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Education Nationale

Enseignants : la Cour des comptes recommande de serrer la vis "managériale" pour réduire la facture

La cour des comptes a publié ce mercredi un rapport sur la gestion des enseignants intitulé « gérer les enseignants autrement, une réforme qui reste à faire ». Elle réclame une vraie « politique des ressources humaines » au sein de l'éducation nationale. Elle recommande notamment l'annualisation du temps de travail et la bivalence.

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La cour des comptes cite les résultats d’études internationales notamment celle de TIMMS faite sur des élèves de CM1 pour démontrer que les élèves français sont en deçà des moyennes européennes et internationales dans les mathématiques et dans les sciences. Elle révèle également que le pourcentage d’élèves en difficulté augmente ( 21% en 2006 à 22% en 2015) tout en stipulant que le budget alloué pour tenter de remédier à ces difficultés est équivalent aux autres pays de l’Union européenne. En outre, les 10 % d’élèves les moins performants ont vu leurs résultats aux tests PISA se dégrader de 23 points sur la même période".

Mais, ce que cette étude et le gouvernement se gardent bien de préciser, c’est qu’au cours de la même période pendant laquelle la recherche a été menée, entre 2000 et 2012, ce sont, au bas mot, 87.000 postes d’enseignants qui ont été supprimés, des coupes budgétaires massives qui ont été opérées et que les logiques de ghettoïsation de nombreux établissement des quartiers populaire se sont accrues.
Peu importe, la cour des comptes impute donc ces résultats à une mauvaise gestion des enseignants et propose de flexibiliser davantage leur statut sur le modèle de l’entreprise.

Une étude qui tombe très bien pour le ministère car les solutions qu’elle propose sont en totale adéquation avec la politique du ministre de l’éducation nationale pour casser les conditions de travail des enseignants déjà bien à mal : annualiser le temps de travail, instaurer la polyvalence et l’enseignement de plusieurs disciplines, être plus flexible, augmenter le pouvoir local et donc des chefs d’établissements, augmenter les postes à profil. Une application de telles mesures signifierait tout simplement une avancée supplémentaire dans les méthodes de management aggressives inspirées du privé, ainsi qu’une sérieuse attaque au statut de fonctionnaire dont jouissent la plupart des enseignants ( ce n’est pas le cas des contractuels, devenus la véritable variable d’ajustement de la politique de l’éducation nationale, au prix d’une grande précarité).

Comment faire travailler plus pour le même salaire ?

La cour des comptes est de nouveau en campagne pour l’annualisation du temps de travail de service des enseignants des collèges et lycées en prévoyant notamment « un contingent d’heures effectuées au sein de l’établissement au titre des missions liées à l’enseignement » Cela fait plusieurs années que cette question refait surface dans cette instance et qu’elle est proposée au gouvernement. Déjà en 2013, sous Vincent Peillon, il était question de réformer les statuts de 1950 qui organisent le temps de service des enseignants et définissaient le statut des professeurs du second degrés dans le cadre d’une discipline et sur une base hebdomadaire et fixe. Le ministre de l’Education de l’époque avait alors formulé le souhait que l’ensemble des missions des enseignants s’effectue sous un volume horaire annuel de 1607 heures. Cette formule qui faisait grincer des dents les directions syndicales a disparu de la réforme remplacée de fait par des horaires de référence définissant des missions particulières comme les rencontres parents professeurs. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, estime que « l’orientation vers un cadre annualisé doit être étudiée au regard de l’emploi du temps des élèves qui reste majoritairement hebdomadaire ».

En réalité, une définition annualisée du temps de travail sous les tuyaux du gouvernement permet toutes les flexibilités. En effet, la haute juridiction prévoit d’ailleurs explicitement de « compléter la liste des missions liées au service d’enseignement du second degré en intégrant le remplacement et la formation continue ». Annualiser donc pour faire des économies sur le dos des profs mais aussi des élèves. Augmenter les missions des enseignants, augmenter le temps de travail aura forcement des conséquences sur le travail devant les élèves. Comment organiser son temps de préparation des cours ?

