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Un an après la Bataille du Rail – Partie II

Entre auto-organisation et stratégie de grève perlée, quel bilan de la bataille du rail ?

Un an après l’énorme Bataille du Rail contre la réforme ferroviaire du gouvernement Macron, Révolution Permanente partage avec l’ensemble de ses lecteurs un ensemble d’articles qui reviennent sur les principaux événements et leçons de cette lutte acharnée que fut la Bataille du Rail, où pendant plus de trois mois cheminots et cheminotes de tout le pays ont tenu tête à Jupiter. Les attaques pleuvent à la SNCF et aujourd’hui, à la lumière du mouvement des Gilets Jaunes, la défense du service public apparaît plus que nécessaire. Dans ce deuxième article, nous revenons sur le déroulement de la grève, mais surtout ses enseignements pour les luttes à venir.

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Crédit photo : LouizArt

Une grève historique qui a duré plus de trois mois. Un rejet massif de la réforme ferroviaire par les cheminots et des taux de grève élevés pour une mobilisation qui a même dépassé celle de 1995 dans la durée et le nombre de jours de grève. Mais la stratégie mise en place n’a pas permis de remporter cette bataille, pourtant décisive pour le service public et pour le futur des conditions de travail des cheminots, ce secteur stratégique ayant une longue tradition de lutte en France. Quels enseignements peut-on tirer de la bataille du rail, pour les cheminots mais aussi pour l’ensemble de la classe ouvrière ?

Rapport Spinetta : le début d’une colère cheminote sans précédent

Ce qui était frappant à la publication du rapport Spinetta le 15 février 2018, c’est que la colère des cheminots s’est fait sentir immédiatement. Dans les postes, les bureaux, les ateliers, dans les salles de repos, aux guichets, à bord des trains, les collègues discutaient de ce projet porté par le gouvernement Macron, main dans la main avec la direction de Guillaume Pepy. Un rejet massif de ce rapport donc, qui préconisait entre autres la casse du statut cheminot, le transfert du personnel vers les boîtes ou les filières privées du transport ferroviaire, la fermeture de 9 000 kilomètres de lignes de chemin de fer et l’ouverture à la concurrence. Le rapport Spinetta était donc le corollaire d’une politique de libéralisation et de casse du service public ferroviaire déjà entamée depuis plus de 20 ans en France. En effet, ce rapport était la suite logique des politiques menées pendant de nombreuses années : le tout TGV qui est majoritairement responsable de l’endettement de la SNCF, la libéralisation du fret ferroviaire, l’ouverture à la concurrence du trafic voyageur international, la casse des conditions de travail, l’éclatement de l’entreprise en différents EPIC (établissement public industriel et commercial) afin de séparer les activités rentables et non-rentables, pour mieux préparer la privatisation de l’entreprise, etc.

Les cheminots, conscients de ces enjeux, ont refusé d’assister, les bras croisés, à la destruction de l’entreprise et du service public. La démonstration la plus claire de cela a été la participation massive à la journée du 22 mars, avant même le début du plan de bataille des organisations syndicales. Lors de cette journée, plus de 25 000 cheminots ont manifesté dans la rue pour exiger le retrait de ce pacte ferroviaire mortifère. Cette journée a également été celle d’une grève aux taux historiques, malgré le fait que la principale organisation syndicale à la SNCF, la CGT Cheminots, a décidé explicitement de ne pas appeler à la grève.

La génération des cheminots qui avait fait ses premières expériences de grève en 2014 et 2016 s’apprêtait à démarrer la plus longue grève – qui a même dépassé en nombre de jours la grève emblématique de 1995. Plus de trois mois de conflit, 36 jours de grève pour ceux qui ont suivi le calendrier de grève perlée, et encore plus pour ceux qui ont entamé une grève reconductible. Un conflit dur qui a surpris par sa combativité et sa durée, même les militants les plus acharnés. Personne ne peut dire aujourd’hui que les cheminots ne voulaient pas se battre.

