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Parole de grévistes

Grève des cheminots à Toulouse : « On veut une véritable augmentation de salaire pour tous ! »

L’immense majorité des trains étaient à l’arrêt ce mercredi à Toulouse comme ailleurs. Les raisons de la colère des cheminots en grève : un salaire gelé depuis 9 ans alors que l’inflation monte en flèche, mais aussi des conditions de travail qui ne cessent de se dégrader.

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Presque aucun train ne roulait ce mercredi au départ et à l’arrivée de Toulouse. A l’échelle nationale c’est plus de 30 % des cheminots qui ont fait grève pour revendiquer une augmentation de salaire, gelés depuis 9 ans. Cette perte de pouvoir d’achat est parfois compensée partiellement par des primes pour certains corps de métier, mais l’inflation qui ne cesse d’augmenter, le coût de la vie, est venue agir comme un déclencheur chez beaucoup de grévistes. Cette journée de grève a permis de gagner 3,1 % d’augmentation générale médiane de salaire, encore bien loin du chiffre de l’inflation. Cinq cheminots de Toulouse, issus de différents métiers (conduite, technicentre, aiguillage) ont accepté de témoigner.

« Tout augmente sauf les salaires ! »

« Moi j’ai pris en moyenne 20€ bruts d’augmentation par an sur 20 ans, liés à mon ancienneté, le reste c’est que de la prime », explique S., conducteur de train. « Notre entreprise est à l’image de la société, avec des dirigeants déconnectés de la réalité du coût de la vie, une espèce de classe moyenne qui s’en sort grâce à des primes, notamment les roulants (contrôleurs et conducteurs). Et après il y a tous ceux qui n’ont pas de prime, les embauchés en dessous du SMIC, des gens qui sont dans une vraie situation de précarité, et on fait aussi grève en solidarité avec ces collègues-là. Notre situation n’est pas enviable, mais il y a des situations qui sont carrément injustes, et qui datent de bien avant l’inflation. La répartition des richesses, au sein de la SNCF comme ailleurs, est réellement injuste. »

L, travailleur au technicentre, témoigne : « En en parlant toute la semaine autour de moi, j’ai trouvé que beaucoup de collègues se sentaient concernés par cette question de salaires. Tout augmente, on le voit. Même ceux qui d’habitude rechignent à faire grève se sont mobilisés. Dans mon secteur on était près de 80 % de grévistes. »

« A l’EIC où les agents se sont déjà mobilisés ce printemps pour des salaires et des embauches, le nombre de grévistes était important aujourd’hui », atteste B, aiguilleur.

« Cette journée était nécessaire, j’ai réussi à convaincre des collègues au dernier moment », renchérit F, qui travaille également au technicentre. « Tout le monde le dit, le plein a augmenté donc c’est de l’argent que tu mets pas ailleurs, tu fais moins d’activité à côté du boulot. Cette augmentation elle est vraiment primordiale pour nous, on voit que tout augmente sauf nos salaires. Les 3,1 % d’augmentation c’est une première pierre pour nous, on n’avait rien obtenu depuis longtemps, mais c’est pas une victoire. Surtout qu’à la SNCF le problème c’est pas uniquement le salaire, c’est aussi le manque d’effectif et les conditions de travail. »

S. met en lumière les risques liés à la sécurité ferroviaire et la dégradation du service proposé par la SNCF, conséquences directes des économies que cherche à faire l’entreprise sur le dos des cheminots : « Une personne en difficulté financière ne peut pas prendre soin d’elle, et c’est incompatible avec des missions de sécurité comme beaucoup de métiers à la SNCF. Ça impacte forcément la qualité du travail, ça montre le peu de considération de l’entreprise pour le travail qu’on fournit. La SNCF n’est pas en capacité de protéger ses salariés et par extension les usagers. »