Elle incite également à recourir aux heures supplémentaires, « trop peu utilisées », alors qu’elles « pourraient constituer un instrument de souplesse » dans un cadre jugé trop contraignant, à l’image de cette « heure supplémentaire obligatoire » qui est, au besoin, ajoutée aux obligations de service, plutôt que de créer de nouveaux postes. Mais les enseignants ne font pas d’heures supplémentaires par plaisir. Rappelons que le point d’indice ( qui avait été dégelé d’un pourcentage ridicule en 2016) est à nouveau gelé depuis l’élection de Macron et l’installation de son gouvernment des riches. Les enseignants font des heures supplémentaires car leur niveau de vie s’est dégradé. Les normaliser, en les intégrant dans les fonctions obligatoires des enseignants, signerait un recul majeur et le signe d’une acceptation de voir la rémunération horaire des enseignants se dégrader. Travailler plus pour gagner la même chose, ou travailler autant pour gagner moins, hors de question !

Les enseignants de français enseigneront-ils des maths ?

Autre recommandation saluée par le gouvernement, est la polyvalence des enseignants : que les professeurs du primaire aillent en collège et lycée et ceux du collège et lycée en primaire. La Haute juridiction propose également « d’instituer, dès la formation initiale, la possibilité de bivalence ou la polyvalence disciplinaire pour les enseignants du second degré intervenant en collège » et d’ouvrir cette possibilité, pour les enseignants déjà en fonction « et présentant les compétences requises », « d’opter pour l’enseignement de deux disciplines ». « Le développement de la bivalence doit être examiné au regard de l’exigence de niveau et de viviers dans le second degré », relève Jean-Michel Blanquer, alors que des problèmes de recrutement dans le second degré sont très marqués dans certaines disciplines. Or, enseigner une matière ne s’improvise pas. Chaque discipline requiert une méthode et des connaissances spécifiques . Mais peu importe, dans l’école au rabais que veut nous vendre le Blanquer, chacun peut enseigner n’importe quelle discipline.. pour pallier au sérieux manque de recrutement d’enseignants. Pensent-ils réellement nous faire croire qu’ils veulent le bien des enfants scolarisés quand ils proposent un apprentissage au rabais ? il est évident que ces mesures renforcent l’inégalité scolaire entre les enfants des quartiers riches, qui si ce n’est pas déjà le cas, fissa dans les écoles privées retrouver la qualité d’un enseignement prodigué par des spécialistes de la discipline, et des quartiers pauvres, contraints de voir le professeur de littérature jongler avec l’enseignement de l’anglais, ou celui de sciences avec le programme de maths. Les premiers touchés par ces mesures seront les enfants des quartiers populaires dans les départements les plus touchés par les sur-effectifs et le manque de personnel.

Surveillance accrue des performances des enseignants et mise en concurrence

La série noire n’est pas finie. Dans le collimateur de la cour des compte et du gouvernement, il y a aussi l’évaluation des enseignants. Déjà l’an dernier le gouvernement précédent avait mis en œuvre toute une refonte du mode d’évaluation des enseignants. L’enjeu majeur de cette réforme appliquée en cette rentrée est de renforcer l’évaluation des équipes par le chef d’établissement et une évolution de carrière plus lente ( comprendre augmentation moins rapide du salaire).

Mais pour l’institution hautement politique qu’est la Cour des Comptes, qui ne fait qu’appuyer par une « expertise » les politiques que les autorités comptent mettre en place, nous n’en sommes qu’à la moitié du chemin. Ainsi, la Cour affirme que l’évaluation des enseignants reste « insuffisamment organisée », « aucune articulation n’existe entre le repérage des enseignants en difficulté et l’organisation des inspections. » S’il est « trop tôt » pour évaluer le nouveau système instauré en 2016, la Cour regrette déjà qu’il « ne modifie pas les fondements du dispositif actuel ». Il n’incorpore par exemple pas d’éléments tenant aux résultats des élèves, ce qui demeure « atypique » au plan international.

