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Catastrophe humanitaire et juteux business

Des soldats déployés au Yémen : Macron intensifie la guerre

Dans un article paru dans le Figaro en date du 16 juin, on apprenait que des forces spéciales françaises seraient présentes à Hodeida. Officiellement, la mission consiste à déminer le port d'Hodeida une fois la bataille terminée et le port repris par les forces de la coalition. Toutefois, encore faudrait-il que cela soit le cas. Car la France est engagée depuis le début dans cette guerre qui dure depuis trois ans, principalement à travers la vente d'armes et le soutien logistique. Sa présence militaire directe ne ferait donc que marquer l'intensification et « l'officialisation » de son engagement dans ce conflit meurtrier.

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L’offensive sur Hodeida : nouvelle offensive d’une guerre réactionnaire

La guerre au Yémen, qui dure depuis 2015, oppose une coalition menée par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis (EAU), qui soutient le président Hadi, aux rebelles houthis qui se sont soulevés et ont chassé du pouvoir le président Hadi. L’Arabie Saoudite, accusant les houthis d’être soutenuspar l’Iran – ennemi juré du régime saoudien – a mis en place une coalition afin de partir en guerre contre les houthis. La France, pour sa part, soutient depuis le début son allié stratégique saoudien, qui est aussi son principal marché en termes de vente d’armes.

L’opération était censée assurer au jeune prince héritier Mohamed Ben Salmane son autorité à l’intérieur et étendre le prestige saoudien à l’extérieur en menant une guerre éclair. Toutefois, cela s’est révélé un échec.

En janvier 2017, trois ans après le début de la guerre, les ONG recensaient plus de 11.000 morts – mais le bilan pourrait en réalité être beaucoup plus élevé et concerner notamment beaucoup de civils. Orient XXI rapporte que « Selon un document de la Commission européenne en date du 3 avril, 22,2 millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire, ce qui équivaut à 80 % de la population. Parmi elles, 17,8 millions sont en « situation d’insécurité alimentaire », 16,4 millions ont « besoin de soins de santé de base » et 16 millions « n’ont pas accès à l’eau potable et aux sanitaires ».Des maladies que l’on croyait éradiquées, telles que le choléra, ont refait leur apparition, causant une des plus graves crises sanitaires du monde avec plus de 2400 morts entre 2016 et mars 2018. Amnesty International fait mention d’atteintes aux droits humains commises par tous les acteurs du conflit et dénombre prèsde 6000 civils qui ont trouvé la mort dans un conflit marqué par des bombardements records de la part de la coalition saoudienne.

Aussi, dans son attaque contre le porte de Hodeida, la coalition mise sur une prise éclair afin de mettre un terme au conflit. Mais la réalité pourrait se révéler tout autre, avec une résistance accrue des forces houthites, aggravant encore un plus une situation catastrophique déjà profondément enlisée. En effet, Hodeida est le port par lequel transite 70 % de l’aide humanitaire. Suite à l’assaut de la coalition le transit a donc été suspendu, aggravant les ravages humanitaires causés depuis le début de la guerre.

De plus, Hodeida représente un point stratégique puisqu’il constitue un accès privilégié à la mer Rouge, il est une cible privilégiée de la part notamment des EAU, dont les intérêts stratégiques divergent sous certains aspects avec ceux de l’Arabie Saoudite. Comme le rappelle Orient XXI :« Abou Dhabi poursuit en priorité des objectifs qui lui sont propres et en grande partie étrangers à la raison d’être initiale de l’intervention militaire. Il s’agit d’un appétit géopolitique et économique autour du détroit de Bab El-Mandeb. Il consiste à s’assurer la tutelle des ports yéménites et de leur environnement côtier, en parallèle avec le Somaliland et en Érythrée où Abou Dhabi développe des infrastructures à Berbera et Assab. »

C’est dans ce contexte qu’interviennent les récentes révélation du Figaro faisant état de la présence de forces spéciales françaises à Hodeida, pour une opération de déminage du port une fois celui-ci repris par la coalition. Toutefois, la France est présente depuis le début de la guerre au Yémen, quoi que sous une forme plus « indirecte ». Loin de marquer une nouveauté radicale ou un saut qualitatif, cet engagement direct, s’il était avéré, ne ferait que marquer un peu plus l’engagement de la France dans ce conflit meurtrier et son « officialisation » en envoyant directement des troupes au lieu de « seulement » vendre des armes.

La guerre au Yémen : catastrophe humanitaire... et juteux business pour l’armement français

L’Arabie Saoudite constitue le premier marché pour la vente d’armes françaises ; et, de plus, liés par des accords stratégiques avec les monarchies du Golfe, Paris soutient directement la coalition saoudienne. La catastrophe humanitaire, qualifiée de « pire crise humanitaire dans le monde actuellement », selon Antonio Guterres, secrétaire-général de l’ONU, représente donc un faramineux business pour l’impérialisme français. Selon Orient XXI : « En 2016, environ 50 % des prises de commande enregistrées par la France concernaient les pays du Proche-Orient. La monarchie saoudienne est son premier client : elle lui a acheté près de 9 milliards d’armes entre 2010 et 2016, ce qui représente environ 15 à 20 % des exportations d’armes françaises chaque année. »

De même, Amnesty International fait part de sommes astronomiques, preuve que le marché de la mort n’est pas en crise :« La France a octroyé pour un peu plus de 16 milliards d’euros de licences pour la seule Arabie saoudite en 2015. La France a livré à ce pays pour 900 millions d’euros d’équipements militaires la même année dont 115 véhicules blindés ainsi que plus de 700 fusils de précision. À aucun moment, le gouvernement n’a indiqué ces deux dernières années qu’il avait refusé, révoqué ou suspendu des autorisations d’exportation. Selon le SIPRI (Stockholm International Peace Research Institute), la France aurait fourni des véhicules blindés à l’Arabie saoudite en 2016. En 2016, des navires intercepteurs auraient été livrés aux gardes côtés saoudiens, dans un contexte de blocus maritime partiel du Yémen. »

En plus de cet appui par la vente directe d’armes, la France est aussilogistiquement présente puisqu’elle assure la maintenance des Rafales, chars Leclerc et Mirage, comme le précise là encore Orient XXI, la France n’est pas regardante lorsqu’il s’agit de gros sous :« La France a également équipé les autres belligérants, l’Égypte, le Qatar, les Émirats arabes unis et le Koweït. Parmi le matériel utilisé au Yémen, des chars Leclerc émiratis – des hauts gradés français se sont vantés sur LCI de la performance inédite du matériel français dans ce conflit — et des Mirage 2000 émiratis et qataris, dont la France continue d’assurer la maintenance, la mise à niveau et l’approvisionnement en obus. Ces avions de chasse sont destinés aux bombardements, les forces émiraties se déclarant insatisfaites de leurs capacités d’emport en munitions, note Air Cosmos. »

Pendant ce temps, dans dix jours, La France accueillera Mohammad Ben Salmane, prince héritier d’Arabie Saoudite dans le cadre d’une conférence internationale au sujet de la situation humanitaire au Yémen : une rencontre à laquelle il convient de s’opposer largement pour dénoncer la complicité de la France dans les crimes de guerre du régime saoudien, en solidarité avec les victimes de cette guerre et de toutes les guerres impérialistes, produits du système capitaliste.

Credits photo : NABIL HASSAN / AFP


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