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Justice de classe

Gilets Jaunes. "Saccage de l’arc de triomphe" : un procès politique

Après 2448 blessés (dont des dizaines de mutilés), 440 incarcérés, 11.000 garde à vues et 1 décès, la répression contre les gilets jaunes continue. Cette fois-ci sous la forme d’un procès politique largement médiatisé de dix gilets jaunes qui auraient participé au « saccage de l’Arc de Triomphe ».

Pepe Balanyà


et Nathan Deas

24 mars 2021

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Après les mutilés pour l’exemple, les jugés pour l’exemple

Ce lundi 23 mars débutait le procès du « saccage de l’Arc de Triomphe », lors de l’acte 3 des Gilets Jaunes, le 1er décembre 2018. Si les enquêteurs ont estimé que les dégradations de l’Arc de Triomphe avaient été le fait d’« un grand nombre d’individus », ils ne seront que dix sur le banc des accusés. Pour la justice française, il s’agit en réalité de faire un exemple.

Face au tribunal, dix hommes et femmes encourent jusqu’à dix ans de prison pour « « participation à un groupement en vue de destruction ou de dégradation de biens », « intrusion non autorisée dans un lieu classé ou inscrit au patrimoine historique », « dégradations aggravées », « vol par effraction » ou « recel de vol »

Comme le détaille Le Monde, le butin de huit des prévenus cumule : « 287 cartes postales, cinq boîtes de figurines à l’effigie des monuments de Paris, une boîte à musique « Sous le ciel de Paris »,un Arc de triomphe et trois tours Eiffel miniatures, deux pièces de collection, un parapluie des Monuments nationaux, quatre pièces souvenir de l’Arc de triomphe, une médaille de bronze, une reproduction d’un pistolet à silex Napoléon An XIII. Et plusieurs bouteilles d’alcool »

Pourtant comme le reconnait Sonia Lumbroso, la présidente de la 15e chambre du tribunal correctionnel de Paris, le : « Force est de constater que les instigateurs, voire les principaux auteurs des faits, n’ont pu être identifiés. ». Jean-Philippe Moral, l’avocat de l’association Halte au Pillage du Patrimoine archéologique et historique (Happah) qui s’est constituée partie civile, poursuit en ce sens et se félicite « d’avoir des responsables, même si ce ne sont pas les principaux ». Il explique :« C’est le procès d’un saccage puisque l’Arc de triomphe, qui est un bâtiment plus que bicentenaire, a connu, le 1er décembre 2018, les pires heures de son histoire. Même la Commune de Paris ne s’est pas attaquée à l’arc de triomphe ». Pour l’avocat, l’enjeu du procès est avant tout « symbolique » : « Il y a eu un émoi national, voire international. La France a donné la pire image d’elle-même ce jour-là. Il faut maintenant apaiser, réparer et que les casseurs soient reconnus coupables et responsables des atteintes majeures à ce beau bâtiment qui incarne l’histoire de France. »

Un procès symbolique

Le procès du « saccage de l’Arc de Triomphe » est en réalité celui de la journée du premier décembre 2018. Ce jour-là, la combativité et l’ampleur du mouvement des gilets jaunes avait accouché d’un climat presque insurrectionnel dans les rues de la capitale et mis à mal des forces de police dépassées. Ce que les classes dominantes ont entamé ce lundi 23 mars, c’est un procès éminemment « symbolique » pour tenter d’exorciser les craintes qu’elles ont pu ressentir et lancer un message politique dans la lignée du tournant autoritaire récent.

Le « saccage de l’Arc du Triomphe » était devenu l’acmé d’un des processus de lutte de classes les plus aigus auquel la bourgeoisie française a eu à s’affronter depuis mai 68. Ainsi les tags qui recouvraient le monument et qui ont été lus par la présidente de séance lors de la session de ce lundi ne pouvaient pas être plus explicites : « RENVERSE LA BOURGEOISIE », « FIN DE REGIME » « Les gilets jaunes triompheront », « MAI 68-DÉCEMBRE 2018 ». Ainsi si le procès est un symbole, et est revendiqué comme tel par l’avocat de l’accusation civile, ce que la bourgeoisie se hâte de conjurer c’est d’une des expressions les plus intenses de la lutte des classes ces dernières années avec le mouvement des gilets jaunes.

Dans ce sens ce n’est pas étonnant que la journée semi-insurrectionnelle du 1er décembre soit définie par toute la presse comme un simple « saccage ». Il s’agit de dévaluer, notamment aux yeux des classes populaires et des salariés, la portée politique de cette journée d’émeute qui avait marqué le pays tout entier. Si d’un côté ce procès vise, par sa mise en scène, à exorciser les peurs qui hantent la bourgeoisie, de l’autre côté ce procès s’inscrit dans le tournant autoritaire préventif que le gouvernement a approfondi avec la loi sécurité globale. Avec le procès des 10 manifestants, le gouvernement et la bourgeoisie cherchent à condamner le mouvement des gilets jaunes dans son ensemble et à lancer un avertissement pour la contestation sociale à venir.

Après 2448 blessés (dont des dizaines de mutilés), 440 incarcérés, 11.000 garde à vues et 1 décès, la répression contre les gilets jaunes continue. Ce procès très médiatique est une nouvelle expression d’une justice de classe et ce de façon d’autant plus éclatante, alors qu’il y a quelques semaines à peine, nous apprenions que l’ex président Nicolas Sarkozy pourrait passer sa peine de prison depuis son domicile.


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