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Tiers payant généralisé versus privatisation de la santé

Fin de la mascarade autour de la Loi santé

Camilla Ernst Les jeux sont faits, la loi santé de Marisol Touraine a définitivement été adoptée ce jeudi matin à l'Assemblée nationale, par un vote à main levée de la trentaine de députés ayant daigné se déplacer. Après 18 mois d'examen, et malgré la mobilisation très corporatiste des personnels de santé libéraux à son encontre, la loi est passée avec le soutien de la gauche, quand l'UDI et Les Répuiblicains ont voté contre. Depuis tout ce temps, les débats se sont cristallisés autour du Tiers payant généralisé, quand le véritable enjeu de cette loi est une marche accélérée vers la privatisation de la santé.

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18 mois de mascarade et un vrai danger pour le système de santé public

Le texte adopté ce jeudi 17 décembre à l’Assemblée est, à peu de choses près, identique au projet de loi initialement déposé par Marisol Touraine, preuve que le jeu parlementaire n’est qu’un faux-semblant de démocratie. Députés et parlementaires auront donc justifié leur salaire par un jeu de ping-pong, abrogeant et réinstaurant successivement la mesure phare de la loi : le tiers-payant généralisé, qui a sans surprise été finalement conservé, puisque c’est l’Assemblée, où siège la majorité, qui avait le dernier mot.

L’application du tiers-payant généralisé, qui sert de caution sociale à un PS en mal de popularité, permettra aux patients de consulter sans avoir besoin de faire l’avance des frais. Derrière une apparente avancée progressiste, c’est en réalité une accélération de la privatisation du système de santé qui se joue. Les remboursements des frais de soins devenus opaques, impossible de connaitre la part prise en charge par la sécurité sociale et celle dont se chargeront les mutuelles, qui pourra grossir progressivement. En liant la loi nouvellement adoptée à l’Accord National Interprofessionnel (ANI) de 2013 qui rend obligatoire pour tous les salariés l’adhésion à une mutuelle, ces organismes complémentaires privés gagnent du même coup plus de place au sein du système de santé et plus d’adhérents. Le rôle de la sécurité sociale se voit quant à lui toujours plus réduit, quand les gouvernements successifs ne cherchent qu’à diminuer la part du budget d’Etat alloué à la santé.

Autre outil de privatisation, les « Groupements Hospitaliers Territoire » ont eux aussi été maintenus dans la version finale du texte. Regroupant hôpitaux publics et structures privées au sein d’un même réseau, sous l’égide des Agences Régionales de Santé (ARS), véritables bras armés de l’Etat en matière de santé, ils contribueront à appliquer à l’hôpital public les logiques de rentabilité du privé, et permettront l’accélération du transfert de services du public vers le privé. Par là même, c’est aussi la disparition des hôpitaux de proximité, absorbés dans les structures de plus grosse importance, qui va se jouer.

Grand mouvement de grève des libéraux, ne pas s’y tromper

A l’appel de nombreux syndicats, les médecins libéraux, suivis ensuite par l’ensemble des professionnels de santé libéraux qui ont convergé dans leur lutte, se sont fortement mobilisés contre la loi santé. Ils dénoncent une source de complexité administrative et un risque de réduction de leur liberté de prescription. Loin de s’inquiéter de la casse du système de santé public, ce sont bien leurs intérêts, et la défense des valeurs de la médecine libérale qu’ils cherchent à défendre. Car si l’existence de la sécurité sociale les empêche de mettre en place leur chère liberté de tarification, la peur se dessine aujourd’hui d’un plus grand contrôle des prescriptions avec l’application du tiers-payant généralisé, voire que les mutuelles, devenues toutes-puissantes, imposent aux patients les médecins à consulter.
En réponse à la menace, c’est toute une série de procédés réactionnaires qu’ils ont développé pour protester en-dehors des jours de grève : en refusant par exemple systématiquement la carte vitale, obligeant les patients à envoyer une feuille de soins à la sécu pour embouteiller les caisses d’assurance maladie avec la paperasse qu’ils ont peur de devoir assumer au moment de la mise en application complexe du tiers-payant, ils ont fait retomber leur colère sur les patients obligés de faire l’avance des frais de consultation d’une part, et sur les employés de la sécu qui voyaient leur travail démultiplié d’autre part. Aujourd’hui, leur mouvement ayant été victime de l’état d’urgence mais ne décolérant pas pour autant, ils parlent même de déconventionnement, ce qui leur permettrait, n’ayant plus à faire avec la sécu, d’appliquer les tarifs qu’ils souhaitent.

Surfant sur la vague, et dans une logique purement électoraliste, Nicolas Sarkozy, François Fillon et Alain Juppé ont déjà annoncé qu’ils abrogeraient tout ou partie de la loi s’ils étaient élus aux présidentielles de 2017, dans la mesure ou la loi sera appliquée décret par décret, et où la généralisation du tiers-payant se fera par étape et ne serait donc pas encore achevée. Dans le même temps, les parlementaires des Républicains ont saisi le Conseil constitutionnel, qui doit encore rendre son avis. De quoi peut-être s’attirer les grâces des médecins dans l’isoloir le moment venu.

Face à la logique d’austérité, lutter pour un service public de qualité

Si malgré tout quelques mesures devraient être source de véritables progrès, l’expérimentation des salles de shoot et la suppression du délai de réflexion de sept jours avant une IVG par exemple, cette nouvelle loi santé s’inscrit dans une logique d’austérité imposée dans le domaine de la santé, ici par le renforcement d’une tendance à la privatisation du système de santé, ailleurs par des restrictions budgétaires records dans le cadre du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2016. Si depuis trente ans les gouvernements successifs cherchent le moyen de réduire le poids de la santé dans les dépenses publiques, le faisant passer pour une charge et non pour une dépense légitime, Marisol Touraine, et derrière elle le gouvernement Hollande, prouvent qu’ils n’ont de « socialistes » que l’étiquette, et font une grande poussée vers le dessaisissement de la sécurité sociale, et le désinvestissement de l’Etat en matière de santé.


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