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Dévisse des bourses européennes : le spectre de 2008 et l’impuissance des banques centrales

Retour de bâton de la crise chinoise et de la chute du cours du baril de pétrole, les bourses européennes enregistrent, depuis bientôt plus d’un mois, de nets reculs. Expression des craintes des investisseurs de voir la récession pointer son nez sur le vieux continent, la menace est d’autant plus réelle, que contrairement à 2008, les banques centrales sont condamnées à l’impuissance. Y.L.

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Hystérie des marchés ? Irrationalité spéculative ? Il est intéressant de remarquer que les signes envoyés par les marchés financiers se voient subitement mis en doute dans la bouche des commentateurs économiques et des politiques. Devant la débâcle boursière, les déclarations se sont multipliées pour contrarier les anticipations de récessions économiques, à l’origine de l’instabilité et de la chute brutale des cours des actifs sur les principales places financières européennes ces dernières semaines. Tandis que Goldman Sachs, par la bouche de son chef économiste, Jan Hatzius, a défié les anticipations de récession de « M. le marché », que la présidente de la FED américaine, Janet Yellen, s’est déclarée opposée à « tout jugement prématuré » sur la situation économique, Michel Sapin, le tout nouveau ministre des Finances français a tenté de rassurer les marchés en écartant la possibilité d’un « krach financier », estimant les « banques françaises et européennes beaucoup plus solides aujourd’hui » qu’en 2008. S’il n’est pas sûr que tout cela suffise à freiner la tendance actuelle sur les marchés financiers, il est en revanche certain que cela n’enlève rien à l’instabilité de l’économie mondiale et au déroulement de la crise économique, longue et à multiple remous, qui elle, n’a rien de la prophétie auto-réalisatrice.

Des banques commerciales fragilisées

Les actifs des bourses européennes sont à leur plus bas niveau depuis juillet 2013. Depuis janvier, la panique a saisi les marchés bousiers : -11% pour le CAC40 à Paris entre le 1er janvier et le 15 février, -14% à Francfort, -26% à Milan, tandis que La City résiste péniblement. Plus inquiétant encore, ce sont les banques européennes qui sont le plus sévèrement touchées : la Deutsch Bank, mais également la Société Générale, dont le cours de l’action s’est effondré de 14% jeudi dernier, le Crédit Suisse, dont la valeur boursière a été divisée par deux depuis octobre, et aussi Milan, où la Banca Monte dei Paschi di Siena dégringole à -59% depuis le début de l’année. Au total, l’indice sectoriel du secteur bancaire a chuté de 27% depuis janvier tandis qu’en l’espace de six mois, les trois plus grandes banques françaises ont perdu entre 35 et 28% de leurs valeurs boursières.

Si les prévisions de croissance chinoise à la baisse et l’instabilité des bourses chinoises expliquent l’effet de domino sur les marchés européens, cette chute des valeurs boursières a pourtant des causes structurelles et pas si irrationnelles que voudraient le faire croire les dirigeants politiques. D’abord parce que les banques, en raison de la chute du prix du baril de pétrole et du ralentissement de l’économie mondiale, sont davantage exposées à un risque de crédits non remboursés. Non seulement de manière directe, pour celles ayant investie dans le secteur pétrolier et en particulier dans l’extraction de schiste américain, mais également indirectement puisque nombre d’État producteurs dont les revenus sont en baisse se voient dans l’obligation de vendre leurs actifs pour utiliser ces fonds. La contrepartie immédiate de cette chute est l’achat de Credit Default Swaps CDS, des actifs de couvertures de risque de défaut bancaires, des titres extrêmement spéculatifs, et de titres de dettes souveraines – le taux d’intérêt allemand n’a jamais été aussi faible – faisant craindre la formation de nouvelles bulles.

La trappe à liquidité : quand les banques centrales ont les mains liées

Ce taux d’exposition aux dettes toxiques est largement lié à une politique de facilitation du crédit et d’injection de liquidité, utilisé à l’excès par la banque centrale américaine, la FED, depuis la crise de 2008, et suivie par la Banque centrale européenne à partir de 2011-2012. La politique de Quantitative easing pratiquée par les banques centrales avait justement pour objet d’éviter l’enlisement économique dans la récession, en maintenant à flot le système financier après la crise de 2008. Cependant, cette politique monétaire, en l’absence de réelle reprise économique, a alimenté des bulles spéculatives qui sont actuellement en train d’éclater. Avec le retournement du marché et la perte des valeurs des banques, l’économie s’expose de nouveau à un risque de contraction du crédit, et de chute de l’investissement. Mais aujourd’hui, l’instrument monétaire est devenu inefficient. Alors que la FED dispose d’un taux directeur à 0.5%, une nouvelle baisse serait totalement inefficace pour relancer l’investissement – une situation par ailleurs exclue par la présidente de la FED qui a affirmé vouloir continuer la progressive remontée des taux directeurs –, la politique monétaire américaine se situant dans une « trappe à liquidité », tout comme celle européenne puisque le flot de liquidité parvient tout juste à maintenir une inflation positive sans relancer l’économie véritablement.

Tandis que le scénario d’un nouveau déploiement mondial de la crise se dessine de plus en plus clairement, les marges de manœuvre se resserrent pour les institutions bourgeoises et les banques centrales. De nouveau, les discours sur le renforcement des ajustements économiques dans nos économies, et la recherche de davantage de compétitivité se font entendre comme solution à la crise. Une solution d’autant plus absurde – l’ensemble des économies commence à souffrir des signaux de la crise et il ne saurait y avoir d’îlot épargné capable d’absorber la production mondiale – qu’elle ne saurait conduire qu’à une logique de guerre ouverte, non plus seulement de classe contre classe, mais également entre les bourgeoisies nationales et les peuples qu’elles asservissent.


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