Avec les ONET le 22 mars

En novembre et décembre 2017, les travailleurs du nettoyage de 75 gares de la région Nord Île-de-France, embauchés par la société ONET, sous-traitant de la SNCF, ont mené pendant 45 jours une grève courageuse et victorieuse. Ces mêmes travailleurs du nettoyage, que nous avions soutenu à l’époque, se sont également mis massivement en grève ce 22 mars aux côtés des cheminots, en défense de leurs propres conditions de travail et du service public ferroviaire. Un exemple de solidarité et de conscience que cette réforme nous touche tous et toutes, un exemple de courage et de détermination à faire front, à se battre tous ensemble. Le 22 mars, plus de 450 cheminots se sont réunis en Assemblée Générale à Paris Nord. Cette rencontre était particulière et porteuse d’espoir, car elle a rassemblé aussi bien les cheminots employés par la SNCF, que ceux embauchés par l’entreprise de nettoyage ONET. Les mêmes qui, quelques mois auparavant, avaient fait une énorme démonstration de combativité en faisant plier deux géants : à la fois ONET et la SNCF.

Crédit photo : O Phil des Contrastes

Une grève populaire et non corporatiste

Pour faire passer la pilule, le gouvernement a sorti l’artillerie lourde et a commencé, dès la publication du rapport Spinetta, une véritable campagne de dénigrement des cheminots. Selon cette campagne, qui avait comme but d’encourager le rejet de l’opinion publique concernant une éventuelle grève, les cheminots étaient une corporation dont les privilèges étaient exorbitants par rapport au reste de la classe ouvrière. Mais très rapidement sur les réseaux sociaux, des centaines voire des milliers de cheminots ont posté leurs fiches de paies, ainsi que des photos et des vidéos pour illustrer les dures conditions de travail, souvent en horaires décalés, la nuit, les jours fériés, dans le froid, la neige ou la chaleur en plein été. L’image du cheminot privilégié a vite été déconstruite par les cheminots eux-mêmes. Mais ils restaient l’ennemi à abattre pour un gouvernement qui cherchait à écraser les cheminots, secteur connu en France par sa combativité et sa tradition de lutte et de résistance, dans le but d’avoir ensuite la voie libre pour écraser l’ensemble de la classe ouvrière. Mais pas de chance pour Macron : le cheminot-bashing n’a pas pris, car c’est bien cela que la plupart des travailleurs ont compris. Les cheminots étaient une digue à faire tomber pour ensuite s’attaquer à l’ensemble des secteurs. Si les cheminots perdaient la bataille, c’est tous les travailleurs qui verraient les conséquences de la défaite.

L’autre débat au centre de ce conflit a été la question du service public. Contrairement à d’autres grèves qui pouvaient apparaître comme cherchant à défendre exclusivement les conditions de travail des cheminots, cette grève est apparue depuis le début comme la grève de la défense du service public. Le danger de la privatisation, les attaques en règle contre le service public et les petites lignes prônées par le rapport Spinetta, ont suscité une véritable commotion dans la population. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que le gouvernement a décidé, à ce moment-là, de faire semblant de reculer sur la suppression des petites lignes, cherchant ainsi à contenir la colère des usagers. Malheureusement, et en accord avec ce que les cheminots avaient dénoncé à l’époque, il apparaît comme une évidence que ces déclarations n’étaient que de l’enfumage, car de nombreuses petites lignes sont en train d’être supprimées aujourd’hui.

Cette grève était différente de la plupart d’autres grèves que nous avions pu connaître à la SNCF. Un sentiment était assez fort chez un certain nombre de collègues. C’était l’idée que les cheminots ne pouvaient pas gagner seuls face à un gouvernement Macron déterminé et « droit dans ses bottes », qu’on avait besoin que d’autres corporations rentrent également dans la bataille pour faire plier « Jupiter ». « Il faut faire comme en 95, tous ensemble, aussi avec le privé », nous disaient les collègues lors des premières tournées syndicales au mois de mars. C’est ainsi que des liens avec de nombreux secteurs ont été recherchés et construits à une certaine échelle, malgré un calendrier qui ne rendait pas toujours possible la convergence. L’exemple le plus fort est probablement les liens tissés avec le mouvement étudiant, avec un slogan chanté et martelé dans les manifestations : « Cheminots, étudiants, même Macron, même combat ! ». Des expériences ont été faites à l’université de Paris 1 occupée, la Commune libre de Tolbiac, avec plusieurs milliers de personnes venues en soutien aux cheminots, ou encore à l’université de Toulouse le Mirail avec des centaines d’étudiants et de travailleurs réunis dans un meeting de convergence. Ces expériences ont apporté du courage, des enseignements et des liens précieux aussi bien pour les étudiants que pour les cheminots les plus combatifs.

Mais pourquoi nous n’avons pas pu remporter la bataille ?

