial, fils de paysans, qui s’argue de tatouages néonazis en affirmant être venu venger la France de la racaille islamiste, et le prolétaire des DOM-TOM qui n’a trouvé d’autre issue à la précarité que de porter l’uniforme (qui est majoritaire en bas de la hiérarchie pénitentiaire, et qui ressemble souvent trait pour trait au profil type des détenus, non-blancs, prolétaires et issus des zones de relégation des populations excédentaires) les détenus gardent une marge de manœuvre dans les rapports quotidiens pour éviter ou gérer les conflits. Il n’en reste pas moins que les rapports surveillants/détenus sont par nature des rapports conflictuels, entre ceux qui ferment les portes à clefs, et ceux qui sont enfermés. Et comme dans tout rapport de domination, les dominants exercent une violence à l’encontre des dominés. Quand on voit ici passer sur toutes les chaînes de télévision les mêmes surveillants qui sont témoins et parfois auteurs des violences à l’encontre des détenus, affirmer que la situation à Fleury n’est plus vivable, que les détenus ont pris le pouvoir et que les surveillants sont des victimes, on ne peut que comprendre l’étendue de la malhonnêteté des syndicats et de leur base. Combien de surveillants tués ces dernières années pour combien de détenus retrouvés pendus, les veines ouvertes ou la gorge tranchée ? Combien de surveillants blessés pour combien de détenus mutilés, frappés, piqués ? Sans même parler des blessures qui ne se voient pas et qui semblent ne jamais se refermer chez la plupart des prisonniers qui ont été les cibles de la violence carcérale, une violence systémique qui a pour but de rappeler à chacun où est sa place : l’un du bon côté de la matraque, et l’autre non. Il existe chez les détenus des quantités de témoignages non-recueillis sur les tortures au mitard, la folie entraînée par le quartier d’isolement ou les médicaments et piqûres injectés de force à des détenus (sans parler des viols, comme récemment à Meaux ou encore à Fleury lors des fouilles à nu). Alors quand les prisonniers qui sont passés par là voient les représentants syndicaux s’insurger devant les caméras de toute la violence qu’ils subissent au quotidien, l’asymétrie est telle que la révolte se fait entendre derrière les barreaux.

Un texte écrit par un collectif de prisonniers de Fleury-Mérogis fait grand bruit depuis quelques jours sur les réseaux sociaux. Il semblerait que certains prisonniers s’organisent à l’intérieur pour protester contre le blocage de la prison. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Peu après les premières grèves de surveillants, plusieurs détenus ont répondu par des séries de blocages de promenade dans leurs établissements. Ces blocages consistent à ne pas remonter en cellule après la fin d’une promenade, pour manifester son opposition face à un ou plusieurs points de conflit dans l’organisation de l’Autorité Pénitentiaire (AP). En l’occurrence, les premiers blocages à Fleury ont eu lieu initialement pour protester contre la diminution des temps de promenade, et plus largement contre les conséquences de la grève des surveillants. Ces actions collectives sont très importantes pour les détenus car elles leur permettent de s’affirmer en tant que groupe, solidaire et organisé. Les blocages font souvent écho à une pluralité d’actions de résistances individuelles quotidiennes face à l’administration, qui tombent dans l’oubli ou sont sévèrement réprimées, car elles restent isolées et minoritaires. Le blocage des promenades est perçu par l’AP comme une manifestation dangereuse, comme en témoigne la forte répression qui s’en suit systématiquement, mais elle s’attache à le dénigrer publiquement comme un acte collectif sans fondement d’une foule de détenus enragés pour des raisons qu’ils ne comprennent même pas. Les médias s’en font régulièrement le relai pour émouvoir les auditeurs en parlant de mutinerie ou d’émeute, comme la semaine passée au bâtiment D2. Je pense que ces blocages sont particulièrement importants pour leurs effets fédérateurs, et contre les politiques internes de l’AP qui consistent à dresser les détenus les uns contre les autres. De plus, ils permettent de dégager deux choses dont nous sommes privés en prison : un espace et du temps. Les détenus peuvent rester ensemble, discuter, investir la promenade et surtout, la rendre subversive, en faire une instance de socialisation politique, qui aboutit, par exemple, sur le texte que tu évoques.

Les mouvements de protestations et de révolte des détenus semblent s’être éteint depuis quelques jours, même si les braises sont encore chaudes. La forte répression de l’AP, qui consiste à isoler des « leaders » présumés et les envoyer au mitard pour une durée indéterminée, avant de les transférer à leur sortie dans une prison située parfois à plusieurs centaines de kilomètres y est pour beaucoup. La militarisation de la prison, la présence des Eris [1] et les menaces de l’administration font leur effet. Quiconque participe à ces blocages sait qu’il joue gros, et qu’au-delà du mitard, des transferts, des fouilles ou des coups, le risque est de voir son dossier carcéral entaché d’un tampon rouge, qui peut impacter sérieusement la discussion d’un juge pour les prévenus, et celle d’un Juge d’Application des Peines, dans le cadre d’un aménagement de peine, chez les condamnés. L’absence d’échos, de relais et de mobilisations à l’extérieur y sont pour beaucoup. Les séquences de révolte des détenus sont brèves, inscrites dans un laps de temps très court, et il est évident qu’il est compliqué pour les acteurs des luttes à l’extérieur de s’organiser si rapidement pour y répondre.

Pouvez-vous raconter plus précisément comment vous avez appris qu’un mouvement de surveillants avait lieu puis comment s’est déroulé le blocage des promenades par les détenus et la manière dont sont intervenus les Eris ?

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