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Un toit, c'est un droit !

Expulsion de Luttopia 02 à Montpellier : 110 personnes à la rue

Cornélie Maunard et Dom Thomas Hier vendredi 8 octobre, 300 CRS mandatés par la Préfecture de l'Hérault ont débarqué aux portes du centre social autogéré Luttopia 02, à Montpellier, pour expulser la centaine de résident.e.s qui y avaient trouvé refuge depuis un an. Ce sont donc 110 personnes que les institutions viennent de priver de leur logement, du soutien et des possibilités de construction de leur vie dont elles bénéficiaient dans ce lieu.

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Luttopia 02, lieu d’habitation et d’activités ouvert depuis plus d’un an, était installé dans un ancien bâtiment de la DDASS, appartenant donc au Conseil Général, inoccupé depuis plus de sept ans. Il s’inscrit dans la continuité de Luttopia 01, installé dans un autre bâtiment et dont les habitants avaient été expulsés il y a un an. En réquisitionnant des bâtiments vides pour y installer des personnes et des familles sans logement, le collectif démontre ainsi que c’est le manque de volonté des institutions qui laisse à la rue des centaines de personnes – pour la seule ville de Montpellier.

L’expulsion de Luttopia 02 avait été décidée dès janvier, mais reculée au 2 juin, puis à la rentrée, grâce à une lutte continue. Les 110 résidents, finalement prévenus la veille, ont dû s’organiser dans l’urgence. Ils ont ainsi décidé d’éloigner les plus vulnérables (familles et personnes sans papiers), mis à l’abri la veille grâce à un réseau de soutiens individuels solidaires.

Le matin de l’expulsion, c’est sur le toit qu’une vingtaine d’habitants et de soutiens est allée attendre la police ; imposant, avant de quitter les lieux, d’ouvrir des négociations avec la Mairie, la Préfecture et la DDCS. Ils ne partiront qu’après avoir obtenu la promesse de voir se tenir, dès mercredi prochain, une réunion des institutions censées prendre en charge l’urgence sociale, afin de discuter de l’attribution durable d’au moins un bâtiment pour un Luttopia 03.

On prend les mêmes et on recommence

En finissant par quitter volontairement les lieux, les résidents et soutiens ont évité de subir une confrontation physiquement violente avec la police ; à la différence de l’expulsion de Luttopia 01 en octobre 2014, dont la vidéo, publiée par Midi Libre, avait témoigné de l’extrême brutalité. Cette année, les journalistes ont tout simplement été tenus à l’écart des événements, la police ayant interdit les caméras.
Un habitant sera malgré tout interpelé ; sous prétexte d’une simple vérification, il subira une garde à vue musclée. Quoi qu’il en soit, pour toutes et tous, se retrouver à la rue du jour au lendemain, précarisé au point de ne pas savoir où dormir le soir même, est d’une extrême violence.

Sur le fond, à Paris comme à Montpellier, l’excuse hypocrite des institutions est toujours et partout la même : on prétexte des conditions de vie insalubres, forçant la sollicitude jusqu’à l’expulsion. Les « solutions de relogement » mises en avant dans les médias se réduisent à quelques nuits d’hôtel pour certains – dans le cas de l’expulsion d’hier, une seule nuit, et ce seulement pour les quelques demandeurs d’asile en attente de traitement de leur dossier. L’Etat est pourtant officiellement dans l’obligation de loger ces personnes jusqu’à ce que leur demande soit traitée ; mais les absences de prise en charge sont légions, faute de place dans les Centre d’Accueil (CADA). Une unique nuit d’hôtel est une dépense permettant aux institutions d’afficher une apparente bonne volonté ; mais certainement pas une solution.

Une politique hypocrite et absurde

Le cas de Luttopia est emblématique : ces mêmes institutions qui ont ordonné son expulsion sont celles qui, hier encore, y envoyaient les personnes qu’elles ne pouvaient (ou voulaient) pas loger. Parmi les habitants, un certain nombre ont en effet été orientés vers ce lieu par des travailleurs sociaux du Conseil Général, de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration et du 115. L’an dernier, c’est la Préfecture elle-même qui s’était targuée d’avoir trouvé une solution de relogement pour des familles roms victimes d’une inondation, en les envoyant... à Luttopia ! Et ce quelques jours avant d’ordonner l’expulsion.

Pour les institutions, les mois passés à Luttopia par ceux et celles qu’ils y envoient sont autant de nuits économisées. Faute d’avoir suffisamment de logements d’urgence, l’Etat dépense, pour les rares familles qui ont la chance d’obtenir une chambre à l’hôtel, entre 2000 et 3000 euros par mois. De l’argent qui seraient bien mieux investi dans la construction ou la réhabilitation de bâtiments publics destinés au logement des plus vulnérables.

Le nombre de personnes accueillies, ainsi que le travail accompli avec elles, est un cruel témoignage de l’ampleur des besoins, dû à la carence des services sociaux. Ce que propose Luttopia, ce n’est pas seulement un toit, mais un lieu de vie autogéré par ses habitants, qui peuvent également y recevoir un réel accompagnement administratif et social s’ils le souhaitent. En somme, l’assise minimale nécessaire à chacun.e pour vivre, avoir des activités, se projeter.

Un rassemblement de soutien aux expulsé.e.s a réuni, le soir même, une petite centaine de personnes. A 18h, au moins 60 habitants de Luttopia 02 cherchaient encore une solution de logement pour la nuit, faisant fonctionner à plein régime le réseau de solidarité constitué autour de l’ancien lieu de vie. Les soutiens logistique (aide au déménagement) et matériel (denrées alimentaires, cartons), ainsi que les propositions d’hébergement, sont les bienvenues.


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