A y regarder de près, on ne se trompera pas si on dit que tous les éléments étaient réunis pour gagner. Mais la bataille du rail s’est soldée par une défaite revendicative : le pacte ferroviaire n’a pas été retiré. Il suffit de regarder le début de l’application de cette réforme dans les différents chantiers à la SNCF aujourd’hui pour se rendre compte du massacre social qui est en cours. Pour comprendre pourquoi cela n’a pas marché, et même si ce n’est pas la seule et unique raison, il nous semble important d’analyser la stratégie proposée par l’interfédérale.

Dès le début du conflit, certaines organisations syndicales ont affirmé qu’une grève reconductible était impossible, car les cheminots ne suivraient pas. Cet argument est rapidement venu valider l’idée d’une grève à l’économie, qui est de fait très vite devenue une grève « à la carte » où chacun choisissait les jours qui l’arrangeaient, comme si on pouvait faire plier « Jupiter » avec une grève du moindre effort. Le 15 mars, les fédérations CGT Cheminots, CFDT et UNSA Ferroviaire ont annoncé le calendrier de grève perlée consistant en plusieurs séries de deux jours de grève, puis trois jours de retour au travail, sur une période de trois mois fixée à l’avance. Le but affiché était de « durer » le temps des négociations. On songera aux déclarations du secrétaire général de la CGT Cheminots, Laurent Brun, qui affirmait qu’avec cette grève les cheminots avaient gagné le droit de « poser des questions ». On l’aura compris, l’objectif n’a été à aucun moment de faire retirer cette réforme, mais simplement de négocier. Or, comme les cheminots l’ont démontré avec leur participation record au Vot’Action (référendum interne à l’entreprise, organisé exclusivement par les organisations syndicales), le rejet du pacte ferroviaire était massif, avec plus de 95 % des votants qui se sont prononcé contre la réforme. Il a été dit à plusieurs reprises que 9 cheminots sur 10 ont fait au moins un jour de grève. C’est un fait : la plupart des cheminots voulaient le retrait pur et simple de ce pacte de régression sociale.

Ce calendrier de grève perlée a par ailleurs eu pour conséquence de faire connaître à l’avance l’ensemble du plan de bataille sur trois mois, ce qui a largement permis à la direction de se préparer et d’anticiper suffisamment tôt pour éviter un blocage de l’économie. L’application de la loi du « service minimum » de Sarkozy (les cheminots doivent déclarer 48 h en amont qu’ils seront grévistes), que l’on pourrait appeler « loi d’entrave au droit de grève », et l’extension de ces déclarations d’intention de grève à la plupart des métiers, lui ont facilité la tâche. Cette extension de la loi du « service minimum » a d’ailleurs été décidée de manière unilatérale par l’entreprise peu avant la publication du rapport Spinetta. Attaquée en justice par SUD Rail et plus tard par la CGT Cheminots, elle a dû être retirée car illégale. Mais il était trop tard, le gouvernement était déjà passé en force…

Une stratégie de grève perlée qui a passivisé les cheminots

Ce calendrier de « grève perlée », verrouillé sur des séries de 48 h de grève, puis 3 jours de retour au travail, a joué un rôle néfaste. En effet, si le calendrier était annoncé à l’avance, sur les trois mois qu’allait durer le conflit, « à quoi bon venir en Assemblée Générale ? Il n’y a strictement rien à décider ! », nous répétaient les collègues lorsqu’on allait les voir en poste. Avec le système de déclaration d’intention de grève que prévoit la loi du « service minimum », si on déclare notre grève sur le préavis perlé, il est techniquement impossible de voter, par exemple en assemblée générale, la poursuite de la grève sur un des jours prévus de retour au travail. Il fallait donc se contenter de « cocher les cases » du calendrier les jours où les organisations syndicales nous disaient qu’il fallait faire grève. Même si on restait à la maison au lieu de venir en assemblée générale, on ne ratait pas grand-chose, vu que tout était déjà décidé jusqu’à la fin du calendrier le 28 juin… Il ne s’agit pas de nier la combativité de certaines équipes syndicales parmi les organisations appelant au calendrier, notamment de la CGT, dans de nombreuses régions. Cette combativité est incontestable. Des taux de grève très importants ont été appréciés dans certaines régions où la CGT est clairement le syndicat majoritaire, comme la région de PACA. Il est dommage que cette combativité et cette détermination n’aient pas été mises au service d’une stratégie qui permette aux cheminots de gagner.

