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Derrière la traque des réfugiés de la Chapelle, l’ombre de la pire dictature africaine

Erythréens : bienvenue au « pays des droits de l’homme »

Renan Granger La chasse aux migrants lancée depuis plusieurs jours en plein cœur de Paris par le gouvernement « socialiste » résonne étrangement avec un rapport de l'ONU de 500 pages publié il y a quelques jours, décrivant les conditions de brutalité extrême dans lesquelles vit la population érythréenne. Or, parmi les réfugiés de la Chapelle délogés par la violence à plusieurs reprises, nombreux sont ceux qui viennent de ce petit pays d'Afrique de l'Est.

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L’enfer érythréen

L’Érythrée, pays situé dans la corne de l’Afrique, au bord de la Mer Rouge, n’a pas la faveur des grands médias. Et pourtant, elle est considérée comme l’une des pires dictatures militaires de la planète. Le service militaire y est obligatoire et à durée illimitée. La prison, la torture, les abus sexuels y sont monnaie courante, et ce sans aucune forme de procès.

Cette dictature militaire sert à maintenir le calme dans un pays où les conditions de vie sont désastreuses. Avec un IDH de 0,381 en 2013, l’Erythrée fait partie des pays du monde où les conditions de vie sont les plus dures. La part de la population en situation de sous-alimentation était d’environ 65% en 2011 et l’espérance de vie à la naissance de seulement 63 ans.

La conséquence principale de cet enfer est la fuite massive des érythréens de leur pays d’origine : on estime que plus de 300 000 d’entre eux auraient déjà quitté ce territoire de seulement 6 millions d’habitants, et cet exode continue aujourd’hui avec environ 5000 départs par mois. Et ce malgré un féroce contrôle des frontières de la part du pouvoir : barbelés, champs de mines, garde-frontières armés qui n’hésitent pas à ouvrir le feu. Et ce, malgré l’horreur du voyage qui les attend pour traverser la méditerranée. Et ce, malgré les conditions de vie désastreuses qui les attendent, en France ou ailleurs, en plus du harcèlement et de la violence policière.

Une situation utile à l’UE

L’exploitation des travailleurs érythréens bénéficient largement aux grands entreprises, par exemple en ce qui concerne les ressources minières du pays (or, zinc, cuivre, nickel, potasse) qui enrichit des entreprises canadiennes, chinoises et australiennes. La France est aussi bien placée pour se servir de la dictature militaire : ainsi, le flux d’investissement français vers l’Erythrée a fortement progressé de 7M de dollars en 2007 à 55M de dollars en 2010. Total Erytrea, filiale de la première multinationale française en terme de bénéfices, est par exemple devenu le deuxième opérateur pétrolier du pays. Enfin l’Erythrée confinant avec Djibouti, de facto semi-protectorat de Paris et base militaire pour l’armée, compte-tenu de la fragmentation somalienne voisine (à laquelle Asmara contribue, par ailleurs), l’enjeu, pour les impérialistes et la France en particulier est qu’il vaut mieux soutenir un pays à régime fort, dans la région, plus encore dans une aire géographique stratégique pour le commerce mondial.

Cette invisibilisation de l’Érythrée est donc fonctionnelle aux intérêts occidentaux, et l’Europe cautionne largement la situation érythréenne. Selon Bruxelles, le régime d’Asmara n’est pas une dictature , l’UE maintient des relations cordiales avec le gouvernement en place et elle a même donné des millions d’euros au pays afin qu’il « améliore ses conditions internes ». Difficile de maintenir l’idée que la France intervient dans le monde pour combattre la « barbarie » quand elle laisse faire dans le même temps une des plus féroces dictatures militaires du moment. Surtout, ne pas parler de la situation des Érythréens permet de donner caution à la violence policière qu’ont subie les réfugiés ces derniers jours.

L’instrumentalisation de la misère humaine

Malgré l’invisibilisation de la situation des migrants érythréens, celle-ci reste une épine dans le pied pour le gouvernement « socialiste » car l’ONU demande aux pays occidentaux d’accepter tous les réfugiés érythréens, en raison de la gravité de la situation. Par conséquent, les migrants érythréens sont plus facilement régularisés que les autres. C’est pourquoi les États européens se renvoient fréquemment les migrants venus de ce pays entre eux, pour éviter d’être obligés de les régulariser.

Le gouvernement de Hollande-Valls s’appuie largement sur cette situation pour diviser les réfugiés de la Chapelle, en demandant par exemple aux Érythréens de dénoncer ceux qui se feraient passer pour un des « leurs ». Cette logique d’instrumentalisation de la misère humaine pour mieux diviser les réfugiés est la même que celle qui avait conduit les responsables socialistes à ne proposer, de manière scandaleuse, des places d’hébergement que pour une partie d’entre eux. La division des réfugiés ne peut-être qu’un obstacle à la défense de leur situation individuelle, et ne sert qu’au pouvoir pour augmenter la répression du mouvement. La défense intransigeante de tous les migrants, voilà donc l’enjeu, pour ne pas affaiblir leur mouvement.

19/06/15


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