Le rapport cite l’exemple de Singapour, où les enseignants sont évalués chaque année sur le fondement de leur contribution au développement personnel et académique des élèves, de leur collaboration avec les parents et le reste de la communauté, ainsi que leur contribution au travail collectif au sein de l’établissement. Un système dans lequel « les enseignants les plus performants reçoivent une prime sur cette base ».

Bienvenue dans le monde de la performance et de la concurrence. Bien sûr, la cour des compte n’incrimine pas le manque de moyens dans les établissements scolaires. Les suppressions de postes, les classes surchargées, le manque de moyen accru par la baisse continuelle du budget dans l’éducation nationale, les inégalités sociales n’y sont pour rien. Tout est la faute des enseignants incompétents.

Le renforcement de l’autonomie des établissements

Le projet de refondation de l’école s’appuie sur une plus grande « autonomie des établissements » - entendre pénurie des moyens, partenariat privé et accroissement du pouvoir du chef d’établissement – qui porte sur les horaires de cours mais aussi sur l’organisation du travail pour les enseignants en fonction des « projets d’établissement » et des objectifs définis par le principal. Cette plus grande flexibilité du travail permettra une évaluation individuelle en fonction de « l’efficacité des personnels », une efficacité qui n’aura plus grand chose à voir avec la qualité des cours et du suivi des élèves, mais bien la capacité de « l’agent » à remplir les « missions » qui lui auront été dévolues par le chef d’établissement – rapport, réunion, remplissage administratif sans réel impact de terrain. Derrière la réforme de l’évaluation, c’est en réalité tout ce modèle de l’entreprise qui entre définitivement dans l’éducation. Objectifs, entretien individuel et sanctions professionnelles pourraient venir remplacer la double notation actuelle (notation de l’inspection couplée à celle du chef établissement) et déterminer éventuellement « une prime selon les résultats ». Le projet de la cour est aussi de permettre au chef d’établissement un recrutement individuel sur « profil ». Comprenons la fin du statut de fonctionnaire et le développement de la précarité dans la fonction publique d’Etat ( qui ne le sera plus).

Travailler plus pour mériter une prime

Pour couronner le tout, la Cour prône le renforcement de la différenciation salariale, déjà inégale entre un agrégé et un certifié. Le salaire et les primes seront désormais au mérite selon l’implication de chacun dans des projets et dans la vie au collège. Travailler plus pour une prime, ce qui sachant que le projet gouvernemental vise à réduire le coût salarial, pourrait justifier l’abaissement de la part fixe du salaire.

La publication de ce rapport en dit long sur le projet du ministre de l’éducation nationale. Il entend broyer tous nos acquis. Depuis la rentrée, plusieurs établissements surtout dans le 93 se sont levés pour dénoncer les manques de moyens matériels et humains dans les établissements. Ils exigent des créations de postes ( enseignants, CPE, AED...) et la non suppression des contrats aidés, ils exigent des conditions de travail et d’étude dignes ( des ouvertures de lycées, des ouvertures de classes pour absorber la hausse démographique). La situation est alarmante et c’est une lutte qui doit s’étendre, non seulement pour défendre les conditions de travail des enseignants et d’études des élèves clairement menacées de dégradation, mais aussi pour exiger des moyens supplémentaire et un droit égal à l’éducation sur tout le territoire.

Pour stopper une politique globale destructrice dans tous les secteurs du public et du privé, se saisir de la journée de grève intersyndicale du 10 octobre est un premier pas. Et c’est en s’organisant dans les Assemblées générales mais aussi en exigeant des directions syndicales un véritable plan de bataille ( des journées public-privé, des échéances rapprochées) que nous pouvons organiser une riposte à même de nous faire gagner. Avec un gouvernement aussi impopulaire, non seulement elle est nécessaire mais c’est également possible de la mener.


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