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Leur réalité et la notre

En réponse à Corinne Spilios directrice de l’usine de PSA Mulhouse : l’interview d’un ouvrier du montage

Corinne Spilios directrice de l'usine de PSA Mulhouse a donné une interview au journal l'Alsace le 7 février dernier. En reprenant les questions qui lui ont été posées, nous avons décidé d'écrire nos réponses : celles des ouvriers qui travaillent sur les lignes de montage de l'usine de Mulhouse. Une réalité bien différente de celle qu'exprime la directrice, elle qui se fait prendre en photo en tenu de travail alors qu'elle n'a jamais travaillé en chaîne de montage, ni à Mulhouse, ni ailleurs. Il est essentiel de rétablir la vérité sur la réalité de la vie au travail, notamment à PSA. Notre histoire, nos conditions de travail. Et c'est sur Révolution Permanente, le média du bon côté de la barricade, qu'on vous la raconte.

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L’Alsace  : Quel est votre sentiment à l’heure du lancement commercial du DS7 Crossback ?

Corinne Spilios directrice de l’usine de PSA Mulhouse : Ça y est , on y est. C’est la démonstration que les transformations menées depuis plusieurs années sur le site de PSA de Mulhouse ont permis de monter en gamme. C’est vrai depuis le lancement de la Peugeot 2008. Elle a tiré l’usine vers plus de qualité et vers une amélioration des conditions de travail. Le personnel était demandeur de ce passage au premium. Il en veut, il en est fier. Cela implique plus d’autonomie. Ici, les gens ont beaucoup d’expérience. Fier d’être Mulhousiens, ce n’est pas qu’une expression, mais une réalité. Mulhouse a été capable de fournir en temps et en heure et a eu un comportement exemplaire.

Vincent Duse, opérateur en ligne de montage a l’usine de PSA Mulhouse : Tout d’abord, la directrice de l’usine de Mulhouse explique que le passage en premium aurait permis une amélioration des conditions de travail. C’est un argument assez surprenant étant donné que la majorité de salariés ne voulait pas passer au nouveau système puisqu’il supprime des postes et demande plus de travail et augmente les cadences. On parle d’une cadence de 60 voitures par heure, c’est une aggravation des conditions de travail où tu cours toute la journée avec des postes intenables. A chaque fois que tu arrêtes la chaîne, c’est des remontrances voir des sanctions.

Nous n’avons pas vu de mouvement de masse pour demander le passage en premium, c’est même tout le contraire. Faire des voitures très chère comme la DS7, que seul Macron peut se payer, et continuer à avoir des salaires de misère, très peu pour les ouvriers. De plus, le cadre de travail s’est largement détérioré depuis le passage en premium, pas le droit de boire de café ou de boisson en canette au poste ni de poser ton sac, c’est plutôt une dictature.

L’Alsace : En fin de semaine, la demi-équipe de nuit C4/DS4 devient une demi -équipe de week-end. Dernière étape avant la monoflux ?

CS : Je n’ai jamais craint ce changement. Au contraire, j’ai dit que tous les collaborateurs retrouveraient des conditions de travail plus efficientes et donc améliorées. Cela se fait aussi en douceur parce que la ligne hiérarchique est présente à tous les échelons. Les ateliers sont animés par un projet managérial qui vaut pour tout le monde. La transformation inquiète, mais on peut voir après tout ce qu’elle apporte. Les skillets, qui assurent une meilleurs ergonomie de l’opérateur en poste, en sont un bon exemple. Il y a plus de plaisir dans le travail, des équipes autonomes et plus solidaires. Les collaborateurs sont souriants quand on se promène dans les ateliers.

VD : Là, c’est juste une opération de communication mensongère, tout le monde l’aura compris, que ce soit en parlant des conditions de travail plus efficientes et améliorées, ou en faisant croire que la hiérarchie aide les ouvriers qui n’arrivent pas à tenir leur poste. En vrai, ils sont là pour faire passer des postes qui sont trop difficiles à tenir sinon ce sont des pressions et des sanctions pour que tu y arrives. Sur la ligne Skillets qui assure une meilleur ergonomie, tu as, en effet, moins de déplacement mais, à chaque fois, ton poste est chargé, une multitudes de pièces à monter. Elle oublie juste que tous les mois ce sont des postes supprimés pour faire des gains de productivité. 20 postes en HC ont été supprimés dernièrement, et aujourd’hui avec la montée en cadence de la DS7 c’est une DS7 sur 7, tout le monde coule ( c’est le terme qui est utilisé pour ceux qui n’arrivent pas à tenir leur poste).

Sur le plaisir au travail et les salariés souriant, et bien lorsqu’on « se promène » dans l’atelier, non seulement personne ne sourit, tellement c’est un enfer, mais surtout les ouvriers, eux, ne se promènent pas ! Ils courent pour faire les voitures avec des cadences de malade. Par contre, il y a une question à laquelle la directrice ne répond pas. C’est sur la ligne de montage qui est passée en équipe de week-end sur la C4/DS4 et qui va être détruite à partir de fin juin, et qui fera que nous passerons en mono-flux, c’est a dire faire toutes la production sur une seule ligne de montage.

En réalité, il faudrait maintenir cette ligne de montage pour embaucher massivement tous les intérimaires, et ainsi faire des voitures sur deux ligne de montage et ne plus passer notre vie presque 7 jours sur 7 au boulot. Passer en monoflux, c’est juste accepter la flexibilité et les journées à rallonge, un crime contre les salariés.

L’Alsace : l’usine tourne à plein régime et pourtant le nombre ne cesse de diminuer . N’est-ce pas un paradoxe ?

CS : C’est exact en prenant uniquement les personnes en contrat à durée indéterminée, mais ce qui est important, c’est le volume global. De ce point de vue, les effectifs ont augmenté pour atteindre 7 160 personnes (donc 1447 intérimaires). La pyramide des âges à Mulhouse a aussi incité des personnes à partir. Les entreprises ont également permis la création de CDI . Cela ne va pas forcément beaucoup bouger, même si nous annoncé 50 personnes à Mulhouse en 2018 avec des compétences dont nous avons besoin pour préparer l’avenir. Mais cela pourra évoluer.

VD : La directrice nous refait le coup du volume global. En moyenne, nous perdons 500 salariés par an sur le site de PSA Mulhouse et ce sont plus de 25 000 emplois qui ont été supprimés dans l’ensemble du groupe. Si on s’arrête sur la période de référence 2002/2016, c’est 5 723 ouvriers en moins pour faire la même production annuelle. Voir plus ! C’est un véritable massacre. Et si on prend en compte les 1 447 intérimaires dont la grande majorité travaille au montage, on peut dire que nous sommes bien une usine de précaires. Alors que d’un côté, le site a embauché, en production, 20 personnes l’année dernière et à peine 30 en 2018 en production, de l’autre Mulhouse va supprimer 177 emplois en CDI qui ne seront pas remplacés... sans parler que le 1er mars 2018, le groupe PSA va engranger presque 3 milliards de profits !

Si on veut que ça change, il ne faut rien attendre de la direction mais imposer par la lutte l’ embauche de tous les précaires et mettre un coup d’arrêt aux suppressions d’emplois. Ils croulent sous des milliards et multiplient des plans de licenciements. Ils créent une usine de précaires pour mieux exploiter les salariés .

L’intégralité de l’interview de Corinne Spilios ici

Crédits photo : vu sur carscoops.com


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Vincent Duse

Ouvrier PSA-Stellantis Mulhouse, militant CGT

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