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Mort d’Alain Devaquet

Devaquet est mort, enterrons la sélection !

Il y a quelques jours mourrait l’ex ministre de l’éducation Alain Devaquet, connu pour la mobilisation étudiante de grande ampleur provoquée par la loi du même nom en 1986. L’occasion pour la presse de rendre hommage au « héros malheureux d’une révolte étudiante », celui dont la carrière a été entravée par les grèves, blocages d’université et manifestations fleuve.

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Le décès de l’ex-ministre a lieu dans un contexte hautement symbolique. Ladite loi Devaquet était en effet une réforme de l’université, introduisant parmi autres mesures la sélection des étudiants à l’entrée des facultés. Retirée à l’époque, elle refait surface aujourd’hui sous la forme du plan Vidal. Pour nous, sa mort sera surtout l’occasion de se remémorer la mobilisation étudiante et lycéenne victorieuse, dont aujourd’hui nous devons nous inspirer pour contrer à nouveau les projets du gouvernement pour mettre l’université toujours plus au service du grand capital.

Devaquet en rêvait, Macron l’a fait

Assurément la sélection à l’université n’est pas une nouveauté dans les projets de réformes des divers gouvernements. Au contraire, l’université de masse, sinon gratuite, relativement accessible, n’a jamais constitué une option de formation de la jeunesse viable pour la bourgeoisie. Mai 68 met, pour un temps, un coup d’arrêt aux projets de réforme de l’université, initiés avec le plan Fouchet-Zamanski en 1966, et donne lieu à un certains nombres d’acquis, qui depuis constituent une épine importante dans le pied des classes dominantes. Depuis ne se passe pas une décennie sans qu’on ne voit naître un nouveau projet de refonte de l’enseignement supérieur. En 1976 émerge un projet de loi (projet Saunier-Seité) remettant en cause l’accès en troisième année, instaurant ainsi de fait une sélection, finalement abandonné après trois mois de mobilisation. La loi Savary de 1984 renforce l’autonomie des universités instaurée par la loi Faure en 1968 et ouvre la porte au financement des facultés par les entreprises privées.

Le projet de loi Devaquet en 1986 voit le jour sous la cohabitation, sous la présidence de Mitterand, dont Chirac est alors le premier ministre. Devaquet, ministre de l’éducation, est chargé de libéraliser l’enseignement supérieur. La loi instaure la complète autonomie des universités, qui pourraient désormais fixer les frais d’inscription - au sein d’une fourchette nationale - sélectionner les étudiants à l’entrée, en adaptant les flux d’étudiants aux besoins du marché ! La loi remettait également en cause le caractère national des diplômes en autorisant les universités à choisir leurs propres diplômes et méthodes d’apprentissage. Le gouvernement finit par reculer en décembre après plusieurs semaines de mobilisation étudiante et lycéenne.

Après cet échec, les classes dominantes vont adopter une nouvelle stratégie, jouant sur le pourrissement de la situation universitaire et la détérioration constante des conditions d’études, due à l’augmentation des effectifs accompagnée d’une inverse baisse des budgets, pour progressivement faire accepter l’idée même de la sélection. De peur de réveiller le mouvement étudiant par une offensive trop brutale, la bourgeoisie va tenter de passer ces réformes « par pièces détachées ». Sarkozy, pendant son mandat, fait passer la loi LRU, loi sur l’autonomie des universités, qui soumet l’enseignement supérieur aux intérêts privés et en restreint l’accès encore davantage. Dans la droite ligne de ses prédécesseurs, Macron, avec le plan Vidal, poursuit le chantier de la réforme de l’université, franchissant un cap en instaurant avec Parcoursup, et les « attendus », une sélection qui ne dit pas son nom.

Devaquet un mouvement historique marqué par l’assassinat de Malik Oussekine

Le mouvement contre la loi Devaquet a fait date dans l’histoire du mouvement étudiant par son ampleur et son issue victorieuse. En trois semaines, il fait reculer le gouvernement Chirac. Il voit l’émergence d’une coordination nationale réunissant des assemblées générales de toute la France et des manifestations rassemblant des centaines de milliers de personnes. La mobilisation est marquée par une très violente répression, savamment ordonnée par le ministre de l’intérieur Charles Pasqua, qui met en place les voltigeurs, binômes de policiers – l’un conduisant une moto, le second frappant à la matraque, qui font des blessés après chaque manifestation. Le 4 décembre a lieu la plus grosse manifestation du mouvement, réunissant 600 000 personnes à Paris et un million sur toute la France. Pour faire taire la protestation, les manifestants sont violemment réprimés à coup de gaz lacrymogènes et qui aboutira sur l’assassinat de Malik Oussekine, tabassé à mort par deux policiers dans la nuit du 5 au 6 décembre.

Si contrairement à 1986 et la loi Devaquet, les étudiants et lycéens sont encore restés silencieux face au plan Vidal, la mobilisation commence à s’organiser du côté des enseignants et personnels d’université. Dans de nombreuses facs, des CFVU et des conseils d’UFR, ont refusé de faire remonter les attendus demandés par le gouvernement pour Parcoursup. Un meeting organisé par l’ASES (Association des Sociologues Enseignants du Supérieur) contre la sélection, a réuni presque 300 personnes à la Bourse du Travail de Paris le samedi 20 janvier. Une grève est également appelée par l’intersyndicale de l’enseignement supérieur le 1er février.

Crédits Photo Patrick Kovarik/AFP


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