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« Jobs dating »

Education nationale en ruine : des enseignants recrutés en 30 minutes chrono en « job dating »

Confrontée à la pénurie d’enseignant-e-s, l’académie de Versailles organise cette semaine des sessions de « jobs dating », pour recruter dans l’urgence des personnels pour la rentrée. Une méthode de recrutement qui choque par son manque de considération pour les véritables besoins des élèves, mais qui témoigne surtout de la crise en cours. Le gouvernement , après avoir tout fait pour accélérer la destruction de l’Education nationale, se voit aujourd’hui contraint de mettre en œuvre des stratégies de plus en plus bancales pour poursuivre sa politique de libéralisme appliqué à l'école.

Maëva Amir

31 mai 2022

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Crédits photos : AFP

Depuis hier, et tout au long de la semaine, sont organisées par l’académie de Versailles des journées de recrutement pour faire face à la pénurie de professeurs et personnels de l’Education Nationale dans la plus grosse académie de France. C’est plus de 2 000 postes qui sont à pourvoir et parmi eux 700 professeurs d’écoles, 600 enseignants du second degré mais aussi des postes d’AESH, d’infirmière scolaire ou encore de Psychologue de l’Education Nationale (Psy-EN). L’académie de Toulouse avait déjà inaugurée la saison des recrutements en mars 2022 en organisant un « jobdating » pour devenir enseignant pendant toute une journée.

Une pénurie qui est la conséquence directe de la précarisation du métier et de l’application de méthodes libérales à l’enseignement

Cette proposition inédite du rectorat de Versailles, dans laquelle l’Education Nationale joue les recruteurs par des entretiens de 30 minutes chrono s’explique par une pénurie nationale sans précédent d’enseignants et de personnels. A rebours de ce que l’on peut lire sur la « perte d’attractivité du métier d’enseignant », il faut rappeler que cette pénurie est bien organisée par le gouvernement et ses politiques de destruction de l’Education nationale. Après 5 années de Blanquer, la situation est catastrophique tant du point de vue des conditions de travail des enseignant-e-s que des conditions d’apprentissage des élèves.

Alors que nous vivons une période d’inflation record, qui tourne autour de 5,2%, les enseignant-e-s titulaires et débutant-e-s gagnent désormais seulement 1,1% du SMIC pour un Bac +5. De quoi refroidir plus d’un candidat, quoi qu’ait pu promettre le précédent ministre avec sa « revalorisation historique ». Les récentes réformes des concours de l’enseignement ont par ailleurs eu des conséquences désastreuses sur le nombre de volontaires pour passer un concours – devenu, encore davantage, un véritable parcours du combattant – avec de nombreuses disciplines qui n’ont même pas assez de candidats admissibles pour pourvoir tous les postes. Par exemple pour le concours de professeur des écoles dans l’académie de Créteil ce sont 1079 postes qui étaient à pourvoir contre 521 admissibles au concours. En effet, depuis 2021, le concours est repoussé d’un an, tandis que des étudiants qui se destinent à l’enseignement peuvent enseigner 8h par semaine, seuls devant des classes, pour des salaires s’étendant de 693€ à 980€ net/mois… Un moyen de contractualiser et de précariser davantage les personnels, tout en faisant toujours plus d’économies, au détriment de la qualité de l’enseignement et des conditions de travail, avec des enseignant-e-s envoyé-e-s devant des classes sans formation ni accompagnement. Dans un tel contexte, envoyer des enseignants non formés devant des classes bien souvent surchargées constitue un mépris total des enseignants eux-mêmes qui sont envoyés littéralement au casse-pipe, ce qui peut susciter de nombreuses souffrances au travail pour les nouveaux profs recrutés. Dans le même temps, l’école perd toute sa dimension éducative pour les élèves puisque les enseignants ne sont plus recrutés pour faire face aux besoins éducatifs mais pour boucher les trous d’un service public en ruine.

Cette politique consciente des bas salaires, couplée à une dégradation des conditions de travail, participe de la casse de l’Education nationale et du statut de fonctionnaire, dans le but d’accroître la privatisation de l’école. Pendant sa campagne présidentielle, des proches d’E. Macron avaient annoncé la volonté du président de mettre fin au « recrutement à vie » des enseignant.es et donc d’assumer une précarisation massive des travailleurs de l’enseignement pour les remplacer par des contractuels moins chers et corvéables à merci. La fin du statut de fonctionnaire ne viendrait que poursuivre ce qui a été mis en place sous Blanquer, avec une flexibilisation croissante du métier d’enseignant, la multiplication des heures supplémentaires et des tâches.

Face à cette situation catastrophique, tant du point de vue des conditions de travail des enseignants que des conditions de travail des élèves, il y a fort à parier que le nouveau ministre de l’Éducation Pap Ndiaye présenté comme l’anti-Blanquer, ne fera que poursuivre ces politiques de destruction de l’école, dont nous commençons à peine à voir les conséquences. Pour faire face à la crise du recrutement, ce n’est pas de « jobdatings » dont l’Education Nationale a besoin, mais de moyens pour améliorer les conditions de travail, pour rémunérer les étudiant-e-s qui se destinent au métier d’enseignant-e-s, pour titulariser tous les contractuels, pour revaloriser les salaires et pour offrir un enseignement à la hauteur de leurs besoins à tous et toutes !


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