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Décadence impérialiste

Etats-Unis. Débat Trump-Biden : peu de divergences et un débat sans profondeur avant les élections

Après un premier débat théâtral qui a montré toute la décadence du régime états-unien, Trump a baissé le ton et Biden tenté de donner quelques coups dans le cadre d'un face à face ennuyeux, avec plus d'accusations de corruption que de divergences de fond sur des questions importantes.

Madeleine Freeman

24 octobre 2020

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Cet article est une traduction d’un article paru dans La Izquierda Diario, le portail en espagnol du réseau international de journaux dont fait partie Révolution permanente.

Le débat de ce jeudi, le dernier avant les élections présidentielles du 3 novembre, n’était pas très distrayant. A tel point que sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes ont désigné la présentatrice Kristen Welker comme la meilleure actrice de la soirée.

Après le tableau décadent peint par le premier débat, marqué par des cris et attaques sans profondeur sur aucun sujet, les conseillers de Trump lui ont recommandé d’adopter un ton plus réfléchi. Ceci, associé à un Biden sans charisme, malgré les quelques coups qu’il a pu porter, a donné lieu à un débat ennuyeux et sans grand rebondissement, 11 jours avant les élections.

Au lieu d’une confrontation entre le “Cheeto-en-chef” et “Sleepy-Joe”, le débat constituait un échange entre deux candidats représentatifs du bipartisme d’un pays impérialiste, dans une tentative désespérée de la bourgeoisie des États-Unis de rétablir l’équilibre en pleine crise sociale, politique et économique. Trump, de plus en plus en désaccord avec les Républicains ces dernières semaines, a tenté de retenir en grande partie sa rhétorique populiste habituelle ; Biden, lui, a soigneusement cherché à se positionner le plus à droite possible pour se démarquer des secteurs les plus progressistes du Parti démocrate, dans l’espoir de maintenir son avance dans les sondages nationaux.

A deux semaines de l’élection, ce débat portait sur la stabilité et la manière de revenir à la "normalité" face à la crise, chaque candidat essayant de rejeter la faute sur l’autre.

Une fois de plus, la stratégie de Biden a consisté à transformer le débat en un référendum contre la présidence de Trump. Mais au lieu de se mettre sur la défensive, Trump a réagi en essayant de mettre des revers à Biden tout en remettant en cause l’ère Obama. En fin de compte, aucune des deux stratégies n’aura résisté à l’examen et prouvé qu’elle avait quelque chose à offrir aux millions de travailleurs qui souffrent sous le joug d’un impérialisme en déclin.

La pandémie et le secteur de la santé

Le débat a commencé autour du sujet de la pandémie, la modératrice Kristen Welker s’étant enquise du plan de chaque candidat pour combattre la prochaine vague de coronavirus. Trump a continué à minimiser la pandémie, affirmant que les Américains "apprenaient à vivre avec", même si les cas de coronavirus ont augmenté de 32 % dans tout le pays au cours des deux dernières semaines seulement. Une fois de plus, il a essayé de blâmer la Chine, en prétendant qu’il ferait "payer" la Chine pour le coronavirus et en promettant un vaccin dans quelques semaines (malgré toutes les preuves scientifiques affirmant le contraire).

Touchant le point faible du président, M. Biden a souligné la mauvaise gestion de la pandémie par M. Trump, du déni scientifique flagrant du président à la suppression des informations sur la gravité de la pandémie. Biden a essayé de se présenter comme l’option "responsable" - comme un président qui pouvait maintenir la contagion à un faible niveau tout en maintenant l’économie. Faisant appel aux conseils de professionnels de la santé, il a suggéré de fermer les bars et les salles de sport qui voient le nombre de cas augmenter et de donner aux écoles des fonds pour installer des systèmes de ventilation. Mais c’est là que réside le faux choix présenté par les deux candidats.

