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Passée inaperçue ?

Grève nationale à la SNCF le 2 février : pourquoi en a-t-on si peu entendu parler ?

Si le début de l'année 2017 promettait d’être social, après le mouvement contre la loi travail de 2016, les perspectives présidentielles (françaises bien sûr, mais aussi mondiales) ne la feront pas mentir. Sur fond de grèves sectorielles, de grogne pour la sauvegarde des emplois et des acquis sociaux, du ras-le-bol de cette caste politicienne et de leur « gouvernance », un certain nombre de cheminots ont répondu présents à l’appel à la grève du 2 février. Pourtant, cette journée de grève a eu deux préavis distincts pour origine. Si le premier concernait la totalité des cheminots, par des revendications sur la sécurité des circulations ferroviaires et de son personnel, des emplois et de la réglementation du travail, ou encore du salaire, le second préavis portait sur le forfait-jours, touchant les cadres et les agents niveau maitrise de la SNCF. Dans une stratégie de désorganisation, le deuxième temps de la réforme ferroviaire s’est ouvert pour une grande partie des salariés SNCF : 30.000 cheminots seront directement concernés. La réglementation de leur travail s’en verra radicalement bouleversée. Correspondants cheminots

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Jeudi 2 février, une grève nationale à l’appel de la CGT Cheminots était prévue. Les JT ont donné la parole à de « bons travailleurs », ceux qui « se lèvent tôt » et qui galèrent dans les transports. Ici commencent les premières manœuvres médiatiques auxquelles nous sommes malheureusement habitués : tenter de faire passer les cheminots pour les responsables de la catastrophe actuelle du transport ferroviaire, qui en réalité est organisée et orchestrée par la direction de la SNCF et les gouvernements successifs. Relayant les chiffres de la direction, avec un « un trafic peu perturbé, et un taux de grévistes (9,35 %), plutôt stable pour ce genre de grève dite carrée », les médias cherchent, là encore, à faire une « démonstration » : les cheminots ne sont pas mobilisés. Mais au-delà des revendications dites « d’usage », la présence du forfait-jours dans le menu rappelle un goût amer, un goût âcre : celui de la défaite en juin dernier. C’est dans ce bouillon que la division, si efficace, se met en place sournoisement…

Petit rappel des faits. Au printemps dernier s’ouvraient les négociations sur le changement de réglementation du travail pour les cheminots. Ces derniers sont divisés, en fonction des spécificités de leur travail, en trois réglementations distinctes, que l’on nomme titre. Or l’an dernier, seul les titre 1 (le personnel dit roulant : conducteur, contrôleur) et 2 (le personnel dit sédentaire : escale, vente, aiguilleur) ont été le sujet des discussions. Pour le titre 3 (cadre et maîtrise), entre pression et propagande de la SNCF d’un côté, complaisance opportuniste syndicale de l’autre, il fut décidé de négocier plus tard. Sept mois plus tard, nous y voilà, et malgré les mensonges de la direction, le forfait-jours arrive à grand pas. Pour eux, ce n’est ni plus ni moins que la fin des 35 heures, l’arrivée du travail à la tâche et de la servitude dominicale.
Ce mouvement social est assez révélateur d’une stratégie de déstructuration et de contrôle. Si le forfait-jours fait autant grincer des dents, c’est qu’il touche une grande partie des salariés de la SNCF, pour qui certains syndicats ont signé une réglementation en blanc - comprendre : on s’entendra plus tard. Lors du conflit opposant les cheminots à la politique du dumping social – sous couvert de réforme nécessaire, sous couvert de Bruxelles, sous couvert que « La concurrence arrive… » – ce fut le théâtre d’une manipulation de plus de la part de l’Etat, aidé bien sûr par les directions de la CFDT et l’UNSA. Quand bien même une base mobilisée, quand bien même des chiffres en progression, que faire quand le taux de grévistes ne dépasse les 25 ou 30 % ? Depuis des années, l’entreprise crée et entretient une sorte de régime de castes, et anticipe l’union des forces.

Nombre de cheminots se sont mobilisés au printemps contre la réforme, ont battu le pavé pour faire vivre cette grève, se sont déplacés vers les postes pour parler et débattre, ont interpellé leurs cadres et le reste de leur hiérarchie, mais ils se sont heurtés à des fins de non-recevoir. Aujourd’hui, comment ne pas les démotiver plus ? Sachant que ce genre de grève (grève carrée = 24h) ne trouve plus guère de résonance, comment ne pas plus isoler ceux qui représentent aujourd’hui une grande force de mobilisation et de pression sur la politique ? Voilà la stratégie de la direction : diviser, fragmenter une structure en plusieurs morceaux, délimiter le rapport de force, estimer les dommages, appliquer une stratégie en plusieurs phases, calculer les indemnités. L’État, par le biais de la direction de la SNCF, désorganise sciemment une des dernières grandes entreprises, et se contredit lui-même avec les mesures sociales qu’il vote. Le projet du forfait-jours va à l’encontre de la loi sur la déconnexion, et foule du pied tous les rapports pointant « le temps de travail excessif de certains cadres » (cabinet d’expertise Secafi, nov 2016).

L’évidente nécessité de faire converger l’ensemble du corps ouvrier, tous secteurs confondus, n’étant déjà pas une mince affaire, la SNCF se trouve aujourd’hui fragmentée de toutes parts tant les filières et sous-filières se sont multipliées durant ces quinze dernières années, rendant toujours plus difficile cette convergence à l’échelle même d’une entreprise. Le forfait-jours qui a conduit à la grève du 02 février dernier, comme d’autres attaques passées et à venir, s’inscrit dans cette difficulté croissante de faire converger l’ensemble des salariés d’un même secteur, la direction de la SNCF créant volontairement de la désunion. La direction de la CGT Cheminots a ainsi décidé de manière unilatérale aussi bien de la date que des modalités et des revendications de la grève. Au niveau national, les organisations syndicales n’ont pas réussi à s’entendre, à commencer par celles qui, en juin dernier, ont appelé à la mobilisation contre les applications de la réforme ferroviaire et contre la loi travail. C’est d’autant plus regrettable que dans certaines régions, comme en PACA par exemple, différentes organisations syndicales ont appelé à la grève sur des problématiques et des revendications locales. Le fait d’aller à la grève de façon isolée, ou avec peu de préparation, a fait que de nombreux cheminots n’étaient même pas au courant de cette grève ; ou, s’ils l’étaient, ils n’ont peut-être pas vu la nécessité de s’y associer. Seule une convergence entre les différents secteurs, ainsi qu’une politique de rassemblement des cheminots, syndiqués et non-syndiqués, sur la base de revendications communes, permettront d’enrayer cette dispersion entretenue par nos directions. C’est à cela que nous devons œuvrer.


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