Et à l’issue de cette journée, pour B. comme pour les autres, les résultats de la négociation sur les salaires sont bien en-deça des attentes : « Cette augmentation qui va au maximum jusqu’à 3,7 % pour certains secteurs est scandaleuse, bien loin des chiffres de l’inflation. On nous jette des miettes à la gueule. »

Une journée de grève : « Mais derrière, qu’est-ce qu’on fait ? »

Pour beaucoup de grévistes, la journée de mobilisation a révélé une contradiction importante, celle d’une forte colère à la base mais d’une absence de plan de bataille pour la suite et d’un isolement des cheminots, qui s’organisent métier par métier plutôt que tous ensemble.

« J’ai toujours détesté les grèves carrées, ça ne sert qu’à se compter », tranche J, conducteur.

« Une mobilisation d’une journée ça permet de mettre beaucoup de gens en grève », nuance S. « Quand tu vas négocier localement et que tu as les collègues derrière la porte ça donne beaucoup de force. Mais derrière qu’est-ce qu’on fait ? S’il n’y a pas de suite, c’est ça le problème. Dans beaucoup d’endroits, une grève de 24 heures signifie qu’il n’y a pas d’AG, parce que personne ne voit l’intérêt de se réunir et discuter s’il n’y a pas la perspective derrière de construire un rapport de force, de construire des équipes militantes. »

« Le problème à Toulouse c’est qu’on ne fait pas de manif, pas de rassemblement, pas d’AG, donc on dit qu’on part tous ensemble, mais on ne se parle pas entre nous. La gare est vide mais tu ne vois pas les cheminots », regrette F.

« Les conséquences de la loi travail et de la réforme du rail en 2018 ont beaucoup contribué à isoler les cheminots les uns des autres. L’inflation et la peur qu’elle engendre viennent mettre ça en relief. En Occitanie on a eu beaucoup de luttes locales mais isolées, avec une logique de « chasseurs de prime », une sorte de far west ferroviaire où personne ne veut être le grand perdant. Les collègues étaient prêts à aller loin mais en ordre dispersé, en passant de la construction d’un rapport de force au sein de l’entreprise à un rapport de force par métier, dans une logique de concurrence qui a été amplifiée par les primes à la performance, individualisée et individualisante. Alors que ce qu’on demande c’est une véritable augmentation de salaire pour toutes et tous, qu’on se bat pour la même chose. »

Sortir de l’isolement

Pour l’ensemble des cheminots de différents métiers qui ont accepté de témoigner, la colère dépasse la seule question des salaires et le combat se joue au-delà des murs de la SNCF. Tous relient leur combat aux différents secteurs qui se mobilisent sur la question des salaires récemment.

« Aujourd’hui, soit on accepte un appauvrissement général, parce que la perte de pouvoir d’achat est énorme, soit on se bat » déclare S. « Les premiers ça a été dans la restauration, et ensuite il y a eu des appels à la mobilisation sous diverses formes dans de nombreux secteurs. On est dans un contexte d’extrême tensions, entre l’inflation, la crise, la guerre… Il y a une vraie inquiétude, commune à toutes et tous. »

Pour L., l’espoir d’une lutte victorieuse vient d’ailleurs : « Ça fait 20 ans que je suis dans la boîte, 20 ans que je participe à toutes les grèves. Nous, cheminots seuls, on aura du mal à mobiliser beaucoup au-delà de nous, mais il faut se lier à d’autres secteurs, c’est dommage que ça ne converge pas. Pour l’instant c’est secteur par secteur. Le rapport de force serait très différent si la jeunesse, qui n’a rien à perdre et tout à gagner, rentrait dans la bataille par exemple. »

« Aujourd’hui je ne suis pas pessimiste parce qu’il y a toute une nouvelle génération qui arrive dans la boîte et qui est sensibilisée à des questions comme l’écologie, le féminisme, la lutte contre le racisme, qui vont amener un vent de fraîcheur et un renouveau », conclut J.


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