En fin de compte, si Biden parle de la gravité de la pandémie et de ses effets sur les travailleurs, sa solution consiste en réalité à négocier "un peu moins de morts" pour maintenir une économie stable. Biden a peut-être accusé à juste titre M. Trump d’être responsable des plus de 223 000 décès aux États-Unis, mais lorsqu’on lui a demandé s’il était favorable à la fermeture de l’économie si cela signifiait sauver des vies, il a évité la question et a dit qu’il voulait "mettre fin au virus, pas au pays". Ni Biden ni Trump ne sont prêts à arrêter la pandémie si cela implique de nuire aux profits des capitalistes.

Il en a été de même dans la discussion sur les soins de santé, qui a une fois de plus trouvé Joe Biden à droite lorsqu’il y a été poussé par Trump. Alors que des millions de personnes nagent dans les dettes hospitalières et s’inquiètent de la façon dont ils paieront le traitement au Covid-19, les deux candidats se sont mis d’accord sur un système d’assurance maladie payant et ont rejeté la possibilité d’un système de santé universel. Trump a voulu attaquer les prétendus plans de Biden pour une "médecine socialisée" et a affirmé que le candidat du Parti démocrate serait soumis au programme soi-disant radical de progressistes comme Ocasio Cortez et Bernie Sanders une fois au pouvoir. Mais Biden s’est empressé de clarifier la question, en disant que Trump était "confus". "Je suis Joe Biden", a-t-il déclaré, prenant ses distances avec Sanders, qui a utilisé son influence massive pour faire campagne pour Biden depuis qu’il a quitté la course. Loin de faire des concessions à la gauche pour s’assurer des votes, Biden a clairement indiqué qu’il était du côté des compagnies d’assurance et des compagnies pharmaceutiques.

Deux visions de l’impérialisme américain

Contrairement au premier débat présidentiel, Trump et Biden ont tous deux longuement parlé de politique étrangère et des mesures qu’ils allaient prendre pour revitaliser le projet impérialiste américain ; tous deux ont essayé de se présenter comme le candidat le plus dur face aux menaces étrangères contre l’hégémonie américaine et le plus proactif pour imposer les intérêts impérialistes américains à l’étranger. Biden est passé à l’offensive, accusant Trump d’être trop doux avec les dirigeants étrangers.

Interrogé sur les rapports d’ingérence russe et iranienne dans les élections de 2020, M. Trump a déclaré que l’ingérence de la Russie et de l’Iran était la preuve de leur désir de le démettre de ses fonctions par crainte de nouvelles restrictions et sanctions. M. Biden est allé encore plus loin, affirmant qu’une telle ingérence n’était rien de moins qu’une attaque contre la "souveraineté américaine" pour laquelle ces pays seraient obligés de payer, ignorant soigneusement la longue histoire de l’impérialisme américains, les coups d’État et les évincements de dirigeants étrangers, y compris ceux qui ont eu lieu sous Obama, comme le coup d’État au Honduras en 2012 et l’intervention militaire en Haïti en 2010.

En ce qui concerne la Chine, Trump et Biden ont tous deux promis d’être "durs" dans leurs relations avec le pays. Alors que Trump a déclaré qu’il était en train de faire payer à la Chine la pandémie, M. Biden a déclaré qu’il astreindrait la Chine aux normes internationales et lui imposerait des restrictions sévères. Ils ont présenté des points de vue en apparence opposés sur la manière de mettre la Chine sous le contrôle des États-Unis, qui, en fin de compte, ne sont que des manières différentes d’imposer l’impérialisme américain. Quelle que soit la façon dont on voit les choses, ces deux politiques, que ce soit "l’Amérique d’abord" ou la tentative nostalgique de revenir au multilatéralisme traditionnel, signifient des sanctions, des troupes et un désastre pour la classe ouvrière mondiale.

Qui a construit les cages ?

Mais peut-être qu’à aucun autre moment du débat, les deux candidats n’ont été plus difficiles à distinguer que sur la question de l’immigration. Kristen Welker a commencé sa question par la désagréable nouvelle des 545 enfants qui ont été détenus par les services d’immigration américaine et dont les parents ne peuvent être trouvés parce qu’ils ont déjà été expulsés. La brutalité de cette réalité est indescriptible : des enfants qui grandissent dans des cages, séparés de leurs parents pendant des années, des enfants qui ne reverront peut-être jamais leur famille.