La conséquence a été sans appel : des premières assemblées générales de plus de 450 cheminots dans la région de Paris Nord par exemple, on est vite passés à des assemblées générales d’une centaine, ou un peu plus dans les temps forts de la grève, comme la « journée sans cheminots » du 14 mai. Cette stratégie de grève ficelée a donc joué le rôle de rendre les cheminots passifs, avec des records regrettables de faible participation en assemblée générale, au lieu de les inciter à s’impliquer dans le mouvement, à s’organiser, à décider des suites.

Pourquoi SUD Rail n’a pas su être une alternative ?

Contrairement aux trois organisations citées ci-dessus, SUD Rail a défendu l’idée d’une grève reconductible par période de 24 h afin de donner la parole aux grévistes dans les assemblées générales. Cette politique, qui à notre avis était juste, a malheureusement été très vite assez inaudible. Dès le soir du 15 mars où l’interfédérale annonçait la mise en place du calendrier, SUD Rail n’a pas porté assez clairement, de manière homogène et à une échelle nationale, la nécessité de la grève reconductible pour faire plier Macron. En plus de certains passages dans les médias où cette question n’était pas mise en avant de manière claire et franche, certains syndicats régionaux, parmi les 25 qui composent la Fédération, ont commencé localement à porter la politique de la grève perlée, sous prétexte d’une soi-disant nécessaire unité syndicale à tout prix. Cette unité, qui se faisait sur la base d’une stratégie qui n’a pas permis de faire retirer le pacte ferroviaire, a enfermé certains syndicats régionaux dans une logique perdante. Valait-il mieux maintenir coûte que coûte l’unité syndicale, même si c’était finalement pour renoncer à une victoire ? N’aurait-il pas fallu batailler pour construire une alternative face à cette stratégie de la défaite ?

Le mot d’ordre de retrait du pacte ferroviaire a fait partie des revendications portées par SUD Rail dès le début de la grève. Néanmoins, le fait même de participer aux négociations avec la ministre des transports Élisabeth Borne d’abord, et avec le Premier Ministre Édouard Philippe ensuite, a rendu inaudible cette revendication qui était pourtant la plus légitime, et validée par les cheminots en grève. Qu’allait-on chercher dans ces négociations si notre objectif était le retrait pur et simple du pacte ferroviaire ? De la même manière, avant même la fin de la séquence de grève prévue par le calendrier, la lettre à l’adresse d’Élisabeth Borne, signée par toutes les organisations syndicales, SUD Rail compris, en mettant l’accent sur la négociation de la convention collective, alors même que l’on était encore et toujours en grève pour le retrait du pacte ferroviaire, a encore brouillé les cartes et rendu difficile la tâche de construire une alternative solide à la politique de l’interfédérale. En ce qui nous concerne, nous sommes convaincus qu’il aurait fallu construire cette alternative, indépendamment des étiquettes syndicales, avec tous les cheminots et les équipes les plus combatives qui cherchaient à dépasser la politique des directions syndicales, qu’ils soient à SUD Rail, à la CGT ou ailleurs, qu’ils soient d’ailleurs syndiqués ou non-syndiqués.

L’exemple des grévistes de Paris Nord et de la rencontre Intergare

Dans la région de Paris Nord, avec l’Assemblée Générale interservices, ouverte aux syndiqués et non-syndiqués, tous métiers confondus, de l’ensemble de la région, nous avons défendu l’idée que la grève appartenait aux grévistes, et qu’il fallait que les cheminots prennent en main leur mouvement et décident par eux-mêmes du plan de bataille. Dans plusieurs endroits, des comités de mobilisation ou de grève ont été mis en place, comme à Paris Est, qui ont également permis aux grévistes de s’organiser et proposer des actions, quelle que soit leur étiquette syndicale. Les grévistes de plusieurs gares et dépôts se sont organisés à travers des piquets de grève, afin de faire connaître leur détermination et de chercher à convaincre de nouveaux collègues.

Dès le 22 mars, sur la Région de Paris Nord, l’idée que la grève appartient aux grévistes a trouvé un écho parmi les cheminots les plus déterminés : nous avons voté la revendication du retrait du pacte ferroviaire sans négociation, et le principe de la grève reconductible par périodes de 24 h, qui s’est traduit ensuite par une grève reconductible militante, dont se sont emparé plusieurs dizaines de cheminots. La participation de nombreux non-syndiqués a été importante ; ils sont devenus au fil du conflit des vrais militants de la grève. Pour nous, la question de la grève reconductible était centrale, une grève reconductible militante, pour se donner les moyens d’aller chercher nos collègues, tisser des liens avec les autres secteurs. Comment converger et soutenir les étudiants de Tolbiac quand ils étaient menacés d’expulsion par exemple, lorsque nous faisons grève 2 jours et que nous travaillions 3 jours ? La grève reconductible est également la meilleure manière pour que les travailleurs prennent les décisions concernant leur mouvement. Car c’est en votant la grève au jour le jour, en discutant des actions à mener et en réfléchissant collectivement à l’organisation de notre lutte, que le fait de venir en assemblée générale reprend tout son sens.

