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Les bourges lanceront-ils bientôt leur ZAD ?

Des SDF relogés dans le XVIe ? Jamais, les pauvres ça pue

« Il faut un référendum local, comme on le fait à Notre-Dame-des-Landes », lance un riverain dans une réunion d’information à l’université Paris-Dauphine, organisée lundi dernier. Autour de lui, des cris, des insultes. « Salope » par-ci, « fils de pute » par-là. « Menteurs ! ». Ça ne rigole pas ce soir, les « gens bien » sont en colère. Indignés face à « l’injustice » qu’on leur fait. La raison ? On veut imposer, dans leur quartier (très bourgeois) du XVIe arrondissement de Paris, ni plus ni moins qu’un… centre d’hébergement d’urgence pour accueillir temporairement 200 personnes démunies. Inadmissible !

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La situation n’est pas très difficile à comprendre. La mairie PS de Paris, dans sa politique complètement insuffisante et hypocrite d’hébergement de personnes en difficulté (SDF, réfugiés), a décidé d’installer, dans le très riche XVIe arrondissement, 200 personnes en difficulté pour une période de cinq ans. Les personnes seront hébergées dans des Algeco en bordure du Bois de Boulogne. Quelque chose qui se fait dans beaucoup de communes à travers tout le pays, y compris dans les plus pauvres.

Mais cela a suffit pour créer un scandale dans le quartier. Les riverains dénoncent « l’arrivée massive de réfugiés », la création d’un nouveau « Sangatte », on évoque même les « événements de Cologne ». Concession ou pas, les responsables de la ville de Paris les rassurent : « il n’y aura pas de migrants dans ce centre, de personnes qui viennent d’Afrique et d’ailleurs » (Sophie Brocas, sous-préfète de Paris).

On pensait que le discours sur « nos SDF d’abord » face aux « hordes de migrants assoiffés de RSA », allait marcher pour calmer les tensions. Mais non. Rien n’y fait. « On va utiliser des personnes en détresse pour les mettre dans des cages, à deux pas d’endroits résidentiels où il y a un décalage qui ne peut que créer des tensions, créer de leur part de l’aigreur… », affirme une habitante. Donc c’est pour le bien des personnes démunies. Quelqu’un souffle une autre solution dans la réunion à l’université : « Mettez-les à Calais » !

Mais heureusement qu’il y a des responsables politiques, des vrais professionnels, qui savent gérer ce type de situation et proposer des solutions « raisonnables ». Ainsi, le maire Les Républicains du XVIe arrondissement, Claude Goasguen, propose une autre solution : accueillir ces gens dans le Musée national des arts et traditions populaires, toujours dans le même arrondissement. Sauf que cet immeuble est complètement amianté. Il ne faudrait quand même pas demander le beurre et l’argent du beurre !

Au-delà des aspects frôlant la tragicomédie, cette affaire est un beau spectacle qui montre la vraie nature de la haute bourgeoisie parisienne. Une classe dominante décadente qui n’hésite pas à exposer au grand jour, sans complexe, sa bassesse, sa médiocrité, ses insultes, son arrogance, son racisme et sa xénophobie, son profond mépris de classe envers ceux et celles qu’elle exploite et opprime.

Mais cette affaire ne peut pas cacher l’hypocrisie de certains élus non plus, à commencer par ceux du PS. Parti du président Hollande et du premier ministre Valls, les champions d’expulsions de sans-papiers, de migrants ; le parti du ministre de l’intérieur Cazeneuve aussi, le même qui expulse les migrants de Calais et les réprime.

Mais beaucoup d’élus dits « de la gauche de la gauche » utilisent également des procédés cyniques à l’égard des populations les plus opprimées qui habitent dans les communes qu’ils dirigent. On ne peut pas oublier les expulsions de Roms à Saint-Ouen ou à la Courneuve dans le 93. Ce sont des élus Front de gauche qui expulsent des familles entières, parfois en pleine trêve hivernale, sans aucune solution de relogement.

Fin 2013, la maire Front de gauche de Saint-Ouen, suite à l’expulsion d’un des plus grands camps de Roms du département, s’indignait en se demandant « pourquoi ces gens ne s’installent pas dans les quartiers chics ? ». Le maire UDI de la ville, qui a remporté les élections municipales de 2014, répétait le même argument face à l’arrivée de quelques familles syriennes dans la ville, juste avant de fermer le parc où elles s’étaient installées.

Aujourd’hui, l’adjoint au maire pour le logement Ian Brossat (PCF) utilise ce même argument pour installer ce centre d’hébergement dans le XVIe arrondissement parisien. Justice est faite enfin ? Loin de là ! La réalité, c’est que les personnes en difficultés s’installent souvent dans les villes habitées majoritairement par les classes populaires, car c’est cette population qui se montre le plus solidaire de leurs frères et sœurs de classe. C’est au sein de la population travailleuse que des gestes spontanés de solidarités surgissent le plus souvent.

La mairie de Paris se dit décidée à aller jusqu’au bout de son projet de centre d’hébergement. Si jamais ce projet se concrétise, malgré l’opposition de la population locale, d’autres problèmes vont se poser aux personnes accueillies dans de tels centres. Dans les quartiers riches, les commerces vendent à des prix de riche ; où est-ce que ces personnes démunies vont par exemple faire leurs courses ? Aussi, dans quelles conditions seront-elles accueillies ? Il est très probable que pour « rassurer » les riverains, les autorités parisiennes déterminent que le centre d’hébergement soit surveillé par la police 24h/24, le transformant en un vrai ghetto en plein cœur d’un quartier totalement hostile.

Installer, temporairement, quelques familles en plein XVIe arrondissement permet de démontrer le caractère profondément réactionnaire de la bourgeoisie parisienne, certes. Mais cela ne change en rien la situation de dizaines de milliers de personnes qui ont des difficultés pour se loger dans la région. Une solution de fond et pérenne devra effectivement passer par toucher les intérêts des capitalistes et spéculateurs, et non seulement en les « obligeant » à voir la misère depuis leurs fenêtres. Autrement dit, il faut réquisitionner les logements vides pour y loger les personnes dans le besoin, mais aussi mettre en place un plan de construction de logements sociaux à des prix abordables pour les travailleurs et les classes populaires. Ce serait une façon de répondre en même temps à la question du chômage massif dans le pays. Voilà comment on pourra « mettre à contribution » les bourges qui se mobilisent aujourd’hui pour défendre leur statut de privilégiés.


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