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Guerre de classe

Facilitation des expulsions, peines de prisons... : les locataires précaires visés par Macron

Un projet de loi macroniste prévoit de renforcer les poursuites pénales contre les locataires en cas d’impayés, de faciliter les expulsions et de réduire les délais de recours. Avec la crise, les députés se préparent à faire payer les pauvres. Si vous pensiez que l’hiver allait être dur, Macron vous promet que le printemps sera encore pire.

Petra Lou

15 novembre 2022

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A échéance régulière, la presse bourgeoise fait ses gros titres de la situation de pauvres propriétaires dont la maison est occupée par des « squatteurs ». Après que la presse nationale, le gouvernement et l’extrême-droite ont fini d’instrumentaliser ces affaires (qui vont jusqu’à des actions de milice pour déloger les occupants), on se rend souvent compte que loin de la figure du petit propriétaire vulnérable, il s’agit souvent de personnes qui ont voulu racheter une maison occupée à bas prix ou des multi-propriétaires spéculateurs qui mobilisent les médias. C’était le cas dans les affaires d’Olainville dans l’Essonne en juin dernier ou de Roland à Toulouse en 2021. A chaque fois, les médias essayent de distiller de la peur : n’importe qui pourrait voir sa maison squattée et les propriétaires seraient à la merci des locataires qui ne veulent pas partir. Dans tous les cas, la figure du pauvre est agitée comme un épouvantail.

Alors que la trêve hivernale a commencé le 1er novembre, la majorité macroniste a déposé un projet de loin qui promet de réduire les possibilités de défense des locataires face à leur propriétaire. L’examen en séance de ce texte devrait débuter le 28 novembre, pour durcir les mécanismes d’expulsion des locataires en situation d’impayés.

Un projet de loi qui va considérablement augmenter les sanctions pour les “squatteurs”, ceux-ci étant désormais menacés d’une peine qui pourraient aller jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45.000€ d’amende. Le rapporteur de cette loi, Guillaume Kasbarian avait déjà essayé de faire passer une telle mesure en catimini dans un autre texte lors de la précédente législature, mais elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel. Ce consultant de profession, formé à l’ESSEC (et qui en conséquence n’aura jamais de problème de logement) revient à la charge pour punir les pauvres. Car derrière l’image du “squatteur”, ce sont souvent des personnes ou des familles sans-abris qui occupent un logement vide pour se protéger de la rue. Chez LREM le droit de posséder des logements vides et d’empêcher des gens de s’en servir est sacré. Les députés de la majorité présidentielle veulent renforcer les expulsions, en les multipliant et en ajustant la peine encourue de façon à alourdir considérablement les sanctions. 

Le projet de loi prévoit d’accélérer également les expulsions de locataires. Si jusqu’ici l’audience ne pouvait pas avoir lieu moins de deux mois après l’assignation du locataire au tribunal par un huissier, le délai est réduit à un mois. Ce délai permettait d’établir un diagnostic social et financier (DSF) pour le locataire en situation d’impayé. Ceci afin de faire l’état des lieux sur la dette du locataire et son engagement pour remédier à la situation ainsi que sur les conséquences qui pourraient peser sur lui en cas de résiliation du bail, soit une étape cruciale, notamment pour des gens qui risquent de se retrouver à la rue, de perdre leur emploi. Raccourcissant de deux à un mois ce délai, cet article empêcherait tout bonnement la bonne réalisation de ce diagnostic, poussant à une justice expéditive qui expulse à la chaîne.

D’autre part, à l’heure actuelle, en cas d’impayé, le juge peut constater une résiliation de bail, mais il peut suspendre son application et mettre en place un plan de remboursement de la dette sur trois années maximum, pour permettre au locataire de se régulariser. L’expulsion effective n’a lieu que si le locataire ne respecte pas cet échéancier et son délai. Ce que propose le groupe parlementaire du parti présidentiel, c’est de baisser ce délai entre deux mois et un an. Enfin, comme le dénonce le collectif Droit Au Logement (DAL), “outre une réduction drastique des délais de procédure, la proposition de loi prévoit que si le locataire expulsé ne se met pas de lui-même à la rue, il devient un délinquant : il risque 6 mois de prison et 7 500 € d’amende après interpellation, comparution immédiate et condamnation” : ceux qui seront pris à la gorge par la précarité et qui refuserait d’aller d’eux-mêmes dormir à la rue verront les flics sonner à leur porte pour leur rappeler le droit sacré de la propriété.

Le logement représente une moyenne de 30% du budget des ménages les plus modestes, et au vu de la dynamique inflationniste dans l’alimentaire ou l’énergie, et les perspectives de récession qui pointent, l’hiver et les mois qui suivent risquent d’être très rudes pour une partie de la population. En juin dernier, Bruno Le Maire refusait de geler les loyers des 14 millions de ménages locataires et a décidé à la place d’annoncer un plafonnement de leur hausse à 3,5 % jusqu’en juin 2023. D’autre part, la réforme des APL entrée en vigueur en janvier 2021 a amputé les locataires d’une partie de budget leur permettant de payer leur loyer. Avec tout ce cocktail, les cas de non-paiement de loyer risquent de se multiplier, et le gouvernement entend s’y préparer, à la manière forte.

Comme le conclut le DAL dans son communiqué : « C’est le choix entre la rue, où l’on meurt à l’âge moyen de 48 ans, ou la prison pour celui ou celle qui refusera de quitter son logement afin de protéger sa famille ! ». Ce projet de loi s’inscrit dans les réalisations de la politique macroniste et intensifie ce qui existait déjà dans la loi, comme la loi Asap permettant aux propriétaires de récupérer leur logement sans passer par la justice mais par la préfecture.

Dès avant ce nouveau projet de loi, la réalité est bien plus défavorable aux locataires que ne veulent bien le faire croire les médias et les macronistes. Les marchands de sommeil font vivre un enfer aux travailleurs les plus précaires et peuvent se retourner à tout moment contre eux. En témoigne la double peine d’une locataire devant verser 12.000 euros d’amende à son propriétaire, alors même qu’elle payait un loyer de 500€ pour une cave de 9 mètres carrés insalubre.

Selon les chiffres de l’INSEE, plus de 3 millions de logements sont vacants en France. Un chiffre ahurissant alors que le nombre de sans-abris, de personnes qui sombrent dans une extrême précarité ou qui vivent dans des appartements minuscules et/ou insalubres ne fait qu’augmenter. Il y a urgence à réquisitionner tous les logements vides dont le nombre augmente artificiellement les prix de l’immobilier dans les grandes villes. Face à l’inflation, il est urgent d’imposer un gel réel des loyers. Pendant ce temps, le gouvernement est surtout occupé à punir les pauvres. En 2017, comme tous les présidents avaient lui ont pris l’habitude de le faire, Macron avait déclaré qu’à la fin de son mandat, il n’y aurait plus personne à la rue : désormais sa majorité promet qu’il y en aura de plus en plus.


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