C’est à partir de cette expérience, qui a attiré l’attention de nombreux médias qui venaient régulièrement dans notre assemblée générale, et avec des cheminots combatifs d’autres régions, que nous avons impulsé les rencontres intergares. Ces rencontres ont permis de regrouper jusqu’à quelques centaines de cheminots de différentes gares d’Île-de-France, et certains venant de régions, en moyenne une fois par semaine pendant la durée du conflit. Ces rencontres ont été à la fois une école de démocratie ouvrière et un embryon de coordination des grévistes les plus combatifs qui ont souhaité porter une stratégie alternative à celle proposée par les directions syndicales. [1]

Parce qu’au-delà même des chiffres de grévistes ou de la question de l’unité syndicale par en haut comme une fin en soi, la question fondamentale est de savoir si cette expérience de grève et de mobilisation pouvait donner lieu à une nouvelle génération de cheminots conscients. Une génération capable de comprendre la nécessité de l’auto-organisation et de mener la bataille contre la stratégie de la défaite prônée par les directions syndicales. Ces dernières ne cherchaient, finalement, qu’à négocier le poids des chaînes, au lieu d’inverser la vapeur pour mettre en ordre de bataille l’un des bataillons les plus combatifs de la classe ouvrière en France. Cela aurait été la seule manière de faire plier Macron et de démontrer ainsi qu’il n’était pas invincible. Cela aurait été un énorme apport pour l’ensemble des travailleurs, au-delà même des cheminots de la SNCF.

Crédit photo : O Phil des Contrastes

Une défaite revendicative, certes, mais pas une victoire écrasante du macronisme

La bataille du rail n’a donc pas permis de faire reculer le gouvernement. Même s’il s’agit d’une nette défaite revendicative pour les cheminots, ce qui n’est évidemment pas anodin, cela n’a pas non plus été une victoire écrasante pour le macronisme. L’objectif de Macron était clairement d’humilier les cheminots, pour ensuite s’attaquer et discipliner tous les autres secteurs de la classe ouvrière, et ainsi chercher à rattraper le retard qu’a la France par rapport à la plupart de ses voisins européens en termes de casse des droits sociaux.

Non seulement Macron n’a pas réussi à écraser les cheminots, mais les cheminots sont au contraire fiers d’avoir tenu tête à « Jupiter ». Cette fierté ouvrière était particulièrement visible dans le cortège intergare et intersyndical lors de la manifestation du 28 juin. Contrairement à ce qu’auraient pu espérer la direction et le gouvernement, cette manifestation avait un air de début de mouvement, avec des chants qui ne finissaient jamais et une combativité intacte. En effet, après la fin du calendrier perlé, les cheminots étaient encore debout, comme l’ont démontré par exemple les conducteurs du dépôt de Sotteville, dans l’agglomération rouennaise, qui ont engagé un bras de fer avec la direction pendant 50 jours de grève reconductible jusqu’à obtenir satisfaction sur des revendications locales.

Même si cette bataille du rail n’a pas été remportée par les cheminots, la suite de l’histoire reste encore à écrire parce que la guerre est loin d’être perdue. Désormais, la direction a devant elle la tâche d’appliquer concrètement cette réforme, ainsi que toutes les restructurations et réorganisations qu’elle cherche d’ores et déjà à mettre en place. Il reste à voir si les cheminots arriveront à tirer des leçons de cette première bataille, pour ne pas refaire les mêmes erreurs et apprendre des expériences fortes de cette grève, pour enfin gagner la guerre. Avec les militantes et militants cheminots de Révolution Permanente, nous essayons de mettre nos efforts au service de cette perspective.


NOTE : Cet article fait partie d’une brochure contenant un ensemble d’articles qui abordent différents aspects de la Bataille du Rail et de la politique qui a été menée et proposée par les cheminots militant à Révolution Permanente. Si vous souhaitez recevoir cette brochure, n’hésitez pas à nous solliciter : [email protected]

Format A4, 42 pages


[1Pour une compréhension plus aboutie de l’expérience de la rencontre intergare, vous pouvez consulter l’article présent dans cette brochure.



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