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Crise chez Les Républicains

Estrosi fonde son propre mouvement

Dans la crise de représentativité aucun des partis traditionnels n'est épargné. Alors que le PS est moribond, sans aucun leader, les Républicains qui ont résisté plus longtemps est entrain d'imploser en une multitude de mouvements. C'est au tour de Christian Estrosi, figure incontournable du parti de créer son mouvement.

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Crédit Photo : vu sur Oumma.com

Après Valérie Pécresse, Daniel Fasquelle ou Guillaume Peltier, c’est désormais le maire de Nice, Christian Estrosi, qui a annoncé mardi 12 septembre la création d’un nouveau « mouvement d’élus locaux qui veulent se placer au dessus de la mêlée » et qui aurait pour but de combler le « vide énorme entre Les Républicains qui se sont profondément radicalisés et une droite macroniste ». Estrosi, dans son interview donnée au Figaro, explique que son mouvement sera lancé « après les sénatoriales [du 24 septembre], pour ne pas interférer dans cette élection. ». Ainsi, avec « un comité de membres fondateurs d’une cinquantaine d’élus qui illustre la France dans sa diversité. Certains maires restent attachés aux Républicains, d’autres à La République en marche, d’autres encore sont liés aux “constructifs” ». Estrosi essaye de se placer dans la prochaine période politique en voulant « dépasser les partis traditionnels » comme la nouvelle formule l’exige. « Nous avons le devoir de réfléchir en vue de proposer une nouvelle espérance à ces millions d’électeurs en déshérence - qu’ils soient de droite, de centre droit et peut-être de centre gauche - qui ne se retrouvent pas dans les vieux partis politiques. À Nice, j’ai rassemblé 5 000 personnes le 1er septembre pour ma rentrée, quand ça fait bien longtemps que chez Les Républicains on peine à avoir 300 personnes ! ». Il affirme dans son livre que « le clivage gauche-droite est devenu inopérant, au pire nocif ». Une façon de plus de se positionner comme Macron compatible et d’essayer de surfer sur la vague de crise de représentativité.

Un pied dehors, un pied dedans

Estrosi, malgré se tournant opportuniste dont lui seul à le secret, explique qu’il est « toujours membre des Républicains. Mais je n’y trouve plus ce qui a constitué le fondement de mon engagement politique, le gaullisme ». Lui qui a d’ores et déjà annoncé qu’il ne voterait pas à l’élection, en décembre, pour la présidence des Républicains, a attaqué ouvertement son parti. Notamment sur l’élection de la présidence du parti prévue pour décembre. Celle-ci risque, selon lui, de radicaliser un peu plus Les Républicains. « Nous nous lançons dans une nouvelle élection sans avoir tiré les leçons de ce qui nous a conduit aux échecs » de la présidentielle et des législatives. De fait, le parti continue d’aller « dans le mur en klaxonnant. »

« Si, à l’arrivée, il s’agit de continuer à concurrencer le Front National, à faire de la surenchère et à multiplier les coups de menton, il est évident que ce n’est plus au sein des Républicains que la droite française serait représentée »

Il attaque ainsi Laurent Wauquiez, le grand favori pour l’élection de décembre qui oppose, pour l’heure, six candidats. Mais sa ligne très droitière, lorgnant sur le FN, suscite les critiques et même une certaine opposition. Dimanche, Valérie Pécresse avait déjà lancé le mouvement « Libres ! » pour se démarquer de sa position en prenant bien soin, comme Estrosi, de ne pas se présenter en face de lui, lui laissant la voix libre face à des petits candidats. Cette stratégie leur permet de voir venir suivant la réaction de la base électorale des Républicains.

D’après le maire de Nice, « ceux qui dirigent aujourd’hui Les Républicains sont ceux qui ont organisé la défaite. Contre vents et marées, ils ont soutenu le projet et la campagne de notre candidat à la présidentielle et ouvert la porte à Sens commun. Je note d’ailleurs que ce sont eux qui organisent aujourd’hui l’élection à la présidence des Républicains. » On se rappelle qu’il était l’un des pontes du parti à désavouer publiquement Fillon, allant jusqu’à s’entretenir avec Macron avant même le premier tour laissant entrevoir un rapprochement et même un poste ministériel pour l’ancien président de la Région Paca.

D’ailleurs à la question du Figaro sur quelle sera la ligne politique de son mouvement, la réponse est claire. « Soutenir tout ce qui est dans l’intérêt de notre pays. Emmanuel Macron a engagé des réformes que personne n’a su ou osé faire dans les trente dernières années. Il y a dans sa détermination quelque chose de Margaret Thatcher. Naturellement, je ne soutiendrai pas n’importe quelle réforme mais j’appuierai toutes celles qui rompent avec le passé. Si la France ne se réforme pas au rythme où nous réformons nos propres collectivités territoriales, alors les extrêmes l’emporteront lors des prochaines échéances électorales. » Il faudrait peut être rappeler à Estrosi que la politique ultra-libérale de Thatcher n’a pas grand chose à voir avec la politique gaullienne qui s’appuyait sur un minimum de dialogue social. Ca ne passe pas très bien pour celui qui veut se muer en nouveau chantre d’un « gaullisme social, ouvert et européen »

Estrosi où l’opportunisme politique

Il n’hésite pas à tacler son « ami » Laurent Wauquiez sur son rapprochement avec les idées du FN pour tenter de se partager leur base électorale mais lui même dans les faits partage beaucoup de choses avec le parti de Marine Le Pen. Il surfe entre droite dure et droite d’ouverture. A Nice, il voulait mettre en place toute une batterie de mesures sécuritaires notamment installer des policiers armés à l’intérieur des écoles. Une mesure très critiquée par les enseignants et les parents d’élèves mais aussi son acharnement envers la mosquée En-Nour. Il s’en défend en expliquant qu’« elle a bénéficié de financements illégaux », mais personne n’est dupe. En 2013, il avait déclaré que « l’islam n’est pas compatible avec la démocratie » depuis il a essayé d’être moins islamophobe : « Je demande à mes compatriotes musulmans de faire les mêmes sacrifices que ceux que les catholiques et les juifs ont acceptés en leur temps, pour se conformer aux règles de la laïcité ». Il peut reprocher les accointances des Républicains avec Sens Commun mais personne n’oublie que lui même était opposé au mariage pour tous. Le Front National ne lui faisait pas peur lorsqu’en 1998 il avait voulu s’allier à eux pour ravir la présidence de la région à la gauche. A l’époque, c’était le Front National de Jean-Marie donc moins politiquement fréquentable. En même temps, Estrosi a fait ses début en politique aux côtés de Jacques Médecin du RPR. Ce dernier, lors du débat sur le projet de loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse, défendu par Simone Veil, rescapée de la Shoah, s’est prononcé contre l’avortement en déclarant notamment que « l’avortement, c’est un meurtre » et parlant de « barbarie organisée et couverte par la loi comme elle le fut par les nazis ». On ne peut pas s’étonner alors que celui qui se pose en sauveur du gaullisme ait quelques positions extrêmement réactionnaires.

Estrosi est une personnalité politique très habile. La création de son mouvement coïncide avec une crise politique de plus en plus ouverte au sein des Républicains. Il tente ainsi de se poser en défenseur du gaullisme face à des Républicains à bout de souffle qui ne peuvent que lorgner sur la droite étant donné que Macron a canalisé sur la gauche du parti.


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