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Haro sur les étranger-e-s !

En Europe comme aux Etats-Unis : le jeu dangereux des politiques migratoires

Le texte « Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis » signé ce vendredi 27 janvier par le Président américain a suscité une vive indignation au niveau international, à juste titre. Voici ce qu’en dit l’Anafé, association qui travaille dans le domaine du droit de l’immigration.

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Ce décret interdit pendant 90 jours toute entrée sur le territoire américain des ressortissants de sept pays : Yémen, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Irak. Les entrées de réfugiés venant de ces pays sont ainsi bloquées pendant cette durée, et les demandes des réfugiés syriens, elles, le sont jusqu’à nouvel ordre.
Conséquence directe de l’entrée en vigueur du décret :

  •   des centaines de personnes, bloquées ce weekend soit à leur arrivée dans les aéroports américains, soit dans les aéroports de transit à l’initiative des compagnies aériennes, jusqu’à ce qu’elles soient renvoyées vers leur pays de provenance ;
  •   une violation de la convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés puisque des réfugiés et demandeurs d’asile sont soit contraints de rester dans les pays qu’ils fuient, soit y sont renvoyés.
     
    Mais le phénomène n’est pas nouveau. Les mesures empêchant la circulation de certaines nationalités ou de personnes en provenance de certains pays dont des réfugiés sont déjà nombreuses et le rôle d’agents externalisés des politiques migratoires, exercé de fait par les compagnies aériennes, est déjà connu et dénoncé.
     
    L’application du décret américain a évolué depuis son entrée en vigueur, notamment depuis qu’à New York et en Virginie, des juges fédéraux ont interdit, le 28 janvier, aux autorités américaines de refuser l’entrée ou d’expulser les personnes originaires des pays concernés par le décret et titulaires d’un visa valide. Le Royaume-Uni et le Canada auraient obtenu, dimanche, une exemption pour leurs citoyens qui possèdent également la nationalité d’un des sept pays concernés par le décret. Concernant les détenteurs d’une carte de résident permanent aux États-Unis, il a été annoncé que les retours seront gérés au cas par cas.
     
    Il n’en demeure pas moins que le décret reste en vigueur et que la situation vécue ce weekend par des centaines de voyageurs et réfugiés risque de se reproduire, notamment parce que les compagnies aériennes continueront de refuser d’embarquer des personnes. Cela a été le cas en France, aux Pays Bas, en Égypte, en Autriche et en Suisse par exemple. En France, les personnes sont alors en « transit interrompu » et en principe placées en zone d’attente[1] le temps d’organiser leur départ vers le pays de provenance. 
    Menacées de sanctions si elles acheminent une personne qui ne présente pas de documents de voyage valides ou à qui l’entrée sur le territoire de destination finale sera refusée, les compagnies sont de fait, des agents externalisés des contrôles aux frontières jouant le jeu des politiques migratoires. Le caractère extrêmement dissuasif de ces sanctions implique que le personnel des compagnies en vient à exécuter des missions de police, décidant si une personne peut ou non être autorisée à embarquer et représentant ainsi une autre source d’entrave à la circulation des personnes. Ainsi, les compagnies se fondent parfois sur un simple doute pour refuser à un passager de prendre son vol.
    Plus grave encore, cet arsenal porte atteinte aux droits fondamentaux des personnes et notamment des demandeurs d’asile et réfugiés.
     
    Tout ce dispositif de pression faite aux transporteurs s’inscrit très clairement dans le cadre du durcissement des politiques migratoires européennes, mais également américaines, visant à empêcher des étrangers de quitter leurs pays et/ou d’accéder au territoire.
    Si le président François Hollande a rappelé au président Donald Trump sa conviction que « le combat engagé pour la défense de nos démocraties, ne sera efficace uniquement s’il s’inscrit dans le respect du principe de l’accueil des réfugiés »[2], il est important de rappeler que la France fait partie des nombreux États qui mettent en place des mesures visant à empêcher les personnes de quitter et/ou d’arriver en France et sur le territoire européen. Citons par exemple la liste des pays soumis à visa de transit aéroportuaire (VTA), liste à laquelle la France a ajouté la Syrie en 2013[3], l’envoi d’officiers de liaison dans les pays de départ considérés comme ‘à risque migratoire’, la multiplication de fichiers...[4] Et plus récemment, la France a franchi une nouvelle étape dans le renforcement des sanctions aux transporteurs avec la réforme du 7 mars 2016, puisque les montants des amendes déjà existantes ont été doublés (en 2014, 1395 amendes ont été notifiées par la France, 1219 pour les 8 premiers mois de 2015).

    A quand un véritable changement des politiques migratoires afin de garantir et de respecter les droits humains ?
     

    [1] En octobre 2016, le ministère de l’intérieur recensait 67 zones d’attente dans les aérogares, les ports et les gares desservant des destinations internationales (frontières externes). En 2014, 11 824 refus d’entrée et 8 931 placements en zone d’attente en métropole et outre-mer, contre 23 072 refus d’entrée en 2001. A Roissy, 6 593 refus d’entrée et 7 076 placements (le nombre de placements inclut les demandeurs d’asile contrairement au nombre de refus d’entrée). A Orly, 1 108 refus d’entrée et 1 030 placements.
    En 2015, 11 666 personnes se sont vues refuser l’entrée sur le territoire dont 486 personnes en transit interrompu. 8 862 ont été placées en zone d’attente (tous motifs de placement confondus, métropole et outre-mer), dont 6932 à Roissy et 835 à Orly.
    La baisse constante des arrivées s’explique largement par les difficultés à atteindre l’Europe, de plus en plus nombreuses ces dernières années : durcissement des politiques migratoires européennes et françaises et multiplication et développement des entraves au départ (officiers de liaison, fichiers, visas, visas de transit aéroportuaire, compagnies aériennes, etc.).
    [2] http://www.lesechos.fr/monde/etats-unis/0211745984333-merkel-hollande-poutine-trump-passe-trois-appels-sur-trois-sujets-2060857.php 
    [3] Voir Communiqué ANAFE/GISTI : "Le Conseil d’État abandonne les réfugiés syriens à leur sort…en volant au secours du gouvernement français" - 25 mars 2013, http://www.anafe.org/spip.php?article262 Voir Rapport Anafé « Des zones d’atteintes aux droits », p.79, « Syrie : une solidarité française à deux vitesses » http://www.anafe.org/IMG/pdf/anafe_-_rapport_des_zones_d_atteintes_aux_droits.pdf  
    [4] Voir Guide théorique et pratique de l’Anafé, chapitre 1 « Les contrôles en amont », http://www.anafe.org/IMG/pdf/guide_anafe_web.pdf  


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