Comme on pouvait s’y attendre, Trump a fait un détour et a prétendu à tort que ces enfants avaient traversé sans leur famille. Il a redoublé de rhétorique anti-immigrants, mettant la responsabilité de la pandémie et de la crise économique sur le dos de l’immigration. Tout au long de sa présidence, les politiques de Trump ont renforcé les groupuscules racistes et haineux, donné du pouvoir aux patrouilles frontalières paramilitaires et attaqué ouvertement les communautés d’immigrants. Mais son aversion ouvertement xénophobe pour les droits humains fondamentaux des migrants a également mis en lumière la politique d’immigration raciste et sans entrave de l’ensemble des États-Unis, que ce soit sous les administrations républicaine comme démocrate. Lorsque Biden a accusé Trump de jeter des enfants en cage, celui-ci a répondu par ce qui a peut-être été l’attaque la plus habile de la nuit : "Qui a construit les cages ?”

Avec un geste peu commun, Biden a évité la question en disant qu’il n’était pas d’accord avec toutes les politiques d’immigration de l’administration Obama. Mais cela ne cache pas la vérité : les démocrates et les républicains ont construit ces cages ensemble, tout comme ils ont construit le mur frontalier ensemble, et comme ils lâchent souvent des bombes sur les populations civiles ensemble.

"Je suis la personne la moins raciste dans cette salle"

Après ses appels flagrants à l’extrême droite lors du dernier débat, la déférence de Trump pour la suprématie blanche et les inégalités raciales ont été rappelées lors du débat. Pendant que les républicains poussaient un soupir de soulagement en constatant que cette fois, Trump ne s’était pas ouvertement rangé du côté des Proud Boys, Trump est même allé jusqu’à affirmer qu’il avait fait "plus pour la communauté afro-américaine que n’importe quel président, à l’exception d’Abraham Lincoln".

Bien qu’ils aient essayé de s’exposer mutuellement, les deux candidats n’ont pas pu cacher leurs propres histoires et politiques totalement désastreuses sur la situation des Afro-Américains. Pour sa part, Biden a encore trébuché lorsqu’il a été confronté à son rôle dans la rédaction du Crime Bill de 1994, qui est responsable de l’emprisonnement et de la privation de droits de millions de personnes non blanches aux États-Unis.

Les dernières minutes du débat étaient centrées sur la question de la crise climatique, soulignant à quel point cette question essentielle est sans importance pour les candidats du capitalisme impérialiste. Biden a très bien parlé de l’urgence du changement climatique, mais ses politiques, comme celles de Trump, sont bien loin d’être suffisantes pour nous sauver de la catastrophe écologique. Avec un nouveau rapport affirmant que la production capitaliste pourrait ruiner la planète d’ici 2050, il n’y a pas de temps à perdre avec le "capitalisme vert" ou des politiques climatiques progressives. Les accords de Paris ne peuvent pas nous sauver maintenant. Mais ni Trump ni Biden n’apportent de solution au changement climatique. Trump, tout en déclarant son "amour" pour l’environnement, n’a fait que présenter de nouveaux plans visant à réduire des protections environnementales déjà insignifiantes. Pendant ce temps, Biden redoublait d’efforts pour réaffirmer son engagement auprès des entreprises capitalistes.

Grandiloquence et théâtralité en moins, ce dernier débat a montré plus clairement que jamais qu’en fin de compte, ni Trump ni Biden ne seraient une option pour la classe ouvrière et les opprimés, encore moins dans cette période de bouleversement social, politique et économique. Bien qu’ils puissent utiliser des tactiques différentes, tous deux ont clairement fait savoir sur la scène du débat qu’ils ont l’intention de reconquérir l’hégémonie impérialiste américaine, au détriment de la classe ouvrière et des opprimés du monde entier. Ces deux candidats au capital n’ont rien d’autre à offrir que plus de misère et d’insécurité face à une deuxième vague épidémique et à une récession mondiale qui s’